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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Découvrir ou redécouvrir la plume de Laurent Gaudé en puisant aux origines, et notamment dans son premier texte, « Onysos le furieux », suivi ici par « le Tigre bleu de l'Euphrate ». Deux monologues de théâtre qui entrent merveilleusement en écho l'un avec l'autre. le premier est déclamé par un vieil homme qui se dit immortel et d'origine divine, incarnation de Dionysos sentant la verdeur rejaillir en lui. le second est proclamé par Alexandre le Grand, aux portes du tombeau dans la jeunesse de ses trente-trois ans, congédiant ceux qui guettent son trépas et s'adressant en personne à Hadès pour lui raconter comment il a vécu.

Onysos est né à Tepe Sarab sur les monts Zagros, vite démembré, dévoré, puis à nouveau né, empli cette fois d'une force et d'une fureur capables d'ébranler le monde. Il a le pouvoir de faire jaillir le végétal et de magnétiser les femmes, d'en faire des furies prêtes à baiser et à tuer pour lui. Et c'est ici, dans une galerie de métro de New York, qu'il va narrer son destin à un camarade de passage, lui dire comment il a conquis Babylone, visité le domaine des morts, baigné dans le sang et le foutre sur les rivages du Nil, trouvé l'amour dans les bras de la belle Séléna, et joué la tragédie de la chute de Troie. La verve d'Onysos est pleine de stupre et de sauvagerie, engrossée par une colère divine prête à s'abattre sur les Hommes tout comme à les chérir. Onysos est tout à la fois bête sauvage, homme et femme, dieu vengeur et guerrier conquérant, amant redoutable et conteur infatigable. Il traverse les millénaires avec ses souvenirs pour seul manteau, retrouvant jouvence en déclamant ses maux.

« Onysos le furieux » a été mis en scène en 2000, 2005, et 2007. C'est un monologue théâtral précurseur d'un talent qui obtiendra la consécration en 2004 avec le Prix Goncourt attribué à l'auteur pour « le Soleil des Scorta ».

Dans "Le tigre bleu de l'Euphrate", Alexandre le Grand raconte sa faim, sa soif et son désir, ces choses qui ont animé son destin grandiose et dont il se meurt aujourd'hui. Son dernier ennemi est devant lui et il lui parle comme à un vieil ami qui s'apprête à le recevoir en sa demeure. Alexandre lui raconte sa naissance, son enfance impatiente, son inextinguible ambition de conquête. Il lui décrit la prise de la cité d'Issos, le roi Darius en fuite, le siège de Tyr face à la puissante flotte phénicienne, la fondation d'Alexandrie, et puis cette faim encore, qui toujours l'embrase. Jusqu'à cette rencontre avec le tigre bleu de l'Euphrate, signe annonciateur qu'il doit poursuivre ses conquêtes toujours plus à l'est, car son destin est là-bas. S'ensuivra la terrible bataille de Gaugamèles ouvrant le chemin jusqu'à Babylone… Les conquêtes d'Alexandre le Grand n'auront-elles aucune limite ?

« le Tigre bleu de l'Euphrate » a été mis en scène en 2005, 2007, 2010 et 2018. Texte de jeunesse écrit peu de temps après « Onysos le furieux », dont il est un peu frère, il s'empare de la matière historique pour en faire une tragédie antique pleine de violence et de mélancolie.
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Selon Laurent Gaudé nous sommes antiques. Quelle est donc cette matière d'Antiquité dont nous serions faits ? Car si la culture imprègne profondément les esprits qu'elle élève, a t elle gravé pour autant son empreinte dans leur âme ? Ou bien cette culture n'est elle que l'écho de notre nature première ? Tous ces mythes, toutes ces divines légendes, s'ils composent notre héritage, ont ils également forgé notre hérédité ? Dieux, déesses, demi dieux, d'eau ,de feu ,de terre , d'outres cieux, de vent, de chair, d'écails, de tous poils, de cornes, de fourches, de fleurs, de lyres, de printemps, ou venus des enfers, nos ancêtres avaient d'immortels appétits de géants. Déposons donc notre petite panoplie de gaulois au comptoir des loisirs…et regardons cet homme à la face d'un dieu, et puis ce dieu au visage de l'homme. Mi homme, mi dieu, voici la poire tranchée en deux. Onysos le furieux, se plante sur le quai du métro new-yorkais.
Onysos, celui qui naît, qui est égorgé, dépecé ,mangé, mais qui renaît de son coeur, Onysos qui n'en finit pas de se venger des hommes, l'immortel, douceur et cruauté, enfer et volupté.
Il a des milliers d'années ce vieux furieux..., mais le voilà qui parle et qui renaît. New york est pour lui, à sa taille, à sa démesure, tout est là, exactement à ses souhaits. Folies, plaisirs, misères, meurtres, orgies, esclaves, palais et princes, taudis, pauvres et sans logis, New York c'est la quintessence de notre demeure antique. Souffre, miels, plaintes, labyrinthes, candélabres, parkings, mouroirs, couloirs , lustres et flèches en miroir.
D'où vient cette créature ? du mouroir d'un ventre ? , de la mémoire du monde ? , Il a des milliers d'années et sa vie raconte l'humanité.
C'est parce que les dieux antiques sont les avatars de toutes nos émotions, de nos colères, de passions, de nos torsions, de nos angoisses, de nos tempêtes, de nos folies que nous sommes antiques.
Gaudé a raison nous sommes antiquement liés à nos émotions. Que Babylone se dévoile , qu'Ur ouvre ses portes, que le Mont Thabor se dresse, que New York s'allume, et Onysos revit. Car à travers l'immensité de notre histoire Onysos n'en finit pas de détruire et d'aimer.
Ce texte fut écrit pour pour être dit, prononcé, déclaré devant tous, au nom d'Onysos qui nous parle du fond de nos humanités.
Et puis dans les souvenirs des dieux se mettent en marche ceux que la mémoire des hommes acclamera en héros. Des cavaliers sur des chevaux de légende, qui construiront des ports, des palais, qui pourchasseront des rois, qui n'en finiront pas de construire, de détruire, de brûler, de bâtir, qui traverseront le monde à en faire inverser les pôles de la terre, nomades de leur propres destins, sans repos, sans peurs et à jamais sans terre, des chasseurs d'horizons, comme Alexandre le Grand, l'élu du Tigre Bleu, qui arrêtera sa course lorsque le coeur d'un homme lui rappellera le premier devoir des idoles.
Alexandre, qui mourra de n'être qu'un homme, lui qui parlait à la Mort avec l'arrogance d'un dieu.
Deux textes de jeunesse, écrits « pour la voix », qui invite «  le lecteur à se faire lui même théâtre ».
la poésie a ici trouvé place. Écoutez ce que contient l'idée puissante de toutes nos humanités !
Il n'y a de langues mortes que sous des palais effondrés.

Astrid Shriqui Garain

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Deux superbes textes, écrits pour le théâtre, et certes déjà édités séparément.
L'idée de les rassembler et de les proposer comme des nouvelles aux lecteurs de roman, permet à ceux-ci de ne pas passer à côté. Je n'ai pas eu l'impression de lire un texte à réciter, du moins cela ne m'a pas gêné.
Deux monologues épiques, tragiques qui font le bilan d'une vie, longue pour l'un courte pour l'autre, mais emplie de massacres, de conquêtes, de haine et d'amour.
Magnifique !
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Je retrouve avec toujours autant de plaisir la plume poétique et intense de Laurent Gaudé. Précise, mais onirique, les sujets de ses histoires sont différents et amènent au voyage. Laurent Gaudé précise au début du livre qu'il s'agit de deux textes écrits pour le théâtre, et on imagine aisément ce qu'il faut de puissance pour raconter ces histoires.
Le premier texte, "Onysos le Furieux" est différent du second "Le tigre bleu de l'Euphrate" quant au rapport au temps qui passe.
Dans le premier texte, ce vieil homme se raconte à un homme sur un quai de métro à New York. Il raconte sa naissance, ses ancêtres, sa vie de débauche et de fureur. Mais plus il se raconte, plus il rajeunit. Onysos conte avec force cette somptueuse Babylone, les portes d'Ur et le Mont Thabor. Il raconte ses colères, sa souffrance, mais il raconte l'Homme et fait émerger ce qu'il y a de plus inhumain dans l'humain. Et toujours, Onysos est mu par ce désir de vengeance. Et plus il se raconte, plus le vieillard rajeunit.
Le second texte fait référence à Alexandre le Grand. Ce jeune homme dont la conquête est gravée dans L Histoire. Il raconte ses batailles, sa progression vers l'Est, sa chasse à l'homme lorsqu'il veut à tout prix attraper Darius. Car il sait que l'ombre se pose sur ses yeux. de ses victoires, de ces étendues qu'il a faites siennes, on retient également dans ce texte une seule "défaite", une seule fois, il a plié et ces raisons qui l'ont fait revenir en arrière sont humbles. Mais Alexandre a perdu la fougue de sa jeunesse.

L'écriture de Laurent Gaudé est toujours aussi précise, poétique. Ici, le fait qu'il précise que ces textes sont faits pour être clamés au théâtre leur donnent une consistance tout autre : on y sent la puissance vocale, on y sent le déchirement, on y sent l'obscurité et également le temps qui passe qui est le fil conducteur de ces deux textes.
Lien : http://lecturedaydora.blogsp..
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Deux pièces de théâtre parmi les 1eres oeuvres de Laurent Gaudé.
Tous les thèmes ultérieurs développés sous forme de récit romans ou théâtre y sont déjà en gestation.
Onysos le furieux préfigure le magnifique La Mort du roi Tsongor.
Le tigre bleu de l'Euphrate nous emmène sur les traces d'Alexandre le Grand, avant le beau Pour seul cortège.
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