La couverture de ce vieux broché est magnifique et inquiétante.
Quel drame cache-t-elle ?
"
Le dernier quart" est un roman maritime écrit par
Jean Feuga, et édité en 1932 aux éditions parisiennes de la librairie
Alphonse Lemerre.
Les deux premiers chapitres sont confus.
Et le récit y est difficile à accrocher.
Deux marins se retrouvent à Alexandrie où soufflait en ce temps-là l'appel du sud, où se mélangeaient les parfums du port, les odeurs d'iode, de phosphate, de charbon, de cendres et de mazout froid, de foyers éteints.
A l'entrée du troisième chapitre, il apparaît comme presque convenu d'avance que l'intérêt de la lecture ne survivra pas à quelques lignes de plus !
Mais c'était sans compter sur le jeune troisième lieutenant Gérard qui prit
le dernier quart sur l'Aurora, avant que ce paquebot ne soit englouti par l'océan.
Gérard, ayant jeté son caban sur la couchette d'un ami retrouvé à Alexandrie, va se lancer dans le récit de ce naufrage tragique.
Il est le seul à savoir ce qui s'y est vraiment passé ...
Le roman de
Jean Feuga prend alors sa vraie dimension.
Il est bluffant de réalisme.
Dans les pages de ce captivant récit maritime gronde la tempête.
"L'Aurora" avait déjà subi de graves avaries avant de toucher Casablanca.
Le lieutenant Gérard, après les avoir constatées et rapportées, demanda une mise à disposition des ouvriers nécessaires aux premières réparations.
Mais l'armement se montra inflexible, l'Aurora dût appareiller sans délai vers Marseille.
A bout de résistance, le pacha ordonna l'appareillage ...
Quels ont été les vrais responsables de ce drame ?
Sur le même thème que "le sel de la mer" d'Édouard Peisson,
Jean Feuga a écrit un tout autre livre, plus tourmenté, qui s'attache plus à décrire la tragédie qu'à en tirer des conséquences, qui pourtant viendront ...
"Rien ne vaut la peine d'un regret - rien, ni personne" ...
Pourtant quelques millions ne doivent pas l'emporter contre trois cent vies humaines !
La magnifique illustration de la couverture est signée "O.K. Gérard".
Gérard Saulou, né en 1899 à
Saint-Lô est un illustrateur bien connu des amateurs de littérature populaire, des romans mystérieux de chez Tallandier, des récits aventureux d'
André Armandy.
Surnommé "l'étoile filante de l'illustration" dans l'ouvrage qui lui est consacré aux éditions de l'Oncle Archibald, Gérard Saulou, affichiste et dessinateur d'avant-garde, avait su "adapter son dessin aux nouvelles techniques d'imprimerie et lui conférer modernité et fraîcheur".
"
Le dernier quart" est un récit époustouflant.
Le mot y est plein de la colère de l'océan, du bruit de la tôle qui se tord et de la détresse de celles et ceux qui déjà se voient périr.
Le récit parle aussi des vicissitudes du commandement en mer, de ses responsabilités et des bassesses de la puissance de l'argent.
Afin de donner une véritable épaisseur à son récit,
Jean Feuga y a invité des personnages forts, sur lesquels il fait peser la fatalité, la faiblesse et toute une palette de sentiments dont seul l'amour paraît exclu ...
Pourtant Gérard, sur qui la faute du naufrage doit retomber, sera accusé d'avoir été l'amant de lady Alscarey, et d'avoir pour cela tué son mari d'un coup de pistolet en plein visage ...