« Il ne faut pas toucher aux idoles, préconisait
Flaubert dans
Madame Bovary, la dorure en reste aux mains. » Ce n'est guère l'avis de
Nicolas Gaudemet qui signe dans un premier roman la mise à mort des idoles. Un siècle après le crépuscule nietzschéen, l'auteur dresse le portrait révoltant d'un monde où les médias prennent toute la place ; une révolte accompagnée d'une fascination pour cette société où règnent les apparences. Si Orwell et Huxley fouillaient l'avenir pour dessiner des futurs inquiétants,
Nicolas Gaudemet montre que notre époque a déjà assez de quoi effrayer. Son texte est l'allégorie de ce monde oppressant où chacun cherche fiévreusement « son quart d'heure de célébrité ». Avec sa plume aiguisée d'humour, il tisse une intrigue pleine de rebondissements sur un fond clair-obscur.
La Fin des idoles est un roman orchestre. L'on y entend les voix de Paloma, jeune femme aux allures de bimbo prête à tout pour la célébrité, Lyne Paradis, neuroscientifique et ex-mannequin en guerre contre cette société à créer des idoles éphémères, mais aussi Gerhard Lebenstrie, psychanalyste concurrent de Lyne, Alexandre Valère, directeur de la chaîne V19 ou Cathy, journaliste dubitative elle-même en quête de reconnaissance. A ce panel de personnages s'ajoutent, par petites touches, des voix éparses et des silhouettes éphémères. Ce qui les relie ? L'émission Obsession Célébrité créée par Lyne et Alexandre dans le but de guérir les personnes obstinées par l'envie d'être célèbres, un programme librement inspiré d'émissions réelles comme Carré ViiiP ou Dilemme. C'est là que nous ferons la connaissance de Paloma au profil proche de Nabilla et Loana selon les mots mêmes de l'auteur. Face à la descente aux enfers de la jeune femme, Lyne décide de tout mettre en oeuvre pour la sauver, à l'aide de méthodes neuroscientifiques. Révolté par ces émissions, le célèbre psychanalyste Gerhard Lebenstrie tente de lui administrer sa propre thérapie. Les plateaux télé sont alors envahis par ce duel à mort entre les deux thérapeutes.
Telle est la dystopie contemporaine admirablement construite par
Nicolas Gaudemet. Une pointe d'impertinence, une dose de lucidité, ce premier roman est une satire acerbe piquée de dérision.
Une idée que l'auteur avait depuis longtemps, porté par « une fascination pour les médias autant qu'un sentiment de révolte face à leur côté abêtissant » confie-t-il. « Après avoir travaillé un peu dans les médias, j'ai appris à découvrir ce système et mon projet s'est approfondi au fil des années. Je n'avais plus qu'à tout mettre en scène dans une intrigue romanesque. » Peut-on changer les choses ? Engager une « révolution à l'envers, cérébrale et intellectuelle » ? Telle est la question que
Nicolas Gaudemet ose poser à travers les lignes de sa fiction. Car l'omniprésence des sciences du cerveau dans
La Fin des idoles surprend, surtout venant d'un auteur qui confesse qu'il ne pas maîtrisait pas vraiment ce domaine avant de se plonger dans l'écriture. Il affirme cependant avoir toujours été intéressé par la psychologie : « Je me souviens notamment d'un cours de psychologie issue d'une université américaine lu quand j'étais plus jeune. Un bouquin illustré, acheté chez Gibert, où j'avais pu découvrir la psychologie évolutionniste et cognitive ». En écrivain méticuleux,
Nicolas Gaudemet a avalé pour se documenter plus de 1000 pages de
Lacan,
Freud, Miller… Un vrai travail de recherche qui lui aura valu plus de trois ans d'écriture ! « le défi était de taille, commente-t-il. Habituellement, la
psychanalyse traite de cas singuliers, de
l'inconscient d'un sujet donné, elle n'a pas été conçue pour analyser les médias qui relèvent du collectif. » On reconnait que le défi a été relevé avec brio.
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