le personnage principal est ici sans nom et sans passé. On devine donc qu'il a un passé trouble mais cela paraît surtout symbolique. Est-il possible de continuer, de recommencer à vivre après la seconde guerre ? Pour quelqu'un ayant des choses à se reprocher ? Pour un pays ? Ici,
Giono montre d'une part que l'homme peut se retrouver lui-même, s'effacer, se diluer dans la nature, dans son amour pour la terre, pour la vie simple. Les hommes se retrouvent dans la lutte contre le froid, contre la faim… pour la survie. D'autre part, ce personnage protège celui du jeune, ce joueur qu'on pourrait croire perdu, parce que sans morale, sans amour, sans respect. Or, ce tricheur admirable, qui attire malgré son comportement, c'est la jeunesse salie qu'on peut aider, en dépit de tout, même contre elle-même.
Hormis cette portée symbolique, le roman se lit pour son esthétisation du pays au sens géologique concret du terme (par opposition à la nation abstraite). le régionalisme de
Giono ne fait pas l'éloge d'une région en particulier, mais de la vie des campagnes et des montagnes, qui s'oppose encore à la vie urbaine - le vagabond en viendrait-il ? - ... L'homme et sa vie y sont rudes mais aussi plus simples, plus humaines et attendrissantes. La neige qui fait perdre les chemins et fait rencontrer les gens dans le hasard, la montagne qui isole autant qu'elle rapproche, qui fait entendre le très loin, la sueur et le froid, les grands airs, la chaleur du four, les fenêtres qui abritent du grand vent, ces mains et corps qui bouent après avoir subi le froid… suggèrent une excitation des sens, presque une érotique. C'est encore les voix brutes des personnages, leur bon-vivant, leur caractère en roche, qui frappent toujours juste et rend le roman si agréable.
Roman du voyage sans bagages, de la liberté retrouvée, symbolisée par ce personnage qui a laissé son passé et qui respire fortement, goûtant de nouveau aux délices de la vie.
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