Le prologue de la
Mort accidentelle d'un anarchiste nous prévient d'emblée :
"Toute analogie avec des évènements et des personnages qui ont défrayé la chronique de notre temps serait à imputer à la subtile magie dont le théâtre est coutumier et par l'effet de laquelle, si souvent, même des histoires un peu folles, complètement inventées, se sont trouvées impunément copiées par la réalité !"
Dario Fo s'inspire d'un scandale de New-York et d'une affaire Italienne (une affaire politique ayant défrayé la chronique), pour son théâtre politique.
Dès le titre, on est prévenus : la mort est politique et tout de suite, on s'interroge : un anarchiste meurt-il nécessairement de mort accidentelle ? On découvre très vite qu'il s'agit d'un « suicide », alors pourquoi ce « suicide » a-t-il été requalifié de mort accidentelle ? Comment cette mort accidentelle a-t-elle pu se faire dans les locaux de la police ? La police risque-t-elle d'en prendre pour son grade ?
Heureusement, un fou qui a été arrêté mais qu'on a laissé sans surveillance dans les locaux de la police, décide de mener l'enquête et il endosse alors le rôle
de l'enquêteur, du juge, de l'anarchiste etc. (il a pas mal de casquettes sous le coude)
pour mener son enquête, il reconstitue le crime sur les lieux du crime, avec les témoins à charge, les principaux suspects ; il a même en sa possession les rapports d'expertise, les témoignages écrits etc , qu'il a emprunté dans un bureau après avoir récupéré ses propres papiers et rendu justice à certains en détruisant des documents, selon son sens de la justice de juge d'instruction des affaires classées.
Le plus amusant, c'est de voir tous les autres acteurs jouer le jeu du fou car les autres acteurs ne se rendent pas compte que cet acteur là joue ce qu'il n'est pas censé jouer, car le fou a décidé de ne pas se satisfaire de son rôle de fou, non, il a décidé qu'il sera fou mais aussi juge , le juge chargé de la contre-enquête, et le quiproquo amène le préfet de police et autres subordonnés de police à faire n'importe quoi.
Aussi, si on oublie que c'est du théâtre, si on se dit qu'ils sont dans un poste de police, on se marre bien, forcément !
Seul le fou fait du théâtre dans cette pièce, les autres peuvent être de vrais flics, ce qui permettrait de faire du théâtre-vérité (c'est comme la télé-réalité mais en moins truqué).
Car le fou a « l'obsession du théâtre, cela s'appelle « l'histriomanie », du latin istriones qui veut dire acteur. J'ai en quelque sorte pour hobby d'interpréter des rôles, et toujours différents. Mais comme je suis partisan du théâtre-vérité, il me faut des comédiens pris dans la réalité … qui ne savent pas qu'ils font du théâtre. » (Vous m'excuserez si au sein de ma citation, le fou a pris la parole à la première personne.)
le théâtre dans le théâtre se fait de manière intelligente chez
Dario Fo, car ils reconstituent une scène de crime en étant conscients de la reconstituer, et ils réécrivent l'histoire comme les procès-verbaux après avoir rejoué la scène. En plus,
Dario Fo sollicite la participation et la collaboration du public, entre autres lorsque le préfet invite ses agents, infiltrés dans le public, à se lever, et ils se lèvent ; mais le fou nous rassure : ces agents sont des acteurs ! Mais il précise que les vrais flics, il y en a (dans le public) mais ils se taisent et restent assis …
Ce qui est amusant, ce qui fait froid dans le dos aussi, c'est qu'on apprend plus tôt que deux de ces agents de la police avaient infiltré la bande d' anarchistes qui ont commis des attentats à la bombe et qu'ils ont participé, qu'ils auraient peut-être même commandité l'attentat, la bombe étant de facture militaire...
La charge explosive de
Dario Fo est assez forte, mais il le précise à la fin, comme un fou, qu'il est, lui, pour les bombes médiatiques parce que « le scandale est le meilleur antidote au pire des poisons, qui serait l'éveil de la conscience populaire. »