Enfin, les héros, pas vraiment... Certes ces grands hommes hantent chacune des pages de ce livre qui s'étend de 1868, date à laquelle le narrateur aperçoit pour la première fois Monet peignant sur une plage d'Etretat, à 1926, qui est celle de la mort du grand impressionniste. Mais les véritables protagonistes de cette histoire sont des personnages de pure fiction. le narrateur est un homme très attaché à sa Normandie natale, un homme ordinaire, qui, sur ses vieux jours, retrace le fil de sa vie. Or, la Normandie ayant été en cette seconde moitié du siècle une véritable source d'inspiration, voire une terre d'élection pour de nombreux artistes, il eut la chance d'en rencontrer ou d'en croiser certains.
Erigeant Monet en figure tutélaire de son roman,
Patrick Grainville peint une vaste fresque dans laquelle il évoque aussi bien les mouvements artistiques et leurs chefs de file que les événements politiques et historiques qui bouleversèrent alors la société française et le monde, de la Commune de Paris à la Grande Guerre, en passant par l'Affaire Dreyfus.
L'originalité de ce roman réside dans le point de vue adopté par l'auteur. La restitution des événements se fait en effet par le prisme exclusif des intellectuels et des artistes, à travers les positions qu'ils adoptèrent, les propos qu'ils tinrent dans des courriers privés, des articles de presse ou tels qu'ils furent rapportés par d'autres grands protagonistes.
Le livre restitue parfaitement les débats idéologiques qui partageaient, voire fracturèrent la société, et qui agitaient également le monde de l'art. Ainsi Grainville nous dépeint-il Courbet «le révolutionnaire du Creusot et du marigot communard» comme un «rigoureux conserva[teur] de style (...) alors que Monet, républicain tempéré et douillet (...) est sans doute radicalement révolutionnaire en peinture». Grainville rappelle les amitiés et les affinités qui rassemblaient les uns, tandis que querelles et franches oppositions divisaient les autres (quand il ne s'agissait pas des mêmes qui s'étripèrent après s'être apporté un soutien mutuel !).
Pourtant, malgré le plaisir que j'avais de me replonger dans cette époque de grand bouillonnement intellectuel et artistique, j'avoue m'être parfois un peu ennuyée. Si les personnalités qui forment le fond de cette histoire sont passionnants, les héros du roman, eux, le sont nettement moins, et les suivre sur quelque 640 pages s'est parfois révélé un peu poussif... Si le récit ne manque pas de cohérence, il m'est néanmoins apparu un peu plat et aura manqué pour moi d'une intrigue solide pour capter efficacement mon attention et me faire vibrer.
Une lecture en demi-teinte, donc, que j'aurais aimée plus passionnée... à l'image de celles que m'offrirent les grands écrivains qui traversent ce roman.
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