Le monstre s'était réveillé ce soir. Il avait pris possession d'elle. Lui et Marianne avaient attendu plus de deux heures. Deux heures à le haïr. Sans une seul bonne raison. Mais pas besoin de raison. Cette souffrance intolérable qui la calcinait ; ces strates de peine, de haine, de douleur, de culpabilité. Empilées les unes sur les autres. Ca pesait des tonnes. Il lui fallait un coupable.
Un travail épuisant, ingrat, mal payé. Un travail où il aurait voulu être utile mais où il n'avait que tourné des clefs dans des serrures. [...] Une vie à l'ombre, jalonnée d'horreurs carcérales. Dans les entrailles pourries de la société, dans ces catacombes où personne ne voulait descendre. [...] Une vie au milieu des accidentés de la vie.
La mort n'est pas toujours le plus terrible des maux. La vie est souvent bien plus cruelle. Mais pour ceux qui restent, c'est la double peine.
- Tu vois Emma... Je suis un monstre. Rien qu'un monstre.
- Non... C'est faux. Je crois que... tu as mal et que tu n'as trouvé personne pour comprendre ta douleur. Je crois que tu as dû affronter des choses trop dures, trop longtemps. Ou trop tôt. Je crois que personne n'a su t'aimer à temps...
Perpète plus de dix ans. Ca n'a pas de sens ! Je n'ai qu'une vie pour expier mes crimes. Ils essaieront peut-être de me ressusciter pour que je fasse ces dix années supplémentaires !
Il y avait dans cette meuf, un truc noir qui bouffait toute la lumière.
Lui, ancien officier ; elle, femme au foyer qui astique l'argenterie deux fois par jour. Ils savent tout, possèdent toutes les réponses sans même accepter les questions. Leur bouche, une canalisation qui déverse les certitudes à gros débit. Leur esprit, une meurtrière. Arthrite de la colonne et du cerveau.
Ma liberté, ce sera avec toi. Ma liberté, ce sera toi.
Des années de taule, ça change un homme. Ça le transforme en monstre. Ça apprend la douleur. Puis l’indifférence.
Comment dire ? Un réflexe. Un truc qui commande mon cerveau. Qui m’ordonne de blesser. Faire mal pour évacuer sa propre souffrance.