Cette pièce, inspiré d'une affaire bien réelle, a été écrite en un temps record (à peine un mois), quasiment sur le vif, suite à la mort suspecte d'un cheminot anarchiste dans un commissariat. Au cours de son interrogatoire le 15 décembre, Giuseppe Pinelli, soupçonné d'avoir participé à l'attentat à la bombe de la Piazza Fontana le 12 décembre 1969, meurt d'une chute du quatrième étage d'un commissariat de Milan. L'enquête conclut au suicide de Pinelli.
Dario Fo mélange cette histoire avec celle d'un émigré italien anarchiste, Salsedo, qui, en 1921, tomba par la fenêtre du commissariat central du New York. La police déclara qu'il s'agissait d'un suicide mais l'enquête permit de découvrir que les policiers avaient jeté Salsedo par le fenêtre.
L'actualité italienne de l'époque était tendue, c'était le tout début des «années de plomb».
Dario Fo n'a pas eu besoin de faire beaucoup d'effort pour rendre comique et absurde les arguments de la police pour se disculper car les dépositions des policiers étaient proprement ahurissantes et invraisemblables.
Un fou, déjà arrêté de multiples fois, toujours pour histriomanie (maintenant on dirait que c'est un caméléon) se retrouve au commissariat et se fait passer pour un juge auprès du préfet et du commissaire. Ensuite, avec leur complicité, il se fait passer pour un expert du laboratoire de la police et même pour un évêque.
Le fou, sorte de Revizor, devient le génial révélateur des explications emberlificotées de la police, il met à nu et tourne en dérision leurs arguments. Il joue le rôle d'un bouffon, révélateur des petits arrangements des uns et des autres, des interactions sociales, des faux-semblants, y compris quand il interpelle les spectateurs.
C'est jubilatoire, en particulier la scène où le fou félicite l'agent qui affirme avoir attrapé l'anarchiste par un pied pour l'empêcher de tomber, preuve à l'appui, puisqu'une chaussure lui est restée dans la main. Peu importe que l'anarchiste ait ses deux chaussures aux pieds en touchant le sol ! Peut-être avait-il trois jambes et portait-il trois chaussures (« de la part d'un anarchiste, on peut s'attendre à tout ») ? A moins que l'agent, très rapide, n'ait dévalé l'escalier pour enfiler au vol la chaussure du suicidaire au passage du troisième ou du deuxième étage ? Ou alors l'anarchiste avait deux chaussures au même pied, l'une étant une sorte de galoche, de couvre-chaussure à l'ancienne (« les anarchistes sont en effet beaucoup plus conservateurs qu'on le pense ») ?
Cette lecture m'a donné envie de me replonger dans le reste du théâtre de
Dario Fo. C'est subversif et militant, les notes qui accompagnent le texte sont bien utiles, mais le texte peut tout à fait se lire sans avoir tous les détails du contexte, c'est burlesque, digne à la fois d'Ubu et de Guignol et l'écriture est légère. Si ce n'était écrit on pourrait croire que le fou improvise !