la solitude et la douleur ne relèvent pas du seul cadre d'un lexique et d'une grammaire pour s'exprimer, tout comme la joie, le rire, le désir, la colère.
ainsi peut-il la contempler à la fois de dos et de face. Elle lui plaît des deux côtés.
Une odeur de désastre rôde en lui, non pas sur sa peau, mais dessous, dans la chair ; elle lui lèche le cœur.
Au fond, les mécréants qui bravent l'absurdité de ce monde et défient l'ennui en grands jouisseurs, vaille que vaille et par tous les moyens, sont des héros, des héros tragiques, les seuls que j'admire.
Il a marché longtemps, il finit par entrer dans un square et s'assied sur un banc face à un petit manège. Des animaux ridicules, de couleurs criardes, des caricatures de voitures de course et même deux chars d'assaut miniatures pourvu l'un d'une mitrailleuse, l'autre d'un canon, remplacent les chevaux blancs et dorés des anciens carrousels, et la musique diffusée est au diapason de cette laideur agressive. Une fillette en anorak mauve brodé d'étoiles argentées pousse des cris suraigus derrière la mitrailleuse qu'elle agite en tout sens. Ce sont des cris d'excitation, de joie, qui montent d'un cran chaque fois qu'elle passe devant sa mère. "Pan pan boum ! Je t'ai tuée, maman !" Sa victime, très souriante, agite la main avec grâce à chacune de ses mises à mort comme s'il s'agissait d'un hommage rendu à sa personne.
Des albatros de toile, au vol circulaire, emprisonné.
Il murmure tout bas "Biedroneczko lec do nieba, przynies mi kawalek chleba..." Ces mots prennent un goût de larmes dans sa gorge. Il se retire sans bruit. Le chien ne s'est pas réveillé.
Aussi malingres soient les étoiles au-dessus de la ville, elles demeurent toujours troublantes à regarder, malgré tout, elles aiguisent l'imagination, déploient le sens de l'espace, du lointain, affolent celui du temps.
1ère phrase: Il se réveille tout noué, une sensation de poids sur le plexus.
Dernière phrase: Biedronka rejoint ses amis et tous trois improvisent une ronde à travers le salon, au son de la pluie qui tintinnabule contre les vitres.
Les grands romans grouillent ainsi d'hôtes anonymes qui fouillent dans les coins, dérobent par-ci par-là une poignée de mots, une ou deux idées, quelques images qu'ils utilisent ensuite dans leur vie.