Citations sur La trilogie de Pan, tome 3 : Regain (129)
Ce matin, c'est le grand gel et le silence. C'est le silence, mais le vent n'est pas bien mort; il ondule encore un peu; il bat encore un peu de la queue contre le ciel dur. Il n'y a pas encore de soleil. Le ciel est vide; le ciel est tout gelé comme un linge étendu.
Il y a du feu chez Panturle. Il se lève au blanc de l'aube. Il est là, debout, devant l'âtre, à regarder les flammes bourrues qui galopent sur place à travers des ramées d'olivier sèches. Il prend le chaudron aux pommes de terre. De l'eau et des pommes de terre c'est, tout à la fois, la soupe, le fricot et le pain.
C'est une fontaine perdue et malheureuse. Elle n'est pas protégée. On l'a laissée comme ça en pleins champs découverts ; elle est faite d'un tuyau de canne , d'un corps de peupliers creux. Elle est toute seule. L'été, le soleil qui boit quand un âne, sèche son bassin en trois coups de museau ; le vent se lave les pieds sous le canon et gaspille toute l'eau dans la poussière. l'hiver, elle gèle jusqu'au cœur. Elle n'a pas de chance ; comme toute cette terre.
Le feu d'oliviers, c'est bon parce que ça prend vite mais c'est tout juste comme un poulain, ça danse en beauté sans penser au travail.
Ce matin, c'est le grand gel et le silence. Cest le silence, mais le vent n'est pas bien mort ; il ondule encore un peu de la queue contre le ciel dur. Il n'y a pas encore de soleil. Le ciel est vide ; le ciel est tout gelé comme un linge étendu.
Voilà : de Manosque à Vachères, c'est colline après colline, on monte d'un côté, on descend de l'autre, mais, chaque fois on descend un peu moins que ce qu'on a monté. Ainsi, peu à peu, la terre vous hausse sans faire semblant.
« Le Panturle est un homme énorme. On dirait un morceau de bois qui marche. Au gros de l’été, quand il se fait un couvre-nuque avec des feuilles de figuier, qu’il a les mains pleines d’herbe et qu’il se redresse, les bras écartés pour regarder la terre, c’est un arbre ».
Tu sais, l'orage couche le blé ; bon, une fois. Faut pas croire que la plante ça raisonne pas. Ça se dit : bon on va se renforcer, et, petit à petit, ça se durcit la tige et ça tient debout à la fin, malgré les orages. Ça s'est mis au pas. Mais, si tu vas chercher des choses de l'autre côté de la terre, mais si tu écoutes ces beaux messieurs avec les livres : "mettez de ci, mettez de ça : ah! ne faites pas ça. " En galère, voilà ce qui t'arrive!
Il est debout devant ses champs.Il a ses grands pantalons de velours brun, à côtes; il semble vêtu avec un morceau de ses labours. Les bras le long du corps, il ne bouge pas.Il a gagné : c'est fini.
Il est solidement enfoncé dans la terre comme une colonne.
Le vent entre dans son corsage comme chez lui. Il lui coule entre les seins, il lui descend sur le ventre comme une main ; il lui coule entre les cuisses ; il lui baigne toutes les cuisses, il la rafraîchit comme un bain. Elle a les reins et les hanches mouillées de vent.
Le vent éparpille de la rosée comme un poulain qui se vautre. Il fait jaillir des vols de moineaux qui nagent un moment entre les vagues du ciel, ivres, étourdis de cris, puis s’abattent comme des poignées de pierres