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René-Noël Raimbault (Traducteur)Charles-P. Vorce (Traducteur)Maurice Edgar Coindreau (Traducteur)
EAN : 9782070384143
371 pages
Gallimard (24/10/1991)
3.76/5   48 notes
Résumé :
La renommée de Faulkner romancier a trop souvent obscurci un aspect pourtant capital de l'œuvre de celui qui fut l'un des plus grands écrivains de notre siècle : les nouvelles. À ce titre, ce recueil, le premier qu'il publia aux États-Unis en septembre 1931, aussitôt après "Sanctuaire", est particulièrement précieux. Dédié à sa femme et à son premier enfant qu'il devait perdre en bas âge, il comporte, entre autres, la plus célèbre nouvelle de Faulkner, "Une rose pou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Bon, alors comment je vais amener ça... Difficile de dire qu'on n'a pas été terriblement enthousiasmé par Faulkner sans passer pour le pire des imbéciles - à moins de l'avoir lu pour la première fois adolescent, ce qui autorise à avouer qu'à cet âge-là, naturellement, on a absolument rien compris. Et c'est ce qu'on fait tous les invités de Matthieu Garrigou-Lagrange sans exception lorsqu'il a consacré une série d'émissions à l'auteur. Eh ben tiens, voilà donc qui tombe bien pour moi, car du coup j'ai une excuse de taille : j'ai lu Faulkner pour la première fois à environ neuf ans, ce qui m'a probablement traumatisée et empêché de l'apprécier à sa juste valeur. (Aparté : j'ai juste omis de préciser en passant qu'il s'agissait d'un conte pour enfants, espérant que vous m'imagineriez lisant le bruit et le fureur, le soir, après mes cours de CM1).

Tout de même, j'avais prudemment prévu de réserver Treize histoires pour des moments où mes capacités cognitives étaient à leur maximum (ce qui est le cas la plupart du temps, cela va sans dire), réservant mes quelques instants de surcharge cognitive à des petites choses plus divertissantes. Bon, cessons de tourner autour du pot. Je n'ai pas été passionnée par Treize histoires, beaucoup plus en raison des histoires elles-mêmes qu'en raison du style.

Le recueil est réparti en trois parties plus ou moins cohérentes. La première concerne quatre nouvelles sur la guerre de 14-18 vue par le petit bout de la lorgnette, par des soldats qui ne savent plus quoi faire de leur peau après le conflit, ou encore qui découvrent le véritable visage de la guerre en pataugeant dans ce qui ressemble à une nécropole boueuse pour sauver leur peau. Je cite là Victoire et Crevasse, les deux autres nouvelles m'étant assez vite sorties de la tête, parce que le sujet m'en a semblé assez conventionnel. Et encore, Victoire ne m'a pas paru d'une nouveauté époustouflante, mais je garde en mémoire son ton terne, morose, désespérant. Crevasse, c'est autre chose : une plongée extrêmement morbide dans l'horreur de la guerre, une confrontation avec la mort - une mort savamment mise en scène par Faulkner, qui n'est pas sans rappeler les images de fosses mortuaires collectives mises à jour par les archéologues, et qui laisse difficilement de marbre.

La seconde partie, scindée en six, se déroule dans le désormais célèbre comté fictif de Yoknapatawpha, dans la non moins célèbre ville fictive de Jefferson. Il est de bon ton, paraît-il, de faire étudier systématiquement Une rose pour Emily aux étudiants des États-Unis, et de fait, même en France, c'est bien la nouvelle la plus célèbre de Faulkner. Je n'en nie pas l'intérêt, mais il me semble que plusieurs écrivains français du XIXème sont allés plus loin que Faulkner sur ce terrain-là et que le texte est, sinon surestimé, du moins un peu trop mis en avant par rapport à ses autres nouvelles, voire à pas mal d'autres textes d'autres auteurs. Il est question dans ces six nouvelles de rapports de force entre les êtres - et, forcément, entre autres, d'esclavagisme, pratiqué par les Blancs comme par les Indiens -, de traditions, de frustration sexuelle, de crime, d'hypocrisie et de discrimination sociale, de peur de l'autre, de peur tout court, et, même, de la confrontation de l'enfance à un comportement adulte que personne ne prend la peine d'expliquer. Et de beaucoup d'autres choses. Soleil couchant, dans sa confrontation des enfants Compson (personnages du roman le bruit et la fureur) à la terreur de leur domestique noire d'être assassinée par son compagnon, et qui n'y comprennent absolument rien, m'a paru la nouvelle la plus viscérale : elle renvoie non seulement à ces moments de l'enfance de chacun, mais aussi à la situation du lecteur qui, disons-le (et j'en toucherai un mot en fin de critique), a bien du mal à remettre ses idées en ordre devant une situation qui lui est parfaitement étrangère. Ce qui est également frappant, c'est qu'on retrouve des personnages d'une nouvelle à l'autre, et que selon la nouvelle, le point de vue qu'on a sur lui varie sensiblement. Plusieurs personnages plutôt sympathiques de Chevelure deviennent soit des assassins, soit des lâches qui laissent commettre un meurtre raciste. A l'inverse, un esclavagiste indien dans Feuilles rouges se révèle faire le nécessaire pour préserver une esclave noire de la concupiscence d'un de ses compagnons.

La troisième et dernière partie est plus difficile à cerner, et j'avoue que j'ai commencé à lâcher un peu l'affaire avec Mistral, qui me rappelait à la fois Chevelure et Une rose pour Emily - nouvelles de la seconde partie -, et dont je ne voyais pas très bien l'intérêt. J'ai eu l'impression que le sujet avait déjà été plus ou moins traité plus avant dans le recueil, et même, là encore, par bien d'autres auteurs. Qu'il n'y avait par conséquent plus grand-chose à en tirer, si ce n'est le travail sur le style. Un divorce à Naples, histoire d'amour entre deux matelots, souffre en revanche peut-être d'un sujet qui n'est plus tabou depuis longtemps. Quant à la nouvelle Carcassonne, espèce de délire poétique, je laisse chacun s'en remettre à sa propre lecture. Je dois dire que j'ai plutôt décroché, pour ma part.

Finalement, à part Soleil couchant et, surtout, Crevasse, pas de révélation pour moi. Mais je dois dire que l'écriture de ces nouvelles est ce qui m'a le plus intriguée. Il y a quelque chose de profondément en phase avec le fonctionnement de l'esprit humain - et particulièrement la mémoire - dans le style de Faulkner, et même une traduction - même une traduction défectueuse, dirais-je - permet de l'appréhender. le lecteur est balancé dans une histoire dont il ne connaît ni les tenants, ni les aboutissants, ni les personnages, et dont il n'apercevra qu'une petite partie. C'est raconté comme vous le raconterait un ami, qui omet des détails, ne cesse de faire des digressions, vous parle de quelqu'un qui s'appelle Machin mais dont vous ignoreriez jusque-là l'existence, puis vous dit qu'il tient telle anecdote d'Untel, et puis non, finalement pas d'Untel mais de Truc, et d'ailleurs l'anecdote n'est pas celle-là, et d'ailleurs il ne se souvient même plus pourquoi il vous raconte ça, ou bien c'est vous qui ne comprenez pas pourquoi. Bref, vous êtes plongés d'emblée dans treize histoires et vous devez vous débrouiller avec ce que vus avez sous les yeux. Ce qui me rappelle un commentaire de David Lynch sur ses films, notamment sur Mulholland Drive. Il disait en gros que les spectateurs croyaient n'avoir rien compris au film, mais que lorsqu'il commençait à discuter avec eux, il lui paraissait évident qu'il en avaient saisi le sens. Faulkner, je crois que c'est un peu ça. On a l'impression d'être largué, mais son écriture du récit rencontre une expérience universelle, que chacun est en mesure d'appréhender. À condition d'avoir les neurones bien au repos au moment de la lecture !
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Je pensais naïvement que les récits de Faulkner ne se déroulaient que dans le fameux comté faulknérien de Yoknapatawpha dans le Mississippi, et ce recueil de nouvelles, "Treize histoires", s'il ne déroge pas totalement à la règle puisque la deuxième partie de ce recueil a bien pour toile de fond la région de Jefferson, transporte le lecteur, une première fois, en Europe à la fin de la Première Guerre mondiale, et, pour sa dernière partie, en Italie plus particulièrement, pour finir par une ultime nouvelle étonnante, proche de la poésie, effaçant tout paysage, tout point de repère, mais paradoxalement intitulée « Carcassonne. »
Si la célèbre nouvelle, Une Rose pour Emily, est un petit bijou, avec une chute qui laisse pantois, la peinture de ce petit manège, ou du "timbre-poste" sudiste, permet de ne jamais véritablement clore la narration, car un récit en appelle un autre, comme un père appelle un fils, comme des ancêtres appellent une lignée. L'oeuvre de Faulkner s'apparente à un éternel recommencement, l'éternel retour de Nietzsche, d'une humanité lancée rageusement vers un avant improbable, mais ne voyant pas qu'elle ne fait que tourner sur elle-même.
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13 histoires, 13 émotions…
Victoire, Ad astra, Tous les pilotes morts, Crevasse, Feuilles rouges, Une rose pour Emily, Un juste, Chevelure, Soleil couchant, Septembre ardent, Mistral, Divorce à Naples, Carcassonne

Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Elle eut donc à nouveau de la famille sous son toit, et tout le monde s'apprêta à suivre les événements. Tout d'abord il ne se passa rien. Ensuite, nous fûmes convaincus qu'ils allaient se marier. Nous apprîmes que Miss Emily était allée chez le bijoutier et avait commandé un nécessaire de toilette pour homme, avec les initiales H.B. sur chaque pièce. Deux jours après nous apprîmes qu'elle avait acheté un trousseau d'homme complet y compris une chemise de nuit, et nous dîmes : "Ils sont mariés." Nous étions vraiment contents. Nous étions contents parce que les deux cousines étaient encore plus Grierson que Miss Emily ne l'avait jamais été.
Nous ne fûmes donc pas surpris lorsque, quelque temps après que les rues furent terminées, Homer Barron s'en alla. On fut un peu déçu qu'il n'y ait pas eu de réjouissances publiques mais on crut qu'il était parti pour préparer l'arrivée de Miss Emily ou pour lui permettre l'arrivée de se débarrasser des cousines. (Nous formions alors une véritable cabale et nous étions tous les alliés de Miss Emily pour l'aider à circonvenir les cousines.) Ce qu'il y a de certain, c'est qu'au bout d'une semaine, elles partirent. Et, comme nous nous y attendions, trois jours ne s'étaient pas écoulés que Homer Barron était de retour dans notre ville. Un voisin vit le nègre le faire entrer par la porte de la cuisine, un soir, au crépuscule.
Nous ne revîmes plus jamais Homer Barron et, pendant quelques temps, nous ne vîmes pas Emily non plus. Le nègre entrait et sortait avec son panier de marché, mais la porte d’entrée restait close. De temps à autre, nous la voyions un moment à sa fenêtre, comme le soir où les hommes allèrent répandre de la chaux chez elle, mais pendant plus de six mois, elle ne parut pas dans les rues. Nous comprîmes qu'il fallait aussi s'attendre à cela ; comme si cet aspect du caractère de son père qui avait si souvent contrarié sa vie de femme avait été trop virulent trop furieux pour mourir.

Une rose pour Emily
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Depuis que le train avait quitté Arras, les deux femmes n'avaient pas cessé d'observer l’autre occupant du compartiment. C'était un compartiment de troisième. Il n'y en avait pas de première sur cette ligne. Elles étaient assises la tête enveloppée d'un fichu, leurs grosses mains de paysannes immobiles et croisées sur des paniers fermés tenus sur leurs genoux, observant, assis en face d'elles sur une banquette de bois usée et graisseuse, - les cheveux blancs contrastant avec le visage hâve et bronzé, les pointes des moustaches, le complet de coupe étrangère, la canne, - l'homme qui regardait par la portière. Tout d'abord, elles n'avaient fait que l’observer, prêtes à détourner les yeux, mais comme il ne semblait pas faire attention à elles, elles se mirent à chuchoter entre elles tout bas derrière leurs mains. L'homme ne parut pas s'en apercevoir. Alors, bientôt, elles causèrent à mi-voix, détaillèrent de leurs yeux vifs, alertes, curieux, cette figure paradoxale légèrement penchée sur sa canne et regardant à travers une fenêtre aux vitres sales au-delà de laquelle il n'y avait rien à voir, si ce n'est, de temps en temps, une route défoncée, le moignon d'un arbre brisé à hauteur d'homme surgissant de minuscules portions cultivées qui contournaient avec un apparent illogisme des îlots de terre signalés par des petits écriteaux peints en rouge, îlots impénétrables, déserts étendus sur les ruines enfouies dans leur sein.

Victoire
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Non, ce fut Matt Fox, l'autre commis, qui me raconta cela. Ce fut lui qui me parla de la poupée qu'Hawkshaw donna à Susan pour Noël. Je ne sais comment il parvint à savoir cela. Ce ne fut certes pas Hawkshaw qui le lui dit. Il l'apprit pourtant ; il en savait beaucoup plus que Maxey sur le compte d'Hawkshaw. Il était marié, ce Matt, un gros garçon flasque avec une figure de papier mâché et un regard las ou mélancolique, - oui, quelque chose comme cela. Un drôle de type, presque aussi habile coiffeur qu'Hawkshaw. Il ne parlait pas beaucoup lui non plus, et je ne m'explique pas comment il savait tant de choses sur Hawkshaw alors qu'un bavard comme Maxey réussissait à en savoir si peu. Mais sans doute un homme qui parle beaucoup ne trouve-t-il pas le temps d'apprendre grand-chose sur n'importe quel sujet, si ce n'est des mots, rien que des mots.

Chevelure
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Nous étions attablés à l’intérieur, Monckton, le maître d’équipage, Carl, George, moi et les trois femmes, les trois femmes de cette catégorie d’aguichantes réprouvées que fréquentent, ou qui fréquentent, les marins. Nous parlions anglais et elles ne disaient rien. Ce qui fait qu’elles pouvaient nous parler tout le temps, par-dessus le bruit de nos voix, dans une langue plus ancienne que les langages humains, plus ancienne que le temps même. Plus ancienne, en tout cas, que les trente-quatre jours de voyage que nous venions de faire. De temps en temps, elles s’adressaient mutuellement la parole en italien. Les femmes en italien, les hommes en anglais. On eût dit que ces langues différentes étaient fonction de la différence des sexes, que le jeu des cordes vocales n’était qu’une façon déguisée d’attendre l’heure ténébreuse de l’accouplement. Les hommes en anglais, les femmes en italien : convention semblable à deux courants parallèles momentanément séparés par une digue.

("Divorce à Naples", p. 343)
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Celle-ci ressemble à une vallée en miniature entre des miniatures de collines. Au-dessus d'eux, ils n'aperçoivent que la voûte lourde et vide du ciel, avec quelques pâles taches de fumée vers le nord-est. Le fracas du tir de barrage n'est plus maintenant qu'atténué et lointain, une vibration du sol que l'on sent plutôt qu'on ne l'entend. Ici, pas le moindre entonnoir récent, pas la moindre trace de trous d'obus. On a l'impression de s'être tout à coup égaré dans un monde où la guerre n'est pas encore parvenue, où rien n'est parvenu, où la vie n'existe pas, où le silence même est mort. On donne de l'eau au blessé et on continue à marcher.

Crevasse
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De quel écrivain génial André Malraux parlait-il quand il a dit : « C'est l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier » ?
« le Bruit et la fureur » de William Faulkner, c'est à lire en poche chez Folio.
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