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L'ENFANT-MEDUSESylvie Germain – Éditions Gallimard.

Lucie D'aubigné est une enfant au sens plein du terme. Elle peuple sa vie d'images et de sons qu'elle est seule à comprendre et les mots des adultes résonnent dans sa vie comme autant de mystères qu'elle repeint aux couleurs de son imagination. C'est son univers à elle et elle s'y sent bien. Elle ressemble à son ami les yeux toujours perdus dans les étoiles.

Pourtant l'horreur lui a donné rendez-vous sous les traits trompeurs de la beauté et de la tranquillité apaisante de la famille. Depuis ce jour elle connaît la peur, perd ses contrepoids et les délices de ce monde coutumier pour entrer de plain pied dans la flétrissure et le silence forcé, dans ce monde des adultes qu'elle ne connaissait pas et pour lequel elle n'était pas préparée. Elle devient la proie de son frère qui du même coup la précipite hors du microcosme merveilleux de l'enfance, lui confisque la joie en même temps que innocence. Son fardeau est lourd à porter d'autant plus que d'autres petites filles ont subi les outrages de ce frère ... et en sont mortes ! L'incompréhension des adultes qui l'entourent lui interdit toute dénonciation et, de fait, le criminel ne sera jamais démasqué. Dès lors sa vie devint un cauchemar qui bascule petit à petit dans la folie et la solitude, à rebrousse-enfance, sans qu'on sache vraiment où s'arrête la peur et où commence la complicité.

L'univers des adultes lui est ainsi révélé, le silence et l'attitude de son père, l'amour de sa mère pour son premier mari tué au combat et qu'elle reporte sur son fils, cette mère abusive qui ne vit que par et pour lui... Alors elle réagit en s'enlaidissant, en faisant d'elle un squelette vivant à force de jeûnes. de sa maigreur il ne reste que ses yeux et de ce regard chargé d'étranges pouvoirs qu'elle puise dans les eaux glauques des marais berrichons et dont elle va se servir. Car c'est elle qui a tué un matin, par le seul pouvoir de ses yeux de gorgone, c'est du moins ce qu'elle croit. Depuis qu'on l'a trouvé allongé dans le jardin, son frère-bourreau mène une vie végétative, comme frappé par une malédiction, un peu comme si son père mort sans sépulture venait reprendre la vie qu'il avait donnée.

Après sa mort, Lucie fuit cette maison, court le monde et après bien des amours sans suite revient dans son bourg natal, habite à nouveau cette maison, seule ! Elle finira par pardonner à sa mère et à lui fermer les yeux mais chassera pour toujours de sa mémoire l'image de son frère. Pour cela peut-être elle traînera avec elle ce mal de vivre que des amours tumultueuses et que son retour dans cette contrée n'ont pas permis d'exorciser. C'est donc un roman sur la solitude que chacun combat comme il peut.

Avec une évocation de la lumière, comme un témoin muet et impuissant, presque indifférent, l'auteur a les mots du poète pour évoquer le drame de l'enfance. La connotation entre l'art pictural et l'écriture est constante. Pour l'enfance merveilleuse l'enluminure, puis le tableau s'obscurcit avec la sanguine, le sépia et le fusain pour se terminer par une fresque apaisante mais la solitude et le mal de vivre restent le leitmotiv de ce roman.

© Hervé GAUTIER.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Il y a plusieurs manières de parler de l'inceste ; Sylvie Germain a choisi d'emprunter le langage du conte, et une écriture riche et lumineuse pour accompagner la détresse et la solitude d'une enfant.

Lucie (étrange coïncidence de ce prénom porteur de lumière, avec la scène inaugurale que décrit Sylvie Germain, très belle) a huit ans ; elle est arrivée dans sa famille un peu par hasard, à la faveur d'un remariage de sa mère qui voue un culte à son Epoux décédé, héros de la guerre, et à son petit Roi-soleil de fils. Pour Aloïse, le monde s'arrête là. Lucie, doit s'en accommoder. Il y a son ami Louis –Félix, l'astronome en herbe, son jumeau, il y a la nature, les marais, les crapauds, ce père effacé et ignoré de sa femme qui se réfugie dans son garage pour converser avec le monde entier.
Et puis il y a l'ogre, ce salaud silencieux qui tue au propre comme au figuré.

« du jour où l'ogre a fait main basse sur elle, plus jamais Lucie n'a connu la vraie joie. La première chose que dévora l'ogre en elle, ce fut précisément la joie. »

Lucie à sa manière va lutter, prier, se taire, s'enfermer, s'isoler, souffrir. Mais Lucie, c'est un trésor de force intérieure, et de pardon.

« Elle a enfin retrouvé le goût de voir par-delà la honte et la frayeur. Elle a reconquis un regard, et cela avec une force inespérée car elle l'a redressée loin des humains, tant adultes qu'enfant ; elle l'a reconquis auprès des bêtes et des bestioles les plus déconsidérées, sinon réprouvée. »

La prose de Sylvie Germain est incontestablement belle, imagée, riche, pléthorique, exubérante. Elle passe très bien ici, parce que ce vocabulaire est au service d'une histoire, d'un sujet, d'un personnage. En revanche je ne suis pas certaine que dans un registre plus imaginaire, j'y sois plus perméable.

Cette écriture chargée, trop sans doute pour celles et ceux que la sobriété attire davantage, vaudra pour moi un usage parcimonieux pour continuer à apprécier à sa juste valeur cette plume singulière .

Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Tout commence bien,dans l'insouciance lumineuse de l'enfance.Mais "l'oeuvre au noir", la souillure commise dans son corps d'enfant n'en finit pas de la hanter.
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Ce livre est magnifique, il a marqué ma jeunesse et je le relis régulièrement.
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