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« Ma méthode pour écrire c'est de tout essayer sur ma propre peau » (Vassili Golovanov)

Encore un auteur victime du syndrome du doigt, du doigt qui montre ou pas…. ou pas correctement.
En France il est présenté comme le « Nicolas Bouvier russe »Mais en Russie, Il était plus connu comme historien de l'anarchisme qu'il considère comme l'un des aspects éternels de l'existence humaine et de la résistance à la violence d'État.
En 2010, il publie un recueil d'essais intitulé « La résistance n'est pas inutile » consacré aux problèmes environnementaux, au réchauffement climatique, l'augmentation de l'agressivité, et d'une façon générale aux manières de penser et donc d'exister .Très loin de la façon de penser d'un russe ‘moyen'.
Et le livre ? Attention, chef d'oeuvre !
Tout commence par un rêve d'ile. Ce sera l'ile de Kolgouev dans la mer de Barents.
Pour fuir « Dors ou fais semblant de dormir…..on fuit toujours les mêmes choses : les espoirs non réalisés, le quotidien que tu as mis toi-même en place »et « J'ai définitivement compris que l'horreur vécue du communisme que nous avons revendiqué avec fierté à la face du monde, est horrible comme sont horribles les moeurs des prisons et des camps »
Sa première rencontre, un désastre : deux baraques, un chien qui aboie, des ivrognes qui titubent. Mais il reviendra car la vraie île est ailleurs.
Et ce sera l'ile des vents sauvages et glacés, des marécages, de la toundra, des fleuves incertains, des rennes : « le renne ne supporte pas l'homme et le craint : sans doute perçoit-il que l'homme n'est ni un animal, ni un oiseau, mais un Être ». Une nuit de marche dans la toundra du lever au coucher du soleil et les marches au bout d'une fatigue dépassant les bornes du « j'en peux plus ». « la culture d'aujourd'hui est faite de stimulants et d'anti dépresseurs, il lui manque la force.la force ne peut pas s'emprunter. Marcher à travers le libre espace effraie ».
L'ile d'un peuple aussi: les Nenets, un peuple recouvert des décombres de temps mythique.
Un jour : « du bateau, on leur cria :'' chez vous, c'est quoi, des blancs ou des rouges ? Il ne comprit pas, répondit : chez nous, on n'a pas ça—et vous qui êtes-vous ?qu'on lui cria encore. Il ne savait rien. »Nous, répondit-il, on vit ici avec les rennes »
Puis les désastres infligés par la civilisation industrielle et le communisme à cette terre et à ses hommes, dorénavant délaissées, déconsidérées ou tout s'échange contre une bouteille de vodka.
Pour dire une ile qui dérive, l'écriture vagabonde. Elle entremêle les voyages, géographiques ou voyages intérieurs.
On rencontre ; Les « raskolniki » les vieux croyants. le philosophe français René Guénon et son réquisitoire contre le monde moderne.
Blaise Pascal. Paris « ville repue, obtuse, insensible ». « Non j'ai l'impression que quelque chose se passe, qu'ils se foutent de tout »
La difficulté d'écrire : « je comprenais qu'une langue où ont été mises sur orbite des mots tel que 'conversion' ou 'convergence' ne me serait d'aucune utilité pour décrire la berge aux petites fleurs bleus, »
Plus qu'un récit, un poème et une célébration du vivant, à lire avec lenteur
……
"Je voudrais devenir autre chose
Qu'une tourbe au fond de ces marais.
Ne fut-ce qu'un bref souvenir
Ne fut-ce qu'un gribouillage au coin d'une facture..."


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Un petit dessin d'un troupeau de rennes, dans sa primalité animale, clôt ce livre extraordinaire.

Les critiques de Berni, Nina et les autres en ont déjà dit l'essentiel. Même le résumé de 4ème de couverture est à la hauteur. Je n'ai par contre rencontré aucune difficulté à suivre Vassili dans sa quête. La structure éclatée du récit, variant les points de vue, y compris de la part du narrateur lui-même, prenant parfois le partie de la désincarnation, par là faisant apparaitre la part formée dans l'inconscient; puis retournant au réel du récit via une forme épistolaire, tantôt naturaliste, se résolvant à la fin à regarder en face ce que cette société humaine est devenue, le plongeant dans l'effroi et la volonté de retour au rêve.
Quand la Forme épouse la nécessité du Fond.
Cette oeuvre existe car l'auteur nous convie à assister à toutes les étapes de sa création, une véritable épopée de "développement personnel", catégorie littéraire badgée sur Babelio, me donnant habituellement des frissons d'inconfort.
Une carte de l'île au début de l'ouvrage facilite le suivi. J'ai pensé au livre de @Jean-Paul Kauffmann sur Kerguelen: de nombreuses passerelles d'établissent tout au long du récit: Trevor-Battye faisant écho à Rallier du Baty, aux confins de la civilisation. Un autre grand voyage, vers ces terres dont personne, ou si peu, n'y dédient une pensée;
ces ailleurs géographiques dont seul le temps de la littérature est capable d'en animer l'essence.
Essentiel, donc.
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Pour ma part impossible de suivre l'écriture et l'imaginaire de l'auteur. Je ne suis pas parti avec lui en voyage!
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Il y a des livres qui se dévorent, il y en a d'autres qui se dégustent. Celui-là est de la seconde catégorie. Impossible de se précipiter : c'est beaucoup trop dense pour ça. Il y a déjà le style de l'auteur : de la vraie, de l'excellente littérature. On est très loin des phrases de type "sujet/verbe/complément" qui contentent de nos jours bien trop de lecteurs. Sans être tordu voire imbitable, c'est extrêmement bien écrit, ça se goûte avec lenteur et parcimonie. Et puis il y a le fond. Quel que soit votre sujet de prédilection, vous y trouverez votre compte : histoire, géographie, ethnologie, conte, botanique, zoologie ... Il y a absolument tout, là-dedans et bien plus.
A l'époque où, en Russie, l'ère soviétique vient de se casser la tronche, le journaliste Vassili Golovanov décide de réaliser un vieux rêve insensé : se rendre sur l'île arctique et ignorée de Kolgouïev, en pays Nenets. le genre d'endroits où il ne fait pas 5°C au coeur de l'été, le genre d'endroits oubliés du monde où les rares humains sont aussi rudes que le climat, où simplement survivre est un défi permanent.
Il y a bien longtemps que je n'avais pas lu quelque chose d'aussi bon, d'aussi surprenant et d'aussi enrichissant. Même si on n'a exploré avec l'auteur qu'un confetti sur la carte, on en ressort en se sentant beaucoup moins bête. On est à des années lumière des blogs de voyage niais, plus loin encore des récits de touristes. On se rapproche bien plus des récits de Nicolas Bouvier, le désenchantement russes en plus. C'est succulent, c'est à découvrir absolument.
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Eloge des voyages insensés est un récit qui nous amène aux contrées les plus extrêmes, que ce soit au sens propre ou au sens figuré. Vassili Golovanov nous amène à ce qu'on appelle le bout du bout du monde. Il est vrai que l'île polaire de Kolgouev paraît bien loin, aux antipodes à tous points de vue. Cette terre paraît belle vue de loin et abimée plus on s'en rapproche. Abimée par les hommes, le progrès, l'alcool, le communisme qui y est passé par là durant de nombreuses années.
C'est un livre rare, pas forcément facile d'accès tout comme cette terre des rêves, de l'oubli et de la fuite, dont il est question ici.
C'est un livre au confins de tout, un peu comme l'île qui est au coeur de ce récit.
C'est une île isolée. Elle couvre 5 000 km2 dans la mer de Barents, côté russe, elle est éloignée de tout et on s'en rend vite compte lorsqu'on tente de la chercher sur une carte. Voilà pour le décor.
C'est un récit de voyage, puissant, envoûtant, vertigineux, sombre et lumineux en même temps.
La prose est belle, lyrique et baroque. Au début, on ne sait pas trop où on va sur cette île mystérieuse, on avance avec la narrateur qui est perdu un peu comme nous.
C'est un morceau de terre à la dérive, où vivent et peut-être survivent quelques centaines d'habitants, descendants de chasseurs de rennes.
L'idée d'une île est merveilleuse, romanesque, elle crée l'enchantement, le rêve de partir ailleurs. Les îles sont des rêves en partance, des morceaux de terre qui se détachent de nous-mêmes, pour partir à la dérive. Nous tendons les mains comme pour comme retenir cette île qui est une barque qui file, tenter de l'arrimer et puis s'y jeter au dernier moment, vers ce voyage improbable...
Vassili Golovanov est un journaliste et l'île de Kolgouev devient peu à peu un territoire d'investigation. Pourquoi ? Sans doute parce qu'un rêve d'enfant sommeille encore dans le coeur de cet homme. Nous sommes au début des années 90, autant dire que nous sommes dans le début de l'effondrement du régime soviétique.
Les paysages semblent immenses sur ce petit territoire, donnent parfois l'impression que le narrateur est happé par cette immensité.
C'est une île désolée.
Le récit est sans doute décousu, nous ne savons où nous cheminons, quel est le fil qui nous mène et d'ailleurs où nous mène-t-il vraiment ? Le narrateur tâtonne sur cette île, il s'y reprend à plusieurs fois. Parfois j'ai eu l'impression de marcher dans une nuit immense, septentrionale, sans fin.
C'est une île désirée.
Au fur et à mesure que le narrateur découvre l'île, s'engage en elle, un contraste étonnant nous saisit entre les couleurs merveilleuses qui enrobent les paysages et les déchirements d'une population en lambeaux. Il y a des personnages attachants, violents, désoeuvrés.
C'est une île insensée.
Ou bien c'est le voyage qui lui donne cet aspect. Il y a plusieurs voyages. Il faut plusieurs voyages pour visiter cette île hostile, faite de terre, de toundra et de sable.
Il y a une humanité qui se dégage dans ce voyages entre les rires et les fables des insulaires et c'est beau.
C'est une lumière, la seule lumière qui permet de pousser la barque vers l'autre rivage...
J'ai beaucoup aimé ce récit de voyage. Il m'a emporté dans une île dont la géographie s'est peut-être mélangée durant quelques pages à l'imaginaire d'un journaliste poète. N'est-ce pas le propre d'un étonnant voyageur ?
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Ce livre m'avait été chaleureusement recommandé par Pierre Landry, à Tulle, et je viens d'apprendre que Pierre Landry est mort le 15 juin 2018. A l'époque, de passage à Tulle, j'avais été attirée par un paperboard disposé ostensiblement en vitrine, et sur lequel le libraire nous livrait tout le bien qu'il pensait de ce livre. Quand j'en avais parlé avec lui, il disait qu'il ne lirait plus que ce livre. Que tout était dans ce livre.
Aujourd'hui je voudrais rendre hommage à Pierre Landry sans lequel je serais sans doute passée à côté de cet exceptionnel livre de Vassili Golovanov. Je recopie une citation de Pierre Landry, extrait d'un article consacré au livre dans La Croix le 19.04.12 :
« C'est un livre auquel on dit souvent merci», confie le libraire Pierre Landry qui, dans sa boutique de Tulle, Préférences, en a vendu plusieurs centaines et vivrait comme un déshonneur qu'un seul fut envoyé au pilon. Au total, affirme-t-on chez Verdier, Éloge des voyages insensés a trouvé près de 10 000 acheteurs, grâce à l'engagement de découvreurs passionnés et au bouche à oreille. Résultat d'autant plus étonnant que, en quatre ans, très peu d'articles lui ont été consacrés dans la presse ou sur Internet. "
Il est des moments que l'on se rappelle sa vie entière ; merci à Pierre Landry.
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Quand je repense à ce livre, je me retrouve, instantanément, transporté dans ce paysage blanc, immaculé, entouré de milliers de rennes. Je sens déjà le souffle de cette brise, fraîche et saisissante. J'entends au loin les chants nénets se rapprocher. Je plonge mes mains dans la neige et je sens sous mes doigts la texture spongieuse du lichen. Dès lors je me souviens de l'île de Kolgouev, monde perdu au bout du Monde. Aussitôt, j'éprouve la nostalgie de ce bout de terre prisonnier des glaces polaires.

Pour entrer dans ce livre, il faut accepter de lâcher prise, de tout oublier. Il faut s'abandonner à l'auteur et à son obsession documentaire. Véritable travail ethnographique, la description des moindres détails de cet univers brut nous laisse une image empreinte d'un réalisme saisissant où rêves et cauchemars se rencontrent, parfois avec violence, où faits historiques et folkloriques s'entremêlent, fusionnent, nous enivrent de ce récit onirique.

Ce livre n'en est pas un, c'est un voyage. On a beau le refermer entre deux lectures, on reste malgré tout absorbé par l'immensité du Nord. Un voyage intérieur, spirituel, une quête de soi.
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L'ouvrage est assez éloigné du roman d'aventures et sa lecture demande une certaine concentration, d'autant plus que, dans un style poche de la prose poétique, il s'interroge sur de nombreux sujets abstraits. de plus, ses transitions sont parfois assez floues et il peut passer du coq à l'âne en un claquement de doigts. Une seconde d'inattention suffirait pour que vous perdiez le fil de ses pensées, ce qui serait d'autant plus regrettable qu'elles sont souvent aussi pertinentes qu'enlevées.
L'article complet sur mon blog.
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Un livre sur le voyage qui ne laisse pas indifférent, tant le style, le récit, les envolées littéraires sont hors du commun.
C'est une lecture exigeante, qui demande une concentration toute particulière. C'est une lecture poétique, qui se laisse apprivoiser, si l'on accepte de se laisser porter. C'est une lecture en forme de tourbillon, qui sait nous faire perdre le fil pour mieux le retrouver.
Certains passages descriptifs sont magiques. Rarement des paysages hivernaux me seront apparus aussi pleinement par la lecture. le lecteur est emporté dans les méandres du moi intérieur de l'auteur, qui nous livrent par circonvolutions ses pensées, ses réflexions...
A découvrir avec patience, distance et implication.
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Le narrateur, qui semble être l'auteur du livre, a la sensation de s'être perdu lui-même quelque part. Alors pour se retrouver, pour redonner sens aux choses, il décide faire un voyage. Mais pas n'importe lequel, car depuis la chute du mur de Berlin, dit-il, nous n'avons plus d'ailleurs. Donc il se trouve cet ailleurs dans le grand nord, et il prend les contours d'une île, d'île de Kolgouev. Ce voyage plus nécessaire que la vie, nécessaire à la vie, il s'y prépare longtemps à l'avance, dans l'espace de l'imaginaire et du rêve.
C'est la première partie du livre, Livre des rêves. Dans la deuxième partie, Livre de la fuite, nous découvrons le Fugitif, qui est l'auteur toujours l'auteur, enfin un de ses avatars, et nous découvrons qu'il a déjà fait une approche de l'île, lors d'un voyage dans le nord, qui passait entre autres par les Sokolovki. Mais le Fugitif n'était pas encore prêt à vivre vraiment cette expérience, il n'a fait que l'effleurer, mais il lui est resté à jamais l'envie de la vivre enfin avant qu'il ne soit trop tard. Il va donc préparer son expédition vers les Montagnes Bleues, se trouver un compagnon pour partager le voyage. le livre de l'expédition raconte en principe le voyage, mais en fait en laissant beaucoup de choses dans l'ombre, et raconte aussi d'autres voyages, d'autres voyageurs, qui ont exploré l'île précédemment. Enfin, Livre des destins, parle de l'après, et même d'un retour sur l'île à la recherche des mythiques Siirts.

Mais tout cela se télescope, le présent est enchevêtré avec le futur, nous ne sommes jamais uniquement dans un seul lieu, à un seul moment. L'auteur se laisse aller à nous conter une anecdote, un bout de souvenir, qui en entraîne un autre, puis un autre, sans que pour autant il nous donne l'impression d'être perdu, il sait où il veut nous amener, et il doit nous perdre pour que l'on puisse se retrouver.

C'est un voyage initiatique, le voyage des rêves perdues et retrouvés. Mais il nous montre aussi de façon très crue et réaliste la misère, un monde en ruines, la traditionnelles société des Nénets, déstructurée par le régime socialiste, les vieilles coutumes et façon de vivre abandonnées au profits d'une société où tout leur était finalement donné sans grand effort, et lorsque l'économie s'est effondré, la misère noire et le manque totale de perspective, des gens oubliés au bout du monde, entièrement dépendant des produits venant de l'extérieur, qui se sont mis à ne plus venir.

Un beau livre, par moment un peu trop lyrique et peut être trop pensé à mon goût pour être complètement enivrant, mais tel avec ses petites imperfections, il m'a fait passé un excellent moment de lecture. Etrangement, c'est l'avant et l'après qui sont les plus intéressants et touchants, comme s'il n'était pas vraiment possible de partager le pendant, celui-ci il faut le vivre, il reste indicible.
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