On a d'emblée de l'empathie pour les jumeaux Seeder, Jeanie et Julius deux grands enfants de 51 ans.
Ils mènent une vie simple et heureuse dans le fin fond de la campagne anglaise avec leur maman Dot. Sous l'aile maternelle, les journées coulent doucement entre culture du potager, chasse pour subvenir à leurs besoins puis se retrouvent tous les trois pour jouer de la musique et chanter. Cette existence frustre leur convient, bien qu'ils ressentent leur marginalité et le regard extérieur.
Plus de papa ? le voile se lève progressivement, il est décédé il y a environ trente-huit ans accidentellement ; de ce drame nait un accord tacite entre Rawson le riche fermier, propriétaire du cottage qu'ils habitent, et la maman, mais sur quelle base et pour quel motif ? Toujours est-il que même après la disparition du père ils peuvent continuer à habiter la demeure à titre gratuit.
Les deux femmes ont une santé délicate, le coeur fragile ; Jeanie se ménage, évite les efforts prolongés, de peur que la créature qui habite son coeur ne s'affole, quant à la maman, elle refuse de se soigner, car elle n'aime pas déranger, dépendre des autres, mais est-ce la seule raison ?
Un beau jour, ou plutôt un mauvais, Dot fait une attaque et chute lourdement sur l'angle en pierre de la cheminée. La mère poule n'est plus et les oisillons, bien qu'adultes, se trouvent bien dépourvus.
La carapace de leur oeuf cassé, le cocon brisé, ils se retrouvent seuls à faire face aux vicissitudes de la vie.
Et les nuages noirs ne tardent pas à s'accumuler. La misère financière, les-non-dits, les secrets entretenus par Dot tombent au même rythme que les factures. Julius trouve bien, par-ci, par-là, quelques petits boulots juste bons à payer un peu d'alimentation, même Jeanie trouve à s'employer à l'entretien de l'espace vert du bungalow d'une jeune femme, Saffron, qui malheureusement la rétribue en chèques, intouchables sans compte en banque et elle n'ose rien dire.
Jusqu'au jour où les propriétaires du cottage leur demandent 2.000 livres d'impayés pour les loyers, car il semble que le consensus entre Rawson et la mère ne soit que du vent. Nos deux grands-enfants
sont incrédules, jusqu'au jour où une bande de petites frappes vient les intimider et les menacer d'expulsion. Menaces qui se concrétisent, de plus sans ménagement.
Ils se retrouvent à la rue sans l'aide inopinée de Bridget, une des seules amies de sa maman, et son mari Stu. Mais ce ne peut être que temporaire car la promiscuité et les modes de vie sont trop différents.
Julius finit par trouver une caravane, au fond d'un taillis boisé. Habitat sordide duquel Jeanie, de guerre lasse, s'accommode. Mais là encore, les soucis les rattrapent.
Claire Fuller sait nous mettre mal à l'aise, installé dans notre confortable fauteuil, on a vite mauvaise conscience en tournant les pages de son roman. La misère et la vie précaire, dans lesquelles nos deux héros se débattent, deviennent presque palpables. Cela nous donne à réfléchir aux malheureux sans-abris, que de courage et de résilience pour vivre au jour le jour cette situation. L'auteure nous interroge, également, sur les non-dits au sein des familles qui peuvent se révéler dévastateurs et conditionner une existence.
Edifiant.
Merci aux Editions Stock de m'avoir permis cette lecture.