AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Paris, mille vies (107)

Sept gares comme sept portes à avaler le monde.

Page 71
Commenter  J’apprécie          10
Puisses-tu ne jamais oublier ceux qui meurent sur tes pavés
comme ceux qui s'embrassent sur tes bancs....
Commenter  J’apprécie          10
Ici ont vécu tant de vies englouties… Villon vient de tuer. Il court dans la rue Saint-Jacques. Hugo monte lentement et sur le boulevard Saint-Michel, un peu plus bas, éclatent les tirs des combats de la Libération. Paris n’arrive plus à compter tout ce qui a vécu, crié et saigné en elle. Elle est trop pleine et cherche des bouches pour la dire. Il faut retourner les morts, mais il y en a trop…
Commenter  J’apprécie          10
Il ne faut pas essayer de semer la mort. Elle n'aime rien tant que nos misérables tentatives. Cela la distrait mais elle les déjoue toujours. Non, il faut l'inviter à danser. Cela seul peut la perdre. Même si elle essaie de s'en défendre, la musique s'empare d'elle. Ses jambes remuent.
Elle a honte, essaie de se contenir, sent que son masque de terreur se fissure mais elle n'y peut rien, rien, c'est plus fort qu'elle : qu'elle le veuille ou non, elle se met à frapper le sol du talon et à se déhancher. Oui, tant que nous dansons, elle danse avec nous. La musique s'empare de tout. Danse macabre !
Commenter  J’apprécie          00
On meurt en été, dans cette ville qu'on ne verra pas libérée et dans laquelle d'autres, plus tard, viendront vivre, se promener, s'asseoir. D'autres, oui, viendront sur les bancs du Luxembourg, à l'ombre de la statue de Verlaine, dans ce jardin paisible. (…)
Pour qu'ils voient notre présent et sourient de notre liberté. Tant de vies, avant nous, tant de tumulte, et nous faisons ce qu'ils auraient aimé faire, nous faisons ce pour quoi ils se sont battus : nous nous embrassons sur les bancs publics parce qu'il n'y a pas d'autre façon de célébrer la vie et nous le faisons sans penser à eux.
Commenter  J’apprécie          00
Le hasard a eu envie d'être inéluctable et il est devenu malchance. C'est arrivé. Tout aurait pu se passer autrement, prendre une autre voie, mais c'est arrivé. Voilà. J'ai parlé.
Commenter  J’apprécie          00
La nuit est loin. Le jour revient et je suis en vie, en grand appel de vie. Il est temps de se fondre parmi ceux qui m’entourent. Je disparais dans mon époque, dans la petite course de mon existence, au milieu de cette ville qui voit se presser tant de destins. Je dis adieu à tous mes personnages, ceux que j’ai croisés, ceux qui ont existé, ceux que j’ai lus, ceux que j’ai inventés, ceux qui sont morts et ceux qu’il me sera encore donné de côtoyer, je ne fais plus de distinction entre les uns et les autres, ils sont mon peuple mélangé. Je leur dis adieu, non pas que je les quitte – jamais je ne serai fait d’autre chose que d’eux – mais le temps long où ils ont eu tout loisir de se déployer en moi s’achève. Je reviens à la vie. La foule m’entoure, de plus en plus dense. Paris marche et court. Paris va bientôt se mettre à crier, à fumer, à klaxonner et je vais me fondre en elle, n’être plus qu’un parmi tant d’autres. J’irai te retrouver. Pour respirer ton parfum et me perdre dans le creux de ton cou. À moins qu’une gare ne m’appelle. Alors, je disparaîtrai à nouveau dans une foule pressée. Mille vies. Que j’embrasserai, caresserai du regard, contemplerai. Mille vies jusqu’à l’instant de mourir. Et lorsque ce sera l’heure, sur ce pavé que j’aime ou ailleurs, vieillard repu d’avoir tant vécu ou homme pris dans la force de l’âge, j’espère qu’il me sera donné de la prononcer à nouveau, cette phrase, pour qu’elle éloigne de moi la peur, qu’elle m’emplisse d’un sentiment profond de quiétude, j’espère, oui, que me sera donné le temps de reconvoquer en moi la beauté de tout ce que j’ai traversé, et de la dire avec un sourire serein : “C’est à cause que tout doit finir que tout est si beau.”
Commenter  J’apprécie          00
Encore… Je marcherai encore… Plus rien ne peut m’arrêter. Le jour s’est levé. L’ombre n’est plus devant moi. Je sais que tout va finir, que la mort me prendra un jour, tandis que j’aurai encore mille projets, que mes mains auront encore mille envies de t’enlacer. Il me vient à pleurer si j’y pense. Hier est perdu, aujourd’hui, déjà, s’éclipse mais je connais les mots qui me consolent et je vais les dire. Au moment de quitter cette longue nuit d’errance, il y a ces derniers mots que je vais glisser tout bas. J’attendrai d’être arrivé en haut du boulevard Saint-Michel, d’avoir contemplé longtemps le Val-de-Grâce en contrebas – comme la lumière est douce lorsqu’elle enveloppe la coupole… J’attendrai de longer les grilles du petit Luxembourg, de saluer la fontaine Carpeaux et ses tortues qui éclaboussent depuis mon enfance les pieds des femmes colosses. J’attendrai de revoir tous ces lieux que j’aime, où j’ai passé du temps à chaque âge de ma vie, et lorsque je verrai enfin la statue du maréchal Ney – grand fou aux mille victoires qui n’ont servi à rien, grand fou qui brandit sa démence et défie les passants, sabre au clair –, je prononcerai cette phrase : “C’est à cause que tout doit finir que tout est si beau.”11 Ramuz sourira avec moi. C’est la seule phrase qui me console. Elle est si simple mais elle apaise en moi tant de tourments…
Commenter  J’apprécie          00
Nous avons inventé l’immortalité et elle fait un doux bruit de papier. Les mots se transmettent de siècle en siècle. L’éternité est là : dans chacun des livres que nous ouvrons. Tout est intact. Sur les pages que nous parcourons des yeux, nous retrouvons la voix exacte du passé. Tout ce qui semblait fragile, voué à un oubli certain, la description d’une sensation fugace ou d’un paysage changeant, tout cela est gravé. Alors, oui, je retourne aux mots. J’ai peuplé ma vie avec eux.
Commenter  J’apprécie          00
Paris se lève. Le jour qui est à vivre aura ton nom. Je vais le presser, le boire, le savourer tout entier. Les bruits de la ville ne vont plus tarder à monter. Déjà, les premiers véhicules apparaissent. Le brouhaha épais de la vie revient, ce bourdonnement d’existences qui fait tout éclore. Le temps, à nouveau, fait tourner les aiguilles. Tout passera si vite, comme avant. Je vais retrouver le vertige d’une existence qui file entre les doigts, mais tu es là. C’est vers toi que je reviens. Il y a cela qui nous réconcilie de tout : le pari que nous avons fait de l’amour. Pour qu’il y ait une chose solide dans tout ce qui passe et s’étiole, une chose solide : ton regard et le mien. Cela suffit. Paris est notre grand terrain d’amour. Une ville entière pour se chercher, se découvrir, se caresser. Une ville entière où je t’ai donné rendez-vous, où je t’ai attendue dans des cafés, à l’angle de certaines avenues, une vie entière de promenades, de saisons passées puis revenues, de couleurs nouvelles. Il y a tes lèvres sur les miennes qui suffisent à faire tourner le monde. Et ton regard qui me fait écrire. J’ai passé ma vie à chercher qui je suis, à convoquer mille personnages lointains pour me montrer à travers eux. J’ai pris des trains, parcouru des milliers de kilomètres. Course de vivre. Appétit de géant à opposer aux fatigues. Je veux un festin. Toujours nouveau, toujours recommencé. Faire venir le tumulte dans lequel on se perd, dans lequel seuls les amants se retrouvent. À nous ! À nous les discussions sincères et la chaleur des corps. À nous Paris qui s’oublie et se laisse envelopper par la douceur d’un soir de juillet. À nous le festin de l’esprit et la belle liberté. À nous ! Même si cela va trop vite, même si tant ont déjà disparu, à nous, pour ne pas mourir vides.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (709) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Laurent Gaudé

    En quelle année est né Laurent Gaudé?

    1965
    1967
    1970
    1972

    10 questions
    180 lecteurs ont répondu
    Thème : Laurent GaudéCréer un quiz sur ce livre

    {* *}