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Citations sur En lisant en écrivant (43)

Médiocre valeur du coup d’œil rétrospectif que l’écrivain jette sur ses livres : leur contenu, trop remâché en cours de confection, ne lui est plus de rien ; s’aiguise au contraire chez lui exagérément au fil des années la sensibilité aux mutations de la forme (" Je n’écrirais plus ainsi aujourd’hui "). Tous les signes de mûrissement, ou de vieillissement, qu’apporte un simple intervalle de quelques années, sont perçus, enregistrés par lui avec une subtilité en alerte.
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De même qu’on ne se fait plus guère de nouveaux amis,
après quarante ans, de même, passé cet age, on n’a plus dans
le «monde des lettres «de cousinage familier, de conversation
soutenue et de dialogue vrai avec les ouvrages, même admirés,
des générations qui vous suivent. Une famille ainsi s’éteint peu à peu autour de vous, qui n’excluait certes pas, comme toute
famille, les mésententes intimes et les brouilles à vie, mais qui,
ainsi que l’aïeul voisine au foyer avec le petit-fils, englobait avec
la vôtre les deux générations précédentes Seulement, en matière de filiation artistique, les relations affectives semblent à
sens unique : elles vont plutôt en remontant, des descendants
vers les ascendants. Ce qui est venu après la génération qui etait
la mienne, je peux le comprendre, et même vraiment m’y intéresser. Mais il y a une différence d’âge qui interdit en art à l’aîné
les transports de l’intime ferveur, tout comme elle ferme dans la
vie – en sens inverse, il est vrai – la perspective amoureuse.
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Voulez vous dire "il pleut"? Dites "il pleut".
Même si c'est pour une seconde averse.
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"Le sujet". Je suis déconcerté, quand je lis leurs propos, leurs journaux, leurs carnets, leur correspondance, de ne retrouver chez presque aucun écrivain la préoccupation de ce problème. On dirait que les sujets de leurs livres leur viennent plutôt continûment – l'un chassant l'autre sitôt la réalisation achevée – sans leur donner plus de souci que semblent s'en faire les peintres pour les motifs de leurs tableaux. Alors que pour moi l'enclenchement brusque d'une idée – ou plutôt d'un sentiment – sur la perspective d'un livre a été chaque fois un événement aussi improbable, aussi imprévisible que le coup de foudre amoureux.
Tout se passe comme s'il existait, accumulée périodiquement chez l'écrivain, une richesse romanesque non monnayée, à laquelle rien ne permettra d'avoir cours, rien ne prêtera forme et aloi, rien ne donnera issue, sinon le miracle surgi du hasard – quand il surgit – d'une sorte de "modèle réduit", à la fois simple et éminemment expressif, capable de tenir dans le creux de la main, et pourtant prometteur d'une infinie capacité d'expansion, pareil au cristal ténu,qui, par son simple contact, fait cristalliser à son image parente toute une solution sursaturée. Je ne sais s'il existe des recettes pour mettre la main sur un pareil sésame – qui, bien entendu, ne peut vous ouvrir qu'une fois la cave de vos propres trésors – en ce qui me concerne, je n'en possède pas, et c'est une des raisons qui font que j'ai écrit si peu de livres.

[Julien GRACQ, "En lisant en écrivant", Librairie José Corti, 1980 – page 134]
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[à propos de La Recherche du temps perdu]
L'enchaînement chronologique - du moins jusqu'à la coupure de 14, où la coulée du temps brusquement s'accélère, - reste des plus vagues. En fait, cet écoulement temporel (ainsi, dit-on, l'espace einsteinien se distend en fonction de son peuplement par la matière) semble chez Proust dépendre directement de la densité de la substance romanesque qu'il charrie: rapide quand le récit se démeuble, englué et presque arrêté quand il se sature d'un magma de réflexions, d'impressions, de souvenirs, au point de s'engorger et de donner l'impression, tant il s'est chargé d'un excès d'éléments en dissolution, qu'il va prendre d'un moment à l'autre comme une gelée.
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Ce que les personnages laissent pressentir, ce vers quoi on devine qu'ils sont en marche, compte infiniment plus que ce qu'ils sont.
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[la lecture d'un roman] est une expérience non utilisable.
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La politique dans Le Rouge et le Noir. J'aime qu'aucun nom inventé n'y soit clairement traduisible pour l'historien (encore que plus d'une fois, à propos de la conspiration, il en vienne un sur le bout de la langue). Mon principe s'en trouve confirmé: dans la fiction, tout doit être fictif: Stendhal réussit même à éviter le nom du monarque régnant. Un personnage de roman, aussi vivant qu'il soit, si on le confronte dans une scène à une figure historique véritable, y perd instantanément souplesse et liberté, parce qu'il vient s'articuler brusquement à un point fixé isolé : pour un moment, ce n'est plus qu'un manteau pendu à une patère.
(...)
Objection qui ne porte en rien, d'ailleurs, contre le roman historique, où ce sont les personnages authentiques qui, du seul fait d'être devenus majoritaires, se trouvent automatiquement fictifiés, et dans Les Trois Mousquetaires tout comme dans Guerre et Paix.
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En littérature, comme en politique, les moyens subvertissent immanquablement les fins.
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Un calcul, même très approximatif, du nombre d’heures
dont nous avons disposé au cours de notre vie pour la lecture,
nous prouve que nous avons en réalité lu sensiblement moins
de livres que nous ne le croyons. Nous n’avons pas eu le temps
matériel de lire tous les livres que nous pensons avoir lus.
Mais les livres que nous avons lus sont bien loin d’être les seuls
éléments de notre culture livresque. Comptent aussi, parfois
presque autant, ceux dont nous avons entendu parler, d’une
manière qui nous a fait dresser l’oreille (l’oreille interne), ceux
dont un passage cité ailleurs isolément a éveillé en nous des
échos précis, ou dont la mitoyenneté avec des ouvrages déjà
connus de nous a permis au moins l’étiquetage. Ceux dont nous
ne connaissons guère que le titre et le sens général, mais qui, dessinés en creux par les frontières des livres connexes, figurent
pourtant, dans notre répertoire livresque, comme références
utilisables.
Cette culture accrue par enjambements, par recoupements
et par contamination, est peut-être la vraie culture livresque.
Le livre est contagieux. La masse des livres déjà connus confère
une demi-réalité maniable aux livres non lus encore qu’elle
cerne et fait pressentir. Ainsi, à partir d’un certain acquis, la
culture livresque, alors que la lecture ne suit qu’une progression arithmétique, peut se développer de manière presque exponentielle par une méthode qui n’est pas sans analogie avec la
solution d’un puzzle, et que les polyglottes expérimentent tous
pratiquement pour l’acquisition de nouvelles langues. Pour
s’enrichir pleinement par la lecture, il ne suffit pas de lire, il faut
savoir s’introduire dans la société des livres, qui nous font alors
profiter de toutes leurs relations, et nous présentent à elles de
proche en proche à l’infini. Une preuve a contrario en est fournie par l’autodidacte de La Nausée.
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