On ne sait presque rien de la vie de Michelangelo Merisi, passé dans la postérité (qui l'a boudé de longues années) sous le nom "le Caravage".
Dominique Fernandez s'empare de ce presque rien pour laisser à son imagination le libre cours de créer ce récit. C'est son droit légitime d'écrivain à l'écriture fougueuse et soigneusement travaillée.
Néanmoins, en dépit de l'intérêt que je porte à l'art,
L Histoire et les belles choses bien écrites, j'ai eu des problèmes avec ce livre du début à la fin.
Le titre en soi est annonciateur d'un destin. Or je ne crois pas du tout en la notion de destin. Je pense qu'on cache sous ce terme notre incapacité à reconnaître les erreurs du passé et à ne pas les reproduire. Et puisqu'il s'agit ici d'un artiste, et quel artiste!, je crois pertinent de citer
André Malraux: " l'art est un anti-destin." Fernandez ne démentira pas, c'est l'un des buts de son livre que de soutenir cette idée. Mais
Malraux a aussi affirmé que "la tragédie de la mort est en ce qu'elle transforme la vie en destin." Et c'est ici que je m'éloigne de Fernandez qui s'emploie à expliquer la mort tragique du Caravage en projetant sur son sujet ses propres fantasmes d'écrivain donnant dans la destinée tragique. Tout concourt dans ce livre à vouloir nous faire croire que le Caravage ne pouvait pas ne pas finir comme il l'a fait dans cette folle "course à l'abîme" C'est le mythe de l'artiste tourmenté à un point tel que sa mort ne peut être que tragédie.. C'est ce qui me dérange dans le cas présent.
Cela étant, le contexte de l'époque est bien dépeint: la Contre-Réforme avec une Inquisition plus que jamais sur le qui-vive, la contribution du nouveau venu chez les artistes peintres qui va transformer le classicisme de la Renaissance finissante en un Baroque sombre et flamboyant à la fois avec cette maîtrise absolue du clair-obscur. En cela le livre est bon. Mais il s'achève aussi brutalement que la vie du personnage principal. Si c'est voulu, alors je passe complètement à côté de l'effet recherché. Si c'est un accident, je n'ose croire que Fernandez était à ce point pressé de terminer son récit. C'est très dommage, car il me laisse avec un sentiment d'inachevé... Caravage méritait mieux que cela!