En remarquant
La gouvernante mise à l'honneur à la médiathèque de mon quartier avec sa fiche manuscrite et flatteuse - rédigée par un professionnel de la profession -, je me suis brusquement rappelé que j'ai beaucoup apprécié
Joy Fielding il y a xx années, à une époque où l'offre éditoriale en matière de thrillers balbutiait alors que je possédais déjà un appétit d'ogre et j'ai eu envie de découvrir comment a évolué cette romancière.
La gouvernante, thriller psychologique ô combien !, édité en octobre 2022, ne m'a pas déçue. Avec plaisir, je me suis approprié l'histoire de Jodi la-timide-rongée-par-le-doute, la mal-aimée d'une fratrie de deux soeurs, celle qui est toujours en retard, trop grosse, mal fagotée, mère moyenne, épouse indifférente, employée médiocre, contrairement à sa soeur Tracy extravertie-et-sûre-d'elle, libre, sans charge de famille, indépendante, mince et souple comme une liane, fringuée comme une top-model, sans boulot, vivant des largesses de ses parents. Ces deux-là, en dépit de leurs différences et des injustices parentales, s'aiment profondément et font front lorsqu'une michetonneuse, une pro de la manipulation et des épousailles de veuf friqué s'impose comme une fée du logis chez leurs parents, père octogénaire et alerte, mère au bout du rouleau de Parkinson, des proies faciles. C'est Jodi qui a conduit les sélections d'embauche, c'est elle qui a fait entrer la louve dans la bergerie pour aider papa épuisé et maman grabataire ! Culpabilité quand tu nous tiens.
Avec beaucoup de finesse, comme si elle avait déjà vécu chacune des scènes décrites,
Joy Fielding relate les difficultés, les hésitations, les ambivalences de Jodi dont il est facile de dire, vu de l'extérieur : pourquoi n'est-elle pas plus tonique ? Pourquoi ne se barre-t-elle pas ? Et bien non, ce n'est pas toujours aussi simple, dans un couple ou une famille il n'y a pas d'une part le blanc immaculé du mariage et le noir post-faux-serment-d'éternité, mais parfois de très longues périodes de gris nuancées par l'absence de travail, l'éducation des enfants, le poids du passé et tant d'autres paramètres chiffrables au cas par cas. Dans ce contexte, j'ai très bien compris pourquoi et comment Jodi se juge à travers le regard des hommes de sa vie en particulier et du sexe masculin en général, comment et pourquoi certaines de ses décisions pour capter leur attention semblent pathétiques. Femme, ne juge pas une autre femme ! Tu ne sais rien de ses souffrances.
Enfin, et j'en resterai là, la place de choix octroyée au lecteur – au-dessus de la mêlée – lui permet d'avoir une vue d'ensemble, de repérer les erreurs commises par les acteurs, qui le nez dans le guidon, ne pensent qu'à pédaler pour sortir du brouillard parfois en dépit du bon sens. On accuse Jodi d'être folle, de psychoter, de voir des évènements qui n'existent pas, d'exagérer une menace imaginaire. Et si ses inquiétudes étaient fondées, ses soupçons justifiés, son instinct fiable ? Ou pas.