Il semblerait qu'aujourd'hui,pour décrocher le Goncourt,il faille avant tout
étonner,surprendre,dérouter le lecteur,voire l'abasourdir!
Jérôme Ferrari
s'y est donc attelé sans hésiter.Un style fortement original:des phrases
de 300 à 500 mots -et même un peu plus- alternent avec un modèle plus
classique:sujet +verbe+complément en cinq à six mots;c'est effectivement
déroutant,à défaut d'être justifié...Pour surprendre,Ferrari fait appel aux
grands noms reconnus et -foin de l'avarice!- recrute carrément saint
Augustin :l'évêque d' Hippone serait bien surpris lui aussi de se voir
embarqué dans une telle galère! On étonnera le lecteur par l'étalage
discret d'une vaste culture : citer sur un ton d'intimité ordinaire Alaric,
Genséric,avec -cerise sur le gâteau!- le roi numide Massinissa,et l'effet
est garanti...La recette impose de ne reculer devant aucune énormité;
Ferrari n'hésite donc pas à nous rapporter les hauts faits d'un berger
corse qui,tout au long de l'hiver 1943-44,abattait des soldats de l'armée
d'occupation (à coups de chevrotines avant de les achever au couteau!)
pour...leur voler leurs chaussures!!! Il en exécutera une douzaine avant
de trouver son exacte pointure;après quoi le phénomène de la Résistance "patriotique" prendra naturellement fin...
On en sourirait si ,pour noircir 180 pages,Ferrari n'avait dû se lancer
dans une saga familiale d'un siècle et quatre générations de personnages (au diable l'unité du récit!) et ne nous alignait une fresque
d'individus tous plus sordides les uns que les autres:oisifs,
incompétents,parasites mercenaires,proxénètes,colons prédateurs...
et tous d'une cruauté à vomir : la seule fille dotée d'un jugement sain finit
par échouer comme les autres!C'est à pleurer,tant la bêtise crasse,
la lâcheté,la veulerie et l'exploitation éhontée sont partout présentes
dans un récit creux, vide de sens,ponctué par un mélodrame à quatre
sous dont on ne voudrait pas dans un polar de troisème catégorie;
On se prendrait presque à regretter que les compatriotes de Colomba
n'aient point songé à laver l'honneur du peuple corse selon les antiques
traditions devant l'affront qui leur est fait avec ce "sermon".Et que vient
faire ici la "chute de Rome"???