Tout se fissure dans l'Empire. Les reines meurent dans la fange, les nouveau-nés sont étouffés. On déchire les alliances et aiguise les fers. Est-ce à cela qu'il lui sera désormais donné d'assister ?
"Des femmes à l'abandon que le temps conserve par cruauté et qui attendent la mort au milieu des chats affamés" pense-t-elle, "voilà ce que nous sommes".
A qui appartiens-tu Alexandre? Tu leur diras Dryptéïs, toi qui fus la seule à voir l'armée des morts entrer en terre et les cinq cavaliers du Gandhara périr en pleine course, tu leur diras A qui appartiens-tu? A mes compagnons lancés au galop dans la plaine et à l'éternité qui s'ouvre devant moi."
Si tu vas nue, ils ne pourront rien te prendre.
Elle continue à marcher. Elle aime le vide qu’elle ressent. Elle aime la fatigue qui la harasse et la fait, parfois, dodeliner de la tête. Elle est une d’entre elles, rien de plus. Elle aime se fondre ainsi dans cette foule. Pour le première fois depuis sa naissance, elle n’est rien de plus qu’une parmi tant d’autres.
Alexandre et la mort vont rester face à face pour se jauger. Tout le monde quitte la salle, tête basse, sidéré de voir qu'un homme peut conserver, à l'instant de mourir, avec une telle force, le plein éclat du vivant.
La musique est plus forte que tout.
Ce n'est pas moi que tu attends, mais je viens, je me rapproche. Je me suis mis en route il y a longtemps de cela. Si tu savais, Alexandre...
Le monde entier les regarde passer en pensant qu'en ces heures où les empires vacillent, il est une chose qui reste solide, aussi solide que la puissance des montagnes, c'est le chant des femmes endeuillées.
L'Empire a été découpé. Chacun a eu sa part mais aucun ne s'en satisfera.