Citations sur Dynamique du Chaos (68)
Il me semble alors que mon image dans la glace est indépendante, qu’il n’y a plus aucune connexion entre elle et mon corps. C’est très diffus, presque insaisissable, quelque chose comme une somme de petits détails. La respiration, le soulèvement de la cage thoracique, la contraction des maxillaires, le clignement des cils et un ensemble d’autres petits signes vitaux visibles qui semblent différents durant un court instant. Ça me frappe de plein fouet, avec violence, puis ce sentiment détestable se fige dans un trouble stationnaire.
Plus je cherche dans cette projection de quoi me rassurer, plus celle-ci se détache, s'émancipe.
Certains mouvements sont retardés, certains autres paraissent en avance, anticipés en quelque sorte, mais la plupart sont simplement déformés.
Ça se creuse.
C’est de pire en pire.
Le DJ se croit obligé de nous passer un titre de Diams.
"Laisse-moi kiffer la vibe avec mon Mec
J’suis pas d’humeur
A s’qu’on me prenne la tête…
J’ai des soucis donc s’il te plait arrête
Laisse-moi kiffer
La vibe avec ceux qu’j’aime."
Si elle pouvait kiffer la vibe en silence, je dois dire que ça m’arrangerait.
Nous voici, debout au centre du monde, bien au chaud dans nos manteaux d’égocentrisme. Noyés d’alcool et de drogues, perdus dans la masse intestinale de l’humanité, nous nous débattons en vain pour ne pas couler tout à fait. Nos désirs nous rongent de ne pouvoir être satisfaits, nos pulsions nous explosent à la gueule. Nous sommes des maux inutiles, des messagers muets et amnésiques. Des enveloppes de chair gonflées de néant, débordantes de souffrance. Et au fond, tout au fond, les âmes puantes et atrophiées hurlent de douleur, régurgitent leurs rêves prédigérés. Les plaintes parviennent à la surface. L’odeur aussi. Mais il y a ici assez de « Jean-Paul Gautier », de « Kenzo » et de tubes merdiques pour couvrir tout ça.
Nous sommes au cœur du Vide.
Je vomis vos images dans des brûlures atroces.
Voici le lien vers le teaser des éditions RING :
https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=262143047533007&id=100012119416653&ref=m_notif¬if_t=feedback_reaction_generic_tagged
Ce côté narcissique et égocentrique est typique de cette génération vide et creuse qu’est la mienne, la Génération Nada. Une belle tripotée de branleurs qui traînent et entretiennent la plus profonde médiocrité intellectuelle que le monde ait jamais connu depuis le Moyen Âge. Nombrilisme acharné, fanatique. Partisans du Moi suprême et souverain absolu. Complaisance dans l’ignorance et la facilité… Voici le tableau navrant de la nouvelle engeance qui vient prendre la relève.
« Tu vois, je pense que mon corps ne m’appartient pas. En fait, il est la propriété de l’espèce. Les mâles qui veulent s’en servir n’ont qu’à prouver leur virilité, pas besoin de plus. Je crois que je n’en ai jamais refusé l’accès à un mec s’il me l’a demandé avec assez de fermeté. Peu importe le physique, peu importe le mental et encore moins l’intelligence. Il suffit d’être un mâle et de me le prouver.
– Tu veux dire que tu ne cherches pas de relations un peu plus solides que le coup d’un soir ? Jamais ?
– J’ai pas dit ça. Quand je me suis donnée à un mec, je reste avec lui tant qu’il me démontre que c’est lui le mâle dominant. Si celui qui me baise sait me prouver qu’il est le maître, je ne chercherai jamais ailleurs.
– Et si tu croises un autre mec encore plus viril ? Tu laisses le tomber et tu te tires avec le nouveau ? »
Elle a un petit éclat de rire, vite noyé sous un regard adhérent et très sérieux.
« Oui… sans réfléchir. Sans la moindre hésitation. Face à un vrai mâle, je n’ai plus de libre arbitre. C’est la loi de l’espèce, darling ! Je vois pas pourquoi je chercherais à lutter.
– Et qu’est-ce que tu fais de l’amour ? je demande. Tu n’y crois pas du tout ?
– Mais c’est ça l’amour. »
[Dialogue entre Céline et Gys]
Même les personnes qui connaissent mon passé, qui ont été bouleversées, émues ou terrifiés par les parties que j’ai accepté de leur raconter, ainsi que les rares proches à presque tout connaître, ne parviennent pas supporter les démons qui vivent en moi et viennent régulièrement affleurer la surface, mon goût morbide et presque masochiste pour le noir et les ténèbres, ainsi que ma fragilité transformée en violence. Surtout, il y a le déploiement de ma souffrance qui peut apparaitre à tout instant, dans une absence soudaine, un regard fixé sur le vide, quelques mots trop clairs échappés de mon âme, un soupir venu des profondeurs, parfois des larmes dépourvue de tristesse, chargées d’une énergie beaucoup plus sombre.
Alors, si certains de mes proches lâchent prise régulièrement, qu’en est-il pour ceux qui ne savent rien de ma tragédie et dans l’intolérable supplice qui a commencé dès ma plus jeune enfance ? Une réaction naturelle pour les personnes qui ne connaissent pas l’abîme : le refus légitime d’y plonger les yeux.
Je suis donc jugé et condamné d’avance. Et je ne peux pas en vouloir à qui que ce soit : je porte sur moi et en moi les marques indélébiles de la souillure et de la dépravation.
[extrait de l'introduction de l'auteur au début de l'édition intégrale]
« Ce regard d’enfant m’agresse de toute sa pureté, d’autant plus qu’il mélange la crainte et la curiosité avec une candeur dégoûtante. Je me sens jugé par un ange, par l’innocence personnifiée. Mon âme crasseuse est mise à nu : honteuse, elle rampe au sol devant cette entité propre, immaculée. »