Petit escargot
grimpe doucement surtout
c'est le mont Fuji !
Parfaitement droit
le trou creusé en pissant
la neige à ma porte
...
La fille acidulée feuilletant un recueil de poèmes d'Issa lui a remis l'humeur en gaieté ...
Misère, qu'un roman où l'on ne trouve rien à voler. Mais aussi, folie et éreintement qu'un roman qui force sans cesse à s'arrêter pour mieux jouir d'une phrase, d'une description, d'une situation, tout en incitant à foncer à bout de souffle pour connaître la fin de l'histoire.
Un homme tout seul
et seule aussi une mouche
dans la grande salle.
Issa
Le lecteur, si vraiment il s'engage dans sa lecture, devient un personnage lié au roman qu'il lit puisqu'il entre à son tour dans l'histoire et refait, à sa façon, tout le parcours du texte. Mais ce personnage échappe totalement au pouvoir, à la volonté, à l'imagination de l'auteur du livre dont il n'est pas une "création", mais un invité. Un drôle d'invité, anonyme, venu on ne sait d'où, qui arrive à l'improviste et sort quand ça lui chante de l'espace du livre, sans souci de ponctualité, de la moindre convenance, qui s'y attarde ou le traverse à toute allure, riant, bâillant d'ennui, râlant, applaudissant ou se moquant, selon son humeur, sa sensibilité, ses intérêts. Les grands romans grouillent ainsi d'hôtes anonymes qui fouillent dans les coins, dérobent par-ci par-là une poignée de mots, une ou deux idées, quelques images qu'ils utilisent ensuite dans leur vie.
Aussi malingres soient les étoiles au-dessus de la ville, elles demeurent toujours troublantes à regarder, malgré tout, elles aiguisent l'imagination, déploient le sens de l'espace, du lointain, affolent celui du temps.
A quel point sommes nous de notre présence
lorsque nous devenons absents ?
A quel point sommes nous de notre absence
lorsque nous nous savons présents ?
Il a marché longtemps, il finit par entrer dans un square et s'assied sur un banc face à un petit manège. Des animaux ridicules, de couleurs criardes, des caricatures de voitures de course et même deux chars d'assaut miniatures pourvu l'un d'une mitrailleuse, l'autre d'un canon, remplacent les chevaux blancs et dorés des anciens carrousels, et la musique diffusée est au diapason de cette laideur agressive. Une fillette en anorak mauve brodé d'étoiles argentées pousse des cris suraigus derrière la mitrailleuse qu'elle agite en tout sens. Ce sont des cris d'excitation, de joie, qui montent d'un cran chaque fois qu'elle passe devant sa mère. "Pan pan boum ! Je t'ai tuée, maman !" Sa victime, très souriante, agite la main avec grâce à chacune de ses mises à mort comme s'il s'agissait d'un hommage rendu à sa personne.
Il ne prend pas le premier train qui arrive, il s'assied sur un banc pour manger ses châtaignes. Un banc absurde, inconfortable, divisé par des arceaux métalliques – afin que les clochards ne puissent s'y allonger pour dormir. Un banc mesquin, un chasse-misère.
... on ne meurt pas complètement tant qu'il reste au moins un vivant pour se souvenir de vous – de qui vous étiez, que vous avez existé – quand vous-même avez disparu.
Le goût des autres : jamais il ne l’a ressenti aussi puissamment, passionnément qu’en cet instant, et il pressent qu’il risque d’atteindre la limite du supportable, celle où ce goût est à saturation et se condense en poison.