Au fond de ses poêles profondes, les légumes faisaient une danse ensorcelante dans des sauces dont l'odeur montait à la tête et à l'âme.
"- Je vous dirais seulement si c'est Viktor, et je repartirai comme je suis venu.
- Par où ?
- Par la porte, monsieur le Commisaire. est ce que les dératiseurs s'envolent souvent par les fenêtres ?"
Combien de royaumes nous ignorent...
Un seul météore avait traversé pour elle cette longue période glaciaire. C'était Vango. Elle l'aimait. Elle l'aimait de toutes ses forces.
Quand elle restait jusqu'au matin dans les cafés enfumés, quand elle s'enivrait de visages, de musique, de vitesse, elle savait qu'elle fuyait une absence.
Il était passé trop vite pour qu'elle puisse l'attraper et pour que le monde se réchauffe enfin autour d'elle.
Qui ne se souvient pas du jour où il a renoncé à son plus beau rêve ?
La guerre... Les souvenirs de Zefiro mettaient de la chair et du sang derrière un mot.
Après un long moment, croisant les bras en tenant ses épaules, elle soupira encore. C'était peut-être ce que les livres appelaient la solitude.
Jamais elle n'avait ressenti cela.
Quand on vit seul, les objets prennent une grande importance. L’œil s'habitue à eux. ils sont à la place qu'on leur donne et le changement le plus minuscule est aussi ahurissant qu'une trace de pas sur la lune.
A cinq ans, il comprenait cinq langues mais ne parlait à personne. A sept ans, il grimpait les falaises sans avoir besoin des pieds. A neuf ans, il nourrissait les faucons qui plongeaient sur lui pour manger dans sa main. Il dormait torse nu sur les rochers avec un lézard sur le cœur. Il appelait les hirondelles en sifflant. Il lisait des romans français que sa nourrice achetait à Lipari. Il montait en haut du volcan pour se mouiller les cheveux dans les nuages. Il chantait des berceuses russes aux scarabées. Il regardait Mademoiselle couper les légumes avec des facettes impeccables comme on taille les diamants. Puis il dévorait sa cuisine de fée.
Il regardait la foule, toutes ces histoires sur un quai. Et déjà, il sentait une petite lucarne s'ouvrir en lui. Les gens. Il découvrait les gens. Il connaissait des personnes, il en connaissait quelques-unes, chez lui. [...] Mais les gens c'était autre chose. Ceux qu'on ne connait pas. Ces vies qui nous frôlent à toute vitesse comme des poteaux télégraphiques par la vitre du train.