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sur 316 notes
Flaubert recueille dans ce petit livre inachevé écrit à partir de 1850 et publié seulement à titre posthume en 1913 un certain nombre de poncifs. C'est souvent drôle. le plus stupéfiant, c'est que cela n'a presque pas vieilli ! Un régal. Quelques exemples :
- ACADEMIE FRANCAISE : La dénigrer, mais tâcher d'en faire partie si on peut.
- ACHILLE : Ajouter « aux pieds légers » ; cela donne à croire qu'on a lu Homère.
- CONCESSIONS : N'en faire jamais. Elles ont perdu Louis XVI.
- CONCUPISCENCE : Mot de curé pour exprimer les désirs charnels.
- ECHAFAUD : S'arranger quand on y monte pour prononcer quelques mots éloquents avant de mourir.
- BIEN ECRIT : Mots de portier, pour désigner les romans-feuilletons qui les amusent. [Aujourd'hui sur Babelio, on dit « écriture fluide »…]
- ERECTION : Ne se dit qu'en parlant des monuments.
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De temps à autre, je me replonge dans ce livre qui m'amuse toujours autant. Ce n'était visiblement pas le but initial recherché par l'auteur, mais il faut croire que la patine du temps a joué en sa défaveur (et/ou, en la notre ?!).

En effet, dans une correspondance adressée à Louise Colet le 16 décembre 1852, Flaubert écrit en parlant de son projet d'écriture : "Je rentrerais par là dans l'idée démocratique d'égalité, dans le mot de Fourier que les grands hommes deviendront inutiles; et c'est dans ce but, dirais-je que ce livre est fait. On y trouverait donc, par ordre alphabétique, sur tous les sujets possibles, tout ce qu'il faut dire en société pour être un homme convenable et aimable. (…) Il faudrait que, dans tout le cours du livre, il n'y eût pas un seul mot de mon cru, et qu'une fois qu'on l'aurait lu on n'osât plus parler, de peur de dire naturellement une des phrases qui s'y trouvent."

Flaubert aura passé 30 de sa vie à rédiger, raturer, affiner, compléter ce dictionnaire qui restera cependant inachevé au moment de sa mort en 1880. Il ne sera publié pour la première fois qu'en 1913, à titre posthume. Il aurait été publié de son vivant, il aurait vraisemblablement fait scandale. Car dans chacune de ses définitions, qui sont le plus souvent de l'ordre de l'aphorisme, son écriture incisive et sarcastique dénonce les préjugés et la bêtise convenue de la société bourgeoise du XIX.

Après plus d'un siècle, l'impact s'est un peu émoussé. Mais en aucun cas le contenu.

C'est aujourd'hui un ouvrage drôle, piquant, ironique, à prendre quand même au deuxième, voire au troisième degré!
Si certains de ces aphorismes sont aujourd'hui tombés en désuétude, ils reflètent le contexte et les moeurs d'une époque. Et c'est franchement SA-VOU-REUX. Mais contrairement au but recherché à l'origine par Flaubert, d'autres de ces aphorismes sont parvenus à transcender les époques jusqu'à nous, et sont encore d'actualités ! Et c'est encore plus SA-VOU-REUX !

A chaque époque son lot d'idées reçues. Et la nôtre, qui en a pourtant accumulé bien d'autres depuis (!), continue à cohabiter avec celles du XIXème siècle. En soi, c'est beau et c'est triste Mais c'est un moment de détente assuré !

Le plus "parlant" est peut être de citer quelques extraits :

CALVITIE : Toujours précoce, est causée par des excès de jeunesse ou la conception de grande pensée.
COLÈRE : Fouette le sang ; hygiénique de s'y mettre de temps en temps.
DOIGT : le doigt de Dieu se fourre partout.
EXCEPTION : Dites qu'elle confirme la règle. Ne vous risquez pas à expliquer comment.
FUSILLADE : Seule manière de faire taire les Parisiens.
OUVRIER : Toujours honnête, quand il ne fait pas d'émeutes.
TERRE : Dire les quatre coins de la terre, puisqu'elle est ronde.

Et il y en a tant, et tant d'autres ! (environ un millier pour donner un ordre d'idée... c'est beaucoup et si peu)

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J'aime à feuilleter ce dictionnaire où l'humour noir l'emporte sur les pseudo-aphorismes. Oui, je considère en effet qu'il faut lire ce livre au second degré. Vous me direz, je suis bon public, cela me perdra (ou pas) !

Toute la question est de savoir si cet inventaire était fait pour être publié ou pas. Quoi qu'il en soit, c'est toujours assez jouissif, même si, au final, se pose également la question du sérieux. Flaubert riait-il dans sa barbe en écrivant de telles définitions ?

Allez, quelques extraits pour vous donner une idée :

"Absinthe : Poison extra-violent. — A tué plus de soldats que les Bédouins.

Académie française : La dénigrer, mais tâcher d'en faire partie si on peut.

Barbe : Signe de force. — Trop de barbe fait tomber les cheveux. — Utile pour protéger les cravates.

Café : Donne de l'esprit. — N'est bon qu'en venant du Havre. — Dans un grand dîner, doit se prendre debout. — L'avaler sans sucre, très chic, donne l'air d'avoir vécu en Orient.

Chat : Les chats sont traîtres. — Les appeler tigres de salon (sic). — Leur couper la queue pour empêcher le vertigo."


Note de la rédaction : (Mouais... bon... là Gustave, il ne faut pas abuser !)

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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J'ai hésité entre deux phrases pour commencer ma critique du "Dictionnaire des idées reçues." Soit : "À déguster lentement et à petites doses." Ou, "Qui trop embrasse mal étreint."

Les deux décriraient correctement cette oeuvre. Je ne lisais pas plus de quatre pages à la fois. C'était suffisant. Cela me laissait le temps de réfléchir.

Par contre, à vouloir trop en mettre, Gustave a souvent écrit la même chose pour des mots différents. Il y avait aussi d'autres mots qui ne m'ont rien apporté.

Pour profiter largement de cette oeuvre de Flaubert, je vous suggère de lire les 101 citations déjà mises sur Babelio. Par la même occasion, vous pourriez "Apprécier" celles que vous aimez. Ainsi, les paresseux pourront éventuellement profiter seulement des plus populaires si le coeur leur en dit.

PS
Pour les intéressés, il reste une bonne dizaine de citations intéressantes à dénicher.
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Oui, c'est bien un dictionnaire. Les mots sont classés par ordre alphabétique. Certaines définitions se répondent. Mais bien loin du Littré, Flaubert explique les idées reçues, certes avec sérieux, mais surtout avec un parti féroce. L'auteur nous propose souvent de tonner et de fulminer : il est de bon ton d'être en pétard quand on débite un lieu commun. le lecteur ne s'y trompera pas : Flaubert se moque ouvertement des esprits bien pensants, étriqués et petits-bourgeois. Et c'est avec jubilation que je vous offre une sélection de mon cru.

« Académie française – La dénigrer, mais tâcher d'en faire partie si on peut. » (p. 7)
« compas – On voit juste quand on l'a dans l'oeil. » (p. 19)
« diplôme – Signe de science, ne prouve rien. » (p. 25)
« érection – Ne se dit qu'en parlant des monuments. » (p. 31)
« feuille de vierge – Emblème de la virilité dans l'art de la sculpture. » (p. 36)
« hachisch – Ne pas confondre avec le hachis, qui ne provoque aucune extase voluptueuse. » (p. 45)
« Koran – Livre de Mahomet où il n'est question que de femmes. » (p. 57)
« parrain – Toujours le père du filleul. » (p. 71)
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C'est présenté comme un dictionnaire mais qui ne répertorie que les mots pouvant être interprétés de manière humoristique.
Et de fait on rit beaucoup.
C'est l'occasion aussi de "revisiter" ce 19ème siècle, avec ses préjugés, ses moeurs rigides, ses hypocrisies..
Ainsi la situation des femmes est largement évoquée lors de la définition du mot "courtisane": "Est un mal nécessaire. On ne peut plus sortir avec sa femme à cause de leur présence sur le boulevard. Sont toujours des filles du peuple débauchées par des bourgeois riches."
Flaubert fait coexister les préjugés avec la version "historique" des choses et c'est ce qui rend la lecture particulièrement savoureuse.
Certaines définitions seraient toujours d'actualité!
"Décoration de la Légion d'Honneur": "Quand on l'obtient, toujours dire qu'on ne l'a pas demandée."
Et les questions de "savoir-vivre" de l'époque reviennent souvent sous la plume de Flaubert, pour notre plus grande hilarité, qu'on en juge un peu:
"Erection: Ne se dit qu'en parlant des monuments"
"Etalon": "Toujours vigoureux. Une femme doit ignorer la différence entre un cheval et un étalon"
Et les défauts habituels des Français, qui existaient déjà du temps de Flaubert sont largement évoqués, comme cette déficience en langues vivantes! (déjà..)
"Langues Vivantes": Les malheurs de la France viennent de ce qu'on n'en sait pas assez."
Et pour finir, des questions de culture générale qui feront bien sourire..
"Omega": Deuxième lettre de l'alphabet grec, puisqu'on dit l'alpha et l'omega."
Rien de plus logique.
Merci Monsieur Flaubert pour ces belles maximes savoureuses et combien révélatrices d'une époque finalement pas si lointaine...
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Lu dans le cadre du Challenge Solidaire 2019

Flaubert est donc l'un des 30 auteurs de ce challenge. J'ai regardé à la bibliothèque ce qui était disponible, et mon choix s'est porté sur ce titre.

C'est un court recueil de petites phrases, dont la plupart ne m'ont pas vraiment fait sourire. Quelques unes m'ont même choquée, mais il faut remettre ces écrits en rapport avec son époque. Je découvre d'ailleurs, que c'est un recueil inachevé, qui a été publié après la mort de Flaubert. Si bien que nous ne saurons jamais ce qu'il aurait voulu en faire...

Flaubert s'indigne beaucoup dans ce recueil et la petite phrase "tonner contre" revient très souvent. Je pense même que c'est la seule expression que j'ai retenu au final.

L'édition que j'ai lu comporte quelques dessins de Chaval, dont j'ai apprécié le style.

Sans ce challenge, il est certain que je n'aurais pas lu ce "dictionnaire".
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Pour changer de Jules Verne et de Conan Doyle, j'ai écouté ces derniers jours le dictionnaire des idées reçues de Flaubert. Et ce moment fut un vrai plaisir.

Certaines de ces idées reçues sont encore très actuelles alors que pour d'autres… on se gratte la tête ou l'on va chercher dans le dictionnaire pour mieux comprendre.

Certaines sont franchement drôles.

Et pour celles et ceux qui me suivent depuis un certain temps, j'ai eu envie de sélectionner les mots qui m'ont le plus étonnés ou amusés pour faire mon abécédaire. Bonne lecture

A comme ABSINTHE : Poison … A tué plus de soldats que les Bédouins.

L'occasion d'en savoir également plus sur Abélard, Absalon, Androcles.
Celle-ci est hermétique : ANGE : Fait bien en amour et en littérature. Quelqu'un comprend ce qui est amusant ?

B comme BEETHOVEN : Ne prononcez pas Bitovan. Se pâmer quand même lorsqu'on exécute une de se oeuvres. Très potache, notre ami Flaubert, sur ce coup-là. En version audio, cela fonctionne très bien ;-)

C comme CÉLÉBRITÉ : Les célébrités : s'inquiéter du moindre détail de leur vie privée, afin de pouvoir les dénigrer. Rien ne change ma brave dame…

CHAMBRE À COUCHER : Dans un vieux château : Henri IV y a toujours passé une nuit.

D comme DEVOIRS : Les exiger de la part des autres, s'en affranchir. Les autres en ont envers nous, mais on n'en a pas envers eux.

E comme ÉPOQUE (la nôtre) : Tonner contre elle. Se plaindre de ce qu'elle n'est pas poétique. L'appeler époque de transition, de décadence. Rien ne change…

F comme FEUILLE DE VIGNE : Emblème de la virilité dans l'art de la sculpture.

FONCTIONNAIRE : Inspire le respect quelle que soit la fonction qu'il remplisse. Ceci a bien changé…

G comme GLOBE : Mot pudique pour désigner les seins d'une femme… Très vieilli ce terme… Vous avez de beaux globes ne seraient pas forcement compris par tous.

H comme HIPPOCRATE : On doit toujours le citer en latin parce qu'il écrivait en grec

I comme IMPORTATION : Ver rongeur du commerce

J comme JANSÉNISME : On ne sait pas ce que c'est, mais il est chic d'en parler.

K comme KEEPSAKE Doit se trouver sur la table d'un salon. Mot inconnu en ce qui me concerne dont la définition est « Livre-album illustré qu'on offrait en cadeau à l'époque romantique. »

L comme LACONISME : Langue qu'on ne parle plus.

M comme MAESTRO : Mot italien qui veut dire pianiste.

N comme NÈGRES : S'étonner que leur salive soit blanche et de ce qu'ils parlent français. NÈGRESSES : Plus chaudes que les blanches (v. brunes et blondes). On est au 19ème siécle…

O comme OMÉGA : Deuxième lettre de l'alphabet grec, puisqu'on dit toujours l'alpha et l'oméga.

P comme PRÊTRES : On devrait les châtrer. Couchent avec leurs bonnes et en ont des enfants qu'ils appellent leurs neveux. C'est égal, il y en a de bons tout de même.

PROPRIÉTÉ : Une des bases de la société. Plus sacrée que la religion.

Q comme QUESTION : La poser c'est la résoudre.

R comme ROMANS : Pervertissent les masses. … … le danger du roman existe encore, il suffit de voir ce qui se passe aux US.

S comme SYPHILIS : Plus ou moins, tout le monde en est affecté. Une autre époque

T comme TERRE : Dire les quatre coins de la terre, puisqu'elle est ronde.

U comme UKASE : Appeler ukase tout décret autoritaire, ça vexe le gouvernement. On pourrait suggérer aux politiques actuels…

V comme VACCINE : Ne fréquenter que des personnes vaccinées. ET oui déjà un ostracisme existait...

W comme WAGNER : Ricaner quand on entend son nom, et faire des plaisanteries sur la musique de l'avenir… Et oui Wagner a été moderne un jour.

X comme : Grosse déception, aucun X

Y comme YVETOT : Voir Yvetot et mourir ! (v. Naples et Séville). N'oublions pas que Flaubert était Normand. Nobody is perfect.

Z comme Grosse déception, aucun Z

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Un livre que j'ai lu il y a ..... bien longtemps !

Je me souviens que la plume de Flaubert pour critiquer la société bourgeoise de son époque était pleine d'esprit , même si parfois on peut se demander s'il n'avait pas la critique facile. (toutefois j'admet que ce reproche est facile)

J'avais quand même eu la sensation, avec certains articles, que le récit avait "vieilli".
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En tournant les pages de ce dictionnaire, on trouve certes des définitions. mais on n'est loin de la rigueur et des efforts d'objectivités de Larousse, Robert et consorts!
Dans un style lapidaire, Flaubert cingle préjugés petit-bourgeois et la morale bien-pensante de son époque. C'est mordant , incisif et tellement drôle. On goûte ce dictionnaire comme un bonbon acidulé au citron: ça pique un peu la langue mais c'est délicieux. Quelques exemples?

DEVOIRS: les autres en ont envers vous, mais on n'en a pas envers les autres.
IMBECILES: tous ceux qui ne pensent pas comme vous.
SAINT BARTHELEMY: vieille blague
TOLERANCE (maison de): n'est pas celle où on a des opinions tolérantes.
UKASE: chaque fois que paraît un décret trop autoritaire, il faut l'appeler un 'ukase"; ça vexe le gouvernement.
VISAGE: "miroir de l'âme", alors il y a des gens qui ont l'âme bien laide.

Vous en voulez encore? Alors plongez-vous sans attendre dans les pages de ce dictionnaire!
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