La dernière page tournée, il m'est difficile de cerner le sujet de ce roman tant l'auteur jongle avec les idées. Solidement documenté, le récit, que j'ai lu d'une traite, est plutôt complexe et mieux vaut ne pas le lâcher si on ne veut pas être largué.
Cherchant à fuir ses fantômes, Anna rejoint l'expédition scientifique Ocean Arctic Protect en tant que journaliste et interprète (Elle parle russe) A Tiksi, aux confins de la Sibérie, elle retrouve les membres de l'expédition, hommes ou femmes, marins ou biologistes. le chef, c'est Jens, un colosse barbu intransigeant et omniscient. Tous embarquent sur le Yupik, un voilier conçu pour naviguer entre les glaces avec, à son bord, du matériel scientifique et des congélateurs pour conserver les prélèvements. Tout est prêt pour passer l'hiver sur la banquise
Valery, un militaire russe chargé de les surveiller car cette région de l'Arctique est sous hégémonie russe, embarque avec eux. Très vite, dans ce huis-clos étouffant, Anna perçoit les rapports ambigus entre Jens et la jeune glaciologue Jeanne. Elle consigne tout dans son carnet de bord, son histoire personnelle et les évènements quotidiens.
En parallèle se déroule l'histoire de dom Joseph, moine chartreux et frère d'Anna, qui cherche la rédemption dans le silence d'un monastère.
Tandis qu'Anna se confronte avec son passé douloureux, l'équipe doit faire face à de nombreuses avaries. Puis la tempête, violente, démesurée, les oblige à trouver refuge sur les côtes inhospitalières d'une île où rodent des ours menaçants. Il y a aussi les chasseurs iakoutes à la recherche de l'ivoire fossilisé des mammouths.
Dans ces espaces grandioses et magnifiques, la lutte pour la survie est permanente et façonne le caractère de ceux qui y vivent. Vivre est périlleux et l'on oublie cette rudesse dans l'alcool.
Le danger est partout, à la fois dans cette nature hostile où rôdent des bêtes sanguinaires, ours, loups, renards mais aussi dans ce sous-sol gorgé de méthane où des virus millénaires sont réactivés par le réchauffement climatique.
L'histoire est sombre, glaciale, à l'image même de la nuit polaire. Nous plongeons dans un univers rude et froid, immense et éblouissant mais ô combien inquiétant.
Patrice Gain nous mène avec assurance dans une aventure folle sur les pas d'Anna qui ne renonce pas à se battre. J'ai aimé la personnalité de l'héroïne, avec sa force, son obstination mais aussi ses failles et ses doutes qui la rendent profondément humaine.
C'est rudement bien construit, chaque strate nous rapproche de la vérité. On frissonne à chaque page, et pas seulement de froid…
Patrice Gain, que je découvre grâce aux éditions Albin Michel et à Babelio (Qu'ils en soient vivement remerciés) m'a bluffée.