Il y a plusieurs manières de parler de l'inceste ;
Sylvie Germain a choisi d'emprunter le langage du conte, et une écriture riche et lumineuse pour accompagner la détresse et la solitude d'une enfant.
Lucie (étrange coïncidence de ce prénom porteur de lumière, avec la scène inaugurale que décrit
Sylvie Germain, très belle) a huit ans ; elle est arrivée dans sa famille un peu par hasard, à la faveur d'un remariage de sa mère qui voue un culte à son Epoux décédé, héros de la guerre, et à son petit Roi-soleil de fils. Pour Aloïse, le monde s'arrête là. Lucie, doit s'en accommoder. Il y a son ami Louis –Félix, l'astronome en herbe, son jumeau, il y a la nature, les marais, les crapauds, ce père effacé et ignoré de sa femme qui se réfugie dans son garage pour converser avec le monde entier.
Et puis il y a l'ogre, ce salaud silencieux qui tue au propre comme au figuré.
« du jour où l'ogre a fait main basse sur elle, plus jamais Lucie n'a connu la vraie joie. La première chose que dévora l'ogre en elle, ce fut précisément la joie. »
Lucie à sa manière va lutter, prier, se taire, s'enfermer, s'isoler, souffrir. Mais Lucie, c'est un trésor de force intérieure, et de pardon.
« Elle a enfin retrouvé le goût de voir par-delà la honte et la frayeur. Elle a reconquis un regard, et cela avec une force inespérée car elle l'a redressée loin des humains, tant adultes qu'enfant ; elle l'a reconquis auprès des bêtes et des bestioles les plus déconsidérées, sinon réprouvée. »
La prose de
Sylvie Germain est incontestablement belle, imagée, riche, pléthorique, exubérante. Elle passe très bien ici, parce que ce vocabulaire est au service d'une histoire, d'un sujet, d'un personnage. En revanche je ne suis pas certaine que dans un registre plus imaginaire, j'y sois plus perméable.
Cette écriture chargée, trop sans doute pour celles et ceux que la sobriété attire davantage, vaudra pour moi un usage parcimonieux pour continuer à apprécier à sa juste valeur cette plume singulière .
Lien :
http://leblogdemimipinson.bl..