Ce récit commence par une litanie de malheurs, de tristesses qui accâblent une femme, Valentine. J'ai alors ressenti à un moment l'envie d'abandonner sa lecture. Mais, heureusement
Alice Ferney a une écriture vraiment douce, un phrasė velouté, cela encourage à la lecture malgré la dureté de ce qui est relaté.
Cela en fait un beau roman, témoignage de la condition féminine à travers plusieurs générations.
Les couples se forment de façon simple et rapide, parfois c'est une union arrangée. Dès les unions scellées, hommes et femmes s'installent dans un rythme de vie qui deviendra quasi monotone, aux habitudes bien posées. Chacun son rôle. Les femmes sont dédiées à leur foyer, leurs enfants, elles sont soumises à leur mari, consentantes et aimantes. La coutume, la contrainte sociale et la pression religieuse y participant pleinement.
Les nombreux décès enferment ces femmes dans des successions de deuils, de souffrances, et façonnent leur caractère devenu à la fois dur, résistant et résigné. Mais toujours digne !
Pour Mathilde, belle fille de Valentine, les grossesses quasi incessantes sont devenues une menace pour sa santé. Grossesse alliée à la souffrance ... dans cette famille, à cette époque, cela parait une évidence ! Mathilde ne s'en plaint pas même si elle en souffrira jusqu'à mourir. Elle se soumet à son mari, Henri.
Ce patriarche inflexible n'écoute pas le médecin qui tente de lui expliquer le danger qui guette sa femme usée par les grossesses.
Au contraire, très égoïste, Henri s'enorgueillit de voir sa famille s'agrandir, d'être obéi, de contribuer à la grandeur de la France. Il est le seul à avoir un lien avec l'extérieur du fait de sa profession. Il est totalement aveugle aux souffrances et à l'affaiblissement de sa femme qui s'accentuent au fil des trop nombreuses grossesses.
Henri incapable de communiquer et d'une fierté obstinée est un obstacle pour
les autres membres de sa famille. Un obstacle au parler franc, un obstacle à concevoir les choses autrement. Aussi il est incapable d'exprimer une quelconque affection à ses enfants.
Le rôle très important qu'occupe une femme à ses côtés constitue la charpente incontournable d'une vie qui le comble. Une femme aimante et soumise est indispensable à la construction de son idéal ; de ce qui le glorifie. Sans une femme ... que serait-il ? A la mort de sa femme, on comprend à quel point le rôle de sa femme était essentiel. Henri est incapable d'apporter affection et attention aimante à ses enfants. Il est "carencé" dans son rôle de parent. Il décide alors de faire appel à une autre femme, Gabrielle (qu'il connaissait déjà et pour qui il avait déjà une affection réciproque) pour reprendre le rôle devolu à la mère. Ce remariage lui permet de retrouver une organisation de vie telle qu'il la conçoit.
À travers ce roman on voit l'évolution, la progression de l'image de la famille dans la société. Dabord les parents de Valentine, puis Valentine elle même, puis sa belle fille Mathilde, puis ses enfants et enfin ses petits-enfants. Dans cette très nombreuse descendance, parmi la génération la plus récente, quelques divorces s'imposeront ; signe qu'une évolution doit malheureusement passer par une rupture.
Je pense que cette description de la condition de la femme aurait été bien pire si les personnages évoluaient dans un milieu social défavorisé, ce qui n'est pas le cas dans cette famille. Aussi, heureusement la violence ou toute autre forme de haine ne semble pas toucher ces personnages.
Ma grand-mère ayant eu 12 enfants, j'ai beaucoup pensé à elle en lisant ce livre. Je sus assez sûre qu'elle a dû vivre les mêmes difficultés de femmes, mais avec en plus une certaine indigence socio-économique, ce qui a dû lui rendre la vie encore bien plus dure ... très dure !
Hommage à toute ces mères.