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sur 655 notes
Vingt ans après Madame Bovary, Gustave Flaubert reprend sa pièce maîtresse sous un autre angle et nous la montre par le petit bout de la lorgnette. En effet, la Félicité qu'il nous dépeint ici ressemble à s'y méprendre à la domestique d'Emma Bovary qui s'appelait… Félicité !

On retrouvera donc ici tout le parfum normand de Madame Bovary mais totalement aseptisé de ses vapeurs de soufre. L'auteur a vieilli et ne s'intéresse plus autant au scandale que par le passé, une envie, sans doute de revenir à des choses moins superficielles, prosaïques, assurément moins brillantes mais peut-être plus ancrées en lui…

Flaubert a su faire de l'écriture un point de broderie. C'est vrai ailleurs dans son oeuvre, et c'est vrai évidemment ici dans Un Coeur Simple. Un ouvrage de facture pointilleuse, métrée, cadencée, contournée, imbriquée, complexe derrière une apparente simplicité, foisonnante sous ses airs de sobriété.

Une écriture un peu trop précieuse et artificielle à mon goût car l'on n'y sent jamais aucune spontanéité (contrairement à ce qu'il faisait dans sa correspondance), aucun élan incontrôlé comme chez Hugo, aucune pointe malséante, aucun crachat de l'esprit comme chez Balzac. Une forme certes épurée et recherchée mais qui n'atteint pas selon moi l'élégance ou l'harmonie de celle d'un Stendhal.

Tout est maîtrisé, tout est sous contrôle ce qui nuit, je pense, à l'émotion que peut dégager cette écriture. Tout est trop net, trop épousseté, trop repassé, trop astiqué, trop apprêté, trop ordonné comme en ces appartements somptueux, où toute vie a disparu et dont toute faille humaine a déserté.

J'aime pourtant Un Coeur Simple ; mais d'un amour froid, admiratif, non contagieux comme en ces expositions de dentelles d'Alençon, toutes plus belles, toutes plus incroyables, dont on se dit : « Quelle minutie ! Quel travail ! Comme ça a dû être laborieux ! Combien patientes et dextres ont dû être ces dentelières ! »

Un Coeur Simple, probablement plus nouvelle que conte, bien que son auteur en ait décidé autrement, est intéressante à divers égards. Intéressante car Gustave Flaubert nous plonge à nouveau mais très différemment dans son univers " à la Madame Bovary ". Intéressante aussi parce qu'elle fait figure de passage de témoin entre Flaubert et Maupassant. Parue peu avant la disparition de papa Flaubert, à un moment où Guy de Maupassant, dans un registre un peu similaire entrait en piste... la filiation est tentante.

Pourtant, j'avoue avoir toujours un certain mal à percevoir cette filiation " naturelle ". Bien sûr, Maupassant est normand, comme lui, bien sûr ils se connaissaient et s'appréciaient mutuellement, bien sûr ils ont fait l'un et l'autre dans le régionalisme et dans la psychologie intimiste, bien sûr ils ont su tous deux remuer la nostalgie et les émotions mais il s'en faut de beaucoup, tout de même, pour faire De Maupassant un Flaubert et de Flaubert un Maupassant. Retirez le Trois Contes, et Un Coeur Simple en particulier, de la production de Flaubert et vous ne verrez plus forcément énormément de liens entre les deux oeuvres.

J'aime le Pays d'Auge et certains sur Babelio savent même que j'y ai vu le jour, à deux pas des pâturages mêmes que décrit Flaubert. J'ai donc un attachement tout particulier à cette nouvelle. Je puis même ajouter qu'il m'est arrivé de rencontrer de vieilles filles normandes qui répondent trait pour trait au portrait de Félicité (mais on en trouve beaucoup également chez Maupassant et avec un côté " terroir " peut-être encore mieux rendu).

Qu'est-ce qui nous touche dans Un Coeur Simple (ou du moins, qu'est-ce qui me touche, moi) ? Tout d'abord un sentiment de gâchis : une femme dévouée, simple, timide et humble, trop humble pour oser aller chercher son bonheur là où il est, pour avoir un mari et des enfants à elle, pour se créer sa propre vie. Et donc, faute d'avoir une vie à soi, elle goûte les miettes de la vie des autres en faisant montre d'un dévouement quasi surhumain et pour lequel elle ne recueille, bien souvent, que des marques de mépris.

Ce qui me touche aussi dans cette nouvelle, c'est le sentiment de nostalgie que sait faire naître l'auteur, notamment au travers du culte des objets dérisoires que Félicité élève au statut de reliques inestimables, faibles vestiges des quelques émotions qui lui tiennent lieu de souvenirs.

Ce que j'aime enfin dans Un Coeur Simple, c'est ce sentiment de douce pitié, de commisération que nous suscite Gustave Flaubert en nous dévoilant sur le tard, la principale, peut-être même la seule véritable histoire d'amour qu'ait connu cette petite femme dans sa vie, cette tendresse, cette communion, cet attachement entre elle et son perroquet Loulou.

Combien encore de nos jours — surtout de nos jours —, n'ont, pour seule compagnie et marqueur d'affection, qu'un chien, qu'un chat, qu'un hamster, qu'un lapin nain, un python (voir Gros-Câlin de Gary) ou... qu'un perroquet ? En cela, elle est belle cette histoire, belle et touchante, tout en subtilité, tout en caresse, mais bien sûr, ce n'est là que l'avis d'un coeur simple, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Les faits se situent dans la campagne normande, à Pont l'Evêque peu après 1810.
Très jeune, Félicité rencontre un homme qui décide de marier une autre.
Félicité est orpheline et rentre au service de Mme Aubain, jeune veuve avec deux enfants ,Paul et Virginie.
Elle se dévoue entièrement à ses maîtres .
"Un coeur simple" est un très beau roman court, très riche qui nous donne des renseignements sur la vie au 19ème siècle, qui nous présente une personne qui accepte son sort et ses tâches courageusement.
Félicité et sa maîtresse vont traverser des épreuves, des deuils.
La vie n'est pas un paradis mais les personnages assurent bravement, simplement.
Les scènes de Félicité et le perroquet, qu'elle reçoit car son propriétaire s'en est allé, sont très colorées.
Des tableaux de la vie quotidienne comme le pique-nique à la ferme, le voyage à Trouville sont très agréables à lire.
Dans la préface, Albert Thibaudet nous indique que Flaubert a beaucoup projeté sa personne dans ce roman.



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Nouvelle 100% descriptive, "Un coeur simple" ne brille pas par son action. le récit retrace la vie ordinaire de Félicité, fille de maçon au parcours semblable à bien des destins des gens du commun : un temps ouvrière agricole puis domestique, entrée au service d'une famille qu'elle ne quittera plus jamais et à laquelle elle survivra.

Flaubert semble vouloir rendre ici hommage à cette immense catégorie des âmes bonnes et simples, dont la vie de servitude fut également partagée entre ingratitude et dévouement, catégorie souvent oubliée par la littérature, en tout cas sous-représentée.

Nonobstant ce louable enjeu, le destin de Félicité ne m'a pas particulièrement captivée, je savais déjà à quoi m'en tenir sur la vie d'une domestique en province au 19ème siècle. Toutefois, si vous avez un goût prononcé pour les récits à l'office, pour les moeurs de femmes humbles et pour les perroquets, vous ne passerez pas un mauvais moment.


Challenge PETITS PLAISIRS 2015
Challenge 19ème siècle 2015
Challenge ABC 2015 - 2016
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Félicité est entrée au service de Mme Aubain à la suite d'une déception amoureuse. Elle se dévoue pour cette veuve qui s'est retirée à Pont-l'Évêque. Flaubert ne s'attarde pas sur la description physique de Félicité. Son objectif est d'analyser ce coeur pur qui n'a pu s'épanouir dans l'amour conjugal et la maternité. L'affection de Félicité va se reporter successivement sur les deux enfants de sa patronne, une famille de pêcheurs, un indigent et enfin un perroquet. Cette âme pieuse va s'éloigner du dogme catholique pour s'enflammer dans une religiosité mystique.

Le style de Flaubert est magistral… J'ai conscience de ne rien dire de nouveau mais je suis impressionné par sa faculté à décrire un milieu social en peu de mots. En deux lignes, l'auteur vous fait comprendre qu'un intérieur bourgeois est décati ou il vous livre une description magnifique d'un débarquement de bateaux de pêche. Alors oui, il n'y a pas d'aventures rocambolesques dans ce conte. Mais le texte est remarquable en ce qu'il associe l'étude d'un caractère « simple » au portrait social de la paysannerie et de la petite bourgeoisie normandes. Et que dire de cette dernière scène qui mêle l'agonie de Félicité à une procession religieuse, si ce n'est que c'est un formidable moment de littérature.

Merci à Marie-Hélène Lafon qui m'a donné l'envie de redécouvrir ce petit bijou.
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Ce " conte" ou nouvelle, paru en 1877, est , selon moi, très réussi.

Flaubert nous trace le parcours d'une humble servante, Félicité,que nous suivons jusqu'à sa mort.Une vie peu gaie, rude, mais la naïveté, la tendresse du personnage, ses affections intenses et successives pour des êtres( un homme, les enfants de sa maîtresse, un neveu, et même un perroquet !) la rendent très attachante.

Flaubert, comme il l'explique,n'a pas voulu se montrer ironique, il veut " faire pleurer les âmes sensibles, en étant une moi-même".

C'est vrai qu'on peut trouver le trait forcé, le récit hyperbolique, pour ce qui est des nombreux malheurs du personnage mais Flaubert sait bien rendre compte du sort d'une domestique, à la campagne, au 19ème siècle.Le poids de la religion et de la superstition mêlées,la dureté du travail, le manque de reconnaissance des employeurs.Félicité est pourtant toute( trop) dévouée à sa maîtresse, Madame Aubin.

L'image d'un perroquet géant vu dans son délire achève son destin.Une vie désespérante, mais une vie...
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Flaubert, c'est nous. Ici, c'est Félicité : Une domestique dont le récit retrace la vie autour de Pont-l'Evêque, Honfleur et Trouville, dans la chère Normandie de l'auteur. Pleine de bonne volonté, pieuse à l'extrême, elle donne son affection comme elle le peut : à un homme qui se joue d'elle, à des enfants qui s'en éloignent ou meurent, puis à un perroquet. Ce texte fait partie du recueil «Trois contes» présentant trois figures de l'imaginaire religieux.
C'est donc de cela dont il est question dans ce récit : la vie d'une femme croyante vivant et mourant pieusement en prenant son perroquet pour le Saint-Esprit.
Un conte en apparence triste donc ; cette succession de cinq morts (en comptant Loulou le perroquet) autour de ce personnage de Félicité (chance, bonheur, ce prénom nous met cependant la puce à l'oreille, pas possible de prendre cet insecte pour le saint esprit) est en réalité une satire, notamment de la société bourgeoise que l'auteur connaît bien.
Gustave Flaubert révèle ses intentions dans sa lettre à Louise Colet « Ce qui me semble le plus beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, […] un livre qui n'aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible».
Toute la beauté du texte réside donc dans l'écriture, d'une forme complètement maîtrisée, jouant de toute la gamme de structures narratives (on ne va pas faire ici une fiche de lecture) et aboutissant au résultat recherché par l'auteur alors en fin de vie : faire du beau et du complexe à partir de presque rien.
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"L'après-midi, on s'en allait avec l'âne au-delà des roches noires, du côté d'Hennequeville. le sentier, d'abord, montait entre des terrains vallonnés comme la pelouse d'un parc, puis arrivait sur un plateau où alternaient des pâturages et des champs en labour. À la lisière du chemin, dans le fouillis des ronces, des houx se dressaient ; çà et là, un grand arbre mort faisait sur l'air bleu des zigzags avec ses branches."

On réduit souvent cette nouvelle à l'attachement que la bonne Félicité éprouve pour Loulou, le perroquet qui lui a été donné car plus personne n'en voulait, et auquel elle trouve une ressemblance avec l'Esprit-Saint tel qu'il est figuré dans son église de Pont-l'Evêque.

De toute évidence c'est l'aspect le plus développé de ce texte, qui pourrait faire de Félicité une sorte de bigote excentrique.

Mais la qualification de "coeur simple" ne va pourtant pas de soi. Flaubert aurait pu aller jusqu'à le qualifier de "coeur d'or" car Félicité est un personnage inoubliable de bienveillance et d'abnégation. Elle n'est pas instruite, et à bien des égards limitée par son ignorance, mais elle possède vraiment l'intelligence du coeur, on y revient...

Que cet amour ne soit pas payé de retour, ou si peu, ne doit pas étonner. Flaubert n'est pas un idéaliste ni un falsificateur. La dureté de l'existence est exposée en permanence dans ce chef d'oeuvre, où même les paysages les plus ensoleillés ont quelque chose de sinistre, comme on peut le lire plus haut.
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Une petite histoire simple, comme le coeur de Félicité, servante chez Mme Aubain à Pont l'Evêque. Elle est croyante, pieuse mais non dévote. Peu instruite et pas très intelligente elle n'arrive pas imaginer ce qui peut exister plus loin que Cabourg.

Gentille avec tous, elle aime plus que tout les enfants de sa maîtresse puis son neveu malmené par ses parents. Elle les perdra tous et se prendra d'affection pour un perroquet.

Triste vie, non pas parce qu'elle manque de quoique ce soit mais parce les occasions de plaisirs étaient absentes. Une belle écriture, poétique pour un texte qui m'a finalement attristé, ce qui ne m'empêche pas de vous le recommander, lire Flaubert reste un plaisir.

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"Un coeur simple" est vraiment un bon Flaubert. Si LE chef-d'oeuvre de Flaubert reste "L'Education Sentimentale", celui-ci pourrait prétendre à la deuxième place, juste derrière l'oeuvre magistrale.
On trouve dans cet écrit une sensibilité, une perfection du style rare.
Surtout, le plus impressionnant est la maîtrise du texte dont fait preuve Flaubert, dans ce texte comme dans "L'Education Sentimentale", comme dans "Hérodias", comme dans "La Légende de Saint Julien l'Hospitalier", comme dans "Salommbô" ( mélodramatique et à mourir d'ennui, oui, mais parfaitement maîtrisé !... ).
On sent là l'ordre, la maîtrise qui fit "L'Education Sentimentale" et qui manqua à "Madame Bovary".
Cet ordre et cette maîtrise sert la chronique tragi-comique de la vie de la dénommée Félicité au XIXème siècle.
L'art de Flaubert en fait un conte esthétiquement beau, travaillé, plein de sensibilité et d'une qualité remarquable.
Une grande oeuvre d'art !...
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Cette courte nouvelle de Flaubert est une merveille. Les déceptions, les drames et les quelques joies fugaces qui jalonnent la vie de Félicité, servante de Madame Aubain. Je l'ai relu et relu, toujours avec autant de plaisir. C'est beau et souvent triste.
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