Malgré les propos un peu intimidants en quatrième de couverture, et l'éditeur savant et universitaire, ce court ouvrage est l'introduction la plus simple que l'on puisse trouver à l'une des plus anciennes littératures du monde, redécouverte après deux millénaires d'oubli vers 1840. Bien sûr, les premiers intéressés par la littérature akkadienne ou, plus largement, mésopotamienne, seront les lecteurs de la Bible, qui iront chercher dans les textes cunéiformes les origines du Livre saint. Mais ce que les Classiques appelaient au XVII°s "l'honnête homme" voudra peut-être sortir du cercle enchanté de notre culture gréco-latine, partout présente, surtout chez ceux qui l'ignorent et la reprennent sans le savoir, pour aller voir ce qui se passe en Orient. "Avant les Muses", pour reprendre le titre de la merveilleuse anthologie de Foster, qu'écrivait-on ? Que pensait-on ? Comment voyait-on le monde, l'histoire, l'homme sur terre, entre l'animal et le dieu ? Les oeuvres énumérées ici et succinctement décrites satisferont les curiosités, causeront d'intenses surprises littéraires, et donneront à la pensée de l'autre et de l'ailleurs une grande stimulation.
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Extrait de la préface, p. 4.
Le lecteur attentif de littérature mésopotamienne voudra savoir quelles sont les bases textuelles de ce qu'il lit. Comme les études cunéiformes n'existent que depuis un siècle et demi, les textes de référence de la discipline sont dans le même état que les textes classiques à la fin de la Renaissance, à savoir, publiés sur la base de quelques manuscrits disponibles, et selon des conceptions plutôt flottantes de l'édition et de la publication de textes antiques. Les manuscrits les plus importants d'oeuvres grecques et latines ne sont séparés entre eux que par quelques siècles, alors que la chronologie de la littérature akkadienne est bien plus vaste. La même oeuvre akkadienne peut être attestée par d'importants témoins étalés sur plus de mille ans. D'autre part, le rythme de découverte de nouveaux manuscrits est très rapide. S'il y a peu d'espoir de retrouver un manuscrit décisif inconnu de l'Odyssée, de nouvelles versions d'oeuvres cunéiformes majeures peuvent faire surface à n'importe quel moment dans une collection de musée, une recherche archéologique, ou par le pillage de sites archéologiques mésopotamiens et la vente de tablettes pillées sur le marché des antiquités. Donc la conception assyriologique du texte concerne une durée plus large, elle est plus fluide et plus ouverte que celle des hellénistes et des latinistes, avec cette différence majeure, en outre, que presque toutes les oeuvres mésopotamiennes sont préservées incomplètement sur des tablettes endommagées.