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Citations sur Liberté grande (10)

Le vent froid de la nuit

Je l'attendais le soir dans les pavillons de chasse près de la Rivière Morte. Les sapins dans le vent hasardeux de la nuit secouaient des froissements de suaire et des craquements d'incendie. La nuit noire était doublée de gel, comme le satin blanc sous un habit de soirée, — au-dehors, — des mains frisées couraient de toutes parts sur la neige. Les murs étaient de grands rideaux sombres, et sur les steppes de neige des nappes blanches, à perte de vue, comme des feux se décollent des étangs gelés, se levait la lumière mystique des bougies. J'étais le roi d'un peuple de forêts bleues, comme un pèlerinage avec ses bannières se range immobile sur les bords d'un lac de glace. Au plafond de la caverne bougeait par instants, immobile comme la moire d'une étoffe, le cyclone des pensées noires. En habit de soirée, accoudé à la cheminée et maniant un revolver dans un geste de théâtre, j'interrogeais par désœuvrement l'eau verte et dormante de ces glaces très anciennes ; une rafale plus forte parfois l'embuait d'une sueur fine comme celle des carafes, mais j'émergeais de nouveau, spectral et fixe, comme un marié sur la plaque du photographe qui se dégage des remous de plantes vertes.
Ah ! les heures creuses de la nuit, pareilles à un qui voyage sur les os légers et pneumatiques d'un rapide, — mais soudain elle était là, assise toute droite dans ses longues étoffes blanches.


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Vergiss mein nicht
.... ou bien dans la chambre où tu t'endors, où soudain tout me déserte et t'oriente selon les mystérieux indices du prochain matin, tu coules au milieu de tes rêves dans l'enivrement d'être si seule, et travaille avec délices pour les voleurs de nuit toute une ruche de mauvaises abeilles.
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Ta main qui me tend les colchiques de l'automne
(Aubrac)
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AUBRAC

Il faut si peu pour vivre ici. De ce balcon où penche la montagne à l´heure où le soleil est plus jaune, il ne reste plus à choisir qu´à droite la banquette où l´herbe noircit sous les châtaigniers, à gauche la Viadène au loin déjà toute bleue. A mi-pente, la journée respire. De cette galerie ample et couverte où glisse la route de gravier rose au-dessus du Causse gris-perdrix, on voit mûrir très bas les ombres longues dans la lumière couleur de prune. Tout commande de faire halte à ce reposoir encore tempéré où la terre penche, pour respirer l´air luxueux de parc arrosé, la journée qui s´engrange dans les rais du miel et la chaleur de l´ambre, jusqu´à ce que l´œil gorgé revienne à la route rose qui monte sous le soleil avant de tourner dans l´ombre d´un bois de sapins, et que ta main déjà fraîchisse avec le soir - ta main qui laisse filtrer le bruit plus clair du torrent, ta main qui me tend les colchiques de l´automne.

Nous monterons plus haut. Là où plus haut que tous les arbres, la terre nappée de basalte hausse et déplisse dans l´air bleu une paume immensément vide, à l´heure plus froide où tes pieds nus s´enfonceront dans la fourrure respirante, où tes cheveux secoueront dans le vent criblé d´étoiles l´odeur du foin sauvage, pendant que nous marcherons ainsi sur la mer vers le phare de lave noire par la terre nue comme une jument
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De grands paysages secrets, intimes comme le rêve, sans cesse tournoyaient et se volatilisaient sur elle comme l’encens léger des nuages sur la flèche incandescente d’une cime. Sa venue était pareille à la face de lumière d’une forêt contemplée d’une tour, au soleil qu’exténuent les brouillards d’une côte pluvieuse, au chant fortifiant de la trompette sur les places agrandies du matin. Près d’elle j’ai rêvé parfois d’un cavalier barbare, au bonnet pointu, à califourchon sur son cheval nain comme sur une raide chaise d’église, tout seul et minuscule d’un trot de jouet mécanique à travers les steppes de la Mongolie —et d’autres fois c’était quelque vieil empereur bulgaroctone, pareil à une chasse parcheminée entrant dans Sainte-Sophie pour les actions de grâces, pendant que sous l’herbe des siècles sombre le pavé couleur d’os de Byzance et que l’orgasme surhumain des trompettes tétanise le soleil couchant.
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Aubrac

Il faut si peut pour vivre ici. De ce balcon où penche la montagne à l'heure ou le soleil est plus jaune, il ne reste plus à choisir qu'à droite la banquette ou l'herbe noircit sous les châtaigniers, à gauche la Viadène au loin déjà toute bleue. A mi-pente, la journée respire. De cette galerie ample et couverte où glisse la route de gravier rose au-dessus du Causse gris-perdrix, on voit mûrir très bas les ombres longues dans la lumière couleur de prune. Tout commande de faire halte à ce reposoir encore tempéré où la terre penche, pour respirer l'air luxueux de parc arrosé, la journée qui s'engrange dans les rais du miel et la chaleur de l'ambre, jusqu'à ce que l'oeil gorgé revienne à la route rose qui monte sous le soleil avant de tourner dans l'ombre d'un bois de sapin, et que ta main déjà fraîchisse avec le soir-ta main qui laisse filtrer le bruit plus clair du torrent, ta main qui me tend les colchiques de l'automne.

Nous monterons plus haut. Là où plus haut que tous les arbres, la terre nappée de basalte hausse et déplisse dans l'air bleu un paume immensément vide, à l'heure plus froide où tes pieds nus s'enfonceront dans la fourrure respirante, où tes cheveux secoueront dans le vent criblé d'étoiles l'odeur du foin sauvage, pendant que nous marcherons ainsi que sur la mer vers le phare de lave noire par la terre nue comme une jument.





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Aubrac
Une attraction sans violence, mais difficilement résistible me ramène d’année en année, encore et encore, vers les hautes surfaces nues, basaltes ou calcaires du centre et du sud du massif : l’Aubrac, le Cézallier, les planèzes, les causses. Tout ce qui subsiste d’intégralement exotique dans le paysage français me semble toujours se cantonner là : c’est comme un morceau de continent chauve et brusquement exondé qui ferait surface au-dessus des sempiternelles campagnes bocagères qui sont la banalité de notre terroir. Tonsures sacramentelles, austères, dans notre chevelu arborescent si continu, images d’un dépouillement presque spiritualisé du paysage, qui mêlent indissolublement, à l’usage du promeneur, sentiment d’altitude et sentiment d’élévation.
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Croix de basalte monolithiques de l’Aubrac, grossières, presque informes, à la tête et aux bras très courts, plantées de guingois sur un simple entassement de blocs de lave et qui semblent l’ébauche d’un trait d’union entre le monde mégalithique et le monde chrétien.
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Un déjeuner de pain gris sur lequel la mer fait le bruit des larmes
(La vie de voyage)
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Les beaux galets font un chemin de plaisir
(Le jardin engourdi)
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