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sur 189 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Bon, c'est du lourd. Une fresque à la jointure de deux mondes, la fin du XIXº, le début du XXº, avec comme fil conducteur l'art, la peinture et comme lieu emblématique la Normandie, plus précisément les falaises d'Etretat.
En fait, malgré quelques fulgurances et une chronique impeccable de la guerre 14-18, ce roman représente assez bien ce qui m'insupporte, la littérature feuille-de-route.
Je crois que Proust a fait une métaphore là-dessus, en décrivant ces fleurs japonaises qui de bouton sec et rabougri éclosent au contact de l'eau. Un (bon) roman c'est ça : le projet de départ s'est métamorphosé en un truc pas complètement prévu, bousculé par les mots toujours plus connotés qu'on ne le croit, l'inconscient jamais assez bridé et ce relou de lecteur capable de voir des trucs que l'auteur n'avait pas mis et qui y sont pourtant.
Un roman feuille-de-route, c'est l'inverse: l'auteur part de la fleur déployée parce que c'est celle-là qu'il a en tête et pas une autre et il la rentre à grands coups d'écrabouillages dans le bouton d'origine pour que le projet et l'oeuvre finale soient identiques comme si le romancier était un maître d'oeuvre consciencieux arc-bouté sur son devis.
Le résultat est une oeuvre laborieuse, aux effets soulignés à grands traits, sans espace de liberté.
Par exemple, le narrateur n'existe pas. Il n'a pas de vie propre. Il n'est là que pour servir les plans de l'auteur. Il naît en 1847 pour pouvoir évoquer la guerre de 1870. Il passe son temps à se promener sur les plages, ce qui lui permet de rencontrer Monet à dates fixes, ce grand dadais ne va qu'une seule fois au bordel, c'est pour y croiser Maupassant, il fournit moult détails de ses exploits sexuels, c'est pour mieux évoquer Courbet et l'origine du monde, sa voix s'exalte à décrire les Meules de Monet en un pastiche des Illuminations, tiens c'est Rimbaud qui se radine, il déteste son père, il est vrai que Freud a découvert l'inconscient en 1900...
Et pour être sûr que le lecteur a bien compris qu'il s'agit pour Grainville d'exalter l'art de la Belle Époque, le roman multiplie les citations, les pastiches, les connotations, les références, les clins d'oeil appuyés et l'entre soi. Il faut dire, et ça c'est drôle, que le narrateur s'apelle Guillemet. La description d'une plage ? C'est « Pierre et Jean » De Maupassant. Un accouchement bien saignant ? Piqué à Zola. Une phrase réunissant éventail, miroir et cygne (« effleuré par un éventail, reflété dans un miroir, vacillant, vieux cygne incliné, raffiné que peignit, jadis, Manet »), on tourne la page en soupirant : bien sûr, le narrateur croise Mallarmé. Un cattleya surgit au détour d'une phrase, pas de surprise, c'est bien Proust qui vient faire coucou. On se croirait dans les quizz culturels du Nouvel Obs d'été.
L'histoire parfois pose problème. Bien sûr, l'affaire Dreyfus c'est du nanan: Zola peut débarquer en majesté. La Commune aussi est facile à caser: il suffit de faire la liste des artistes qui l'ont défendue et de ceux qui l'ont honnie. Mais pour rester dans le thème jusqu'au bout, quelques acrobaties sont souvent nécessaires. Comment relier la catastrophe de Courrière et les peintres impressionnistes ? Fastoche: « Le feu. Pendant des jours et des jours, sans repères, sans le soleil levant, sans le couchant, sans aube. le plein air de Boudin, de Monet, tu parles ! » L'éruption du Vésuve , quelques mois après, peut-elle trouver sa place dans cette évocation de la peinture au tournant du siècle ? Grainville ne recule devant rien : « C'est un Vésuve de couleurs que font jaillir les nouveaux trublions de l'art, les fauves ». Blériot traverse la Manche ? « Impression, soleil levant : à ma montre, il est 4 h 30. le moteur est en marche. Blériot lance : « Lâchez !  » . Un navire est coulé par un sous-marin allemand ? « Ainsi, nos eaux sont hantées par la présence allemande, son ubiquité. La Vague de Courbet masque les torpilleurs ». Lindbergh vole au-dessus de l'Atlantique? de Lindbergh à Monet, il n'y a qu'un pas: « Plus au nord, l'océan encore et toujours, semé de glaçons bleus et roses, de nénuphars de porcelaine immaculée »... Etc.
Ce matraquage systématique est pourtant loin de nous raconter l'époque. Les faits sont là, les personnages historiques aussi, mais leur intimité est celle de nos contemporains. le narrateur gifle sa maîtresse qui l'accuse d'avoir violé des kabyles. Mais on est au XIXº! Y'avait pas de hashtag « Balance ton porc »! Quelle femme en voulait à un homme d'avoir lutiné une Indigène ? Quel homme se sentait humilié d'être ainsi accusé ? Ou bien, on se retrouve à lire des affres de nouveau père: « Je dus m'avouer que je n'étais pas tout à fait sur la bonne voie. Je m'étais aperçu qu'en cas d'angoisse Charlotte rejoignait toujours les bras de sa mère. de ce donjon, elle me regardait et me repoussait d'un geste d'une grande injustice. Aline me disait avec douceur que je ne pouvais pas tout à fait être un compagnon de jeu d'égal à égal et détenir l'autorité d'un père. ». Crédibilité zéro, Aldo Naouri, sors de ce texte!
Et je passe sur les évidences assénées d'un ton pénétré (« L'homme aime la guerre, Charlotte ») ou les capacités divinatoires des personnages (genre demain les postiers n'existeront plus ou bien l'Allemagne va vouloir se venger et déclenchera une nouvelle guerre).
Quant au style... oui, c'est vrai que parfois il nous emporte. D'autre fois (assez souvent) j'ai baillé. Et de temps en temps, je me suis demandée si Grainville atteignait le sublime ou s'il barbotait dans le pur grotesque: « un gros grain de beauté sombre tel le caca d'un cake planté dans le pli des seins… » ou alors c'est qu'il ne s'est pas relu (et je le comprends: une fois suffit): « La Manneporte n'a pas le maniérisme gothique de l'Aval. Elle n'est pas une métaphore. Elle ne rampe pas comme la porte d'Amont biscornue. La Manneporte se carre, plein cadre. Large et trapue. Campée sur son châssis tellurique. C'est une basilique. » Ah ben non, Patrick, si l'arche d'Etretat n'est pas une métaphore, elle ne risque pas d'être une basilique.
Maintenant, je suppose qu'en cas de vacances sur la côte d'Albatre, c'est une lecture qui se tente. Ou pas.










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Ou comment un livre qui possède tous les ingrédients pour me plaire se révèle finalement plutôt ennuyeux et décevant… L'époque (dernière moitié du 19ème siècle et début du 20ème), le thème (les peintres, l'art, la passion…), les lieux (Etretat, la Normandie, les paysages immortalisés par Monet, Courbet, Pissaro…), tout conspirait à me faire acheter ce livre, y compris la magnifique illustration choisie pour sa couverture (Terrasse à Sainte-Adresse de Claude Monet, toile peinte en 1867). Et puis ça commençait bien avec ce superbe incipit : « Jadis, j'ai embarqué sur la mer un jeune homme qui devint éternel ».

Alors, que s'est-il passé ? Rien de désagréable à vrai dire. L'auteur met en scène un narrateur, Charles, qui entreprend de raconter sa vie, une vie passée en Normandie, notamment à Etretat. Revenu blessé d'Algérie dans les années 1860, il accepte la proposition de son oncle de s'occuper de ses différentes propriétés normandes et mène une vie assez oisive, ne se lassant de contempler les magnifiques paysages offerts par les falaises, y compris depuis la mer sur laquelle il navigue avec son petit voilier. Il est bientôt fasciné par les peintres et les personnalités qui se succèdent dans la région, Monet, Courbet, Boudin mais également Maupassant, Flaubert et Hugo. La liaison qu'il entretient avec Mathilde, une femme plus âgée que lui, mariée et habituée au grand monde parisien contribue à forger sa culture et à lui ouvrir des horizons artistiques. Plus tard, ce sera Anna, la belle-fille de Mathilde qui prendra le relai. En 1927, au crépuscule de sa vie, Charles a vécu les belles années de transformation dans tous les domaines artistiques, architecturaux, industriels et économiques mais également deux guerres meurtrières alors qu'une autre se profile mais qu'on n'en connait pas encore les monstruosités à venir.

Je crois que le manque d'intrigue est venu à bout de mon intérêt premier. J'ai commencé par être agacée par cette concentration de célébrités, cette impression de « name-dropping » qui laisserait penser qu'il n'y avait pas d'autres promeneurs à Etretat que des peintres et des écrivains. Un agacement que j'avais déjà ressenti avec le livre de Gaëlle Nohant, Légende d'un dormeur éveillé mais qui s'était dans ce cas rapidement dissipé parce que l'intrigue avait vite pris le dessus, portée par la magnifique figure de Robert Desnos. Là, ça n'a pas été le cas. Je n'ai pas réussi à m'intéresser au personnage de Charles ni à sa façon de traverser la période. Surtout, pour avoir beaucoup lu à la fois sur la période, sur les peintres (qui sont des personnages de roman que j'affectionne particulièrement) et ceux qui les entourent, j'ai eu l'impression à chaque moment de ne rien apprendre et surtout d'avoir lu des choses bien meilleures sur chacun des grands hommes dont il est question. Je pense, entre autres, au merveilleux livre de Michel Bernard, Deux remords de Claude Monet ou encore à celui de Judith Perrignon, Victor Hugo vient de mourir qui possèdent une force bien plus convaincante. Enfin, le style quelque peu désuet ne contribue pas à dynamiser la lecture.

Ce fut donc une lecture décevante malgré la qualité littéraire certaine de ce texte qui pour moi manque surtout de modernité, ceci expliquant peut-être cela.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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1927: Un vieil étretatais nous livre ses mémoires...
Tous ces fous, ces barbouilleurs de couleurs: Monet, Courbet et quelques autres originaux scribouillards face à l'océan et au ciel infini: Maupassant, Hugo, Flaubert...

Ce roman est un livre d'images, une rétrospective picturale d'amoureux de la Normandie, de ses ciels, de la mer, du travail des hommes. On y parle de couleurs tout azimut, d'Histoire de l'Art au plus près des artistes. On s'immerge dans le tourbillon créatif d'une Belle Époque coincée entre deux guerres (70 et 14/18), ses progrès technologiques, ses soubresauts sociaux et politiques. La période est une manne romanesque pour composer une intrigue, dessiner un décor, comprendre les mentalités de modernité.

Il est donc bien dommage qu'en dépit d'un fort intérêt pour l'époque, je me retrouve à besogner pour avancer dans un récit dont l'érudition au burin casse le plaisir de lecture. Dans cette photographie de groupe de célébrités, il manque de la matière, une consistance des personnages, un liant romanesque pour les faire vivre et non les énumérer ou les décrire. le livre semble hésiter en permanence entre roman et essai. À mi-parcours, constat pour ma part de ne rien apprendre de nouveau, je passe l'éponge...

Car Grainville, c'est un style!

Impertinent et bourratif, foisonnant et lyrique, un sens de la formule, un jeu de plume où les mots s'amusent d'expressions détournées et de clins cocasses littéraires ou artistiques. On déguste (ou pas) l'écriture avec gourmandise jusqu'à l'indigestion, tout en saluant la connaissance historique. L'auteur en fait malheureusement un peu trop et on peine à le suivre dans ses envolées, à se demander s'il ne cherche pas à coller à son titre de « Fous » par cette frénésie débridée.

Juste mon avis...

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Etes-vous déjà entrés dans une église baroque ?
C'est un éblouissement, une sensation d'oppression esthétique, une abondance d'ors et d'ornementations.
Le premier ahurissement passé, votre raison vous souffle que c'est trop, beaucoup trop.

C'est un peu l'impression qu'il me reste après la lecture de « Falaise des fous » de Patrick Grainville.

Rien n'y manque de ce qui furent les événements majeurs des années 1860 aux années dites folles, justement.
 Tout y est, et décrit avec une abondance de détails et malheureusement de poncifs.

Monet passe par Etretat, puis Courbet, puis encore Monet. Tiens Maupassant et dans un bordel ! Sans blague !!

Puis ce sont les prussiens farouches, un peu de Monet, l'incendie du Bazar de la Charité (où bien sûr, on marchait sur les femmes pour sortir). Proust (un peu quand même), l'Amérique et le Titanic avec son orchestre submersible et ses nobles sacrifices, les premières voitures (qui vont fièrement à 20km/h), avions... Dreyfus (surtout ne pas oublier Dreyfus et le traitre Esthérazy et Zola et Picquart) et c'est 14-18 (bien redire la dégueulasserie des tranchées, en remettre une couche sur l'horreur et les gueules cassées)…

Plus de 600 pages serrées pour assommer sous l'ampleur de la fresque et convaincre de son talent laissé en roue libre.

Et rien, rien sur le paradoxe Monet par exemple. Cet être bourru, solide comme une falaise, imperméable au temps, symbole vivant des forces chthoniennes et qui pourtant peint les brumes, les brouillards, les eaux et les lacs, le vent dans les hautes herbes.

Impression… Respiration vers la simplicité, la clarté après avoir repoussé la porte de l'église. Impression… mais d'être passé à côté d'un grand sujet.
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Cette saga qui se situe entre 1868 et 1927 nous emporte sur les traces de Monet et des grands artistes de l'époque autour d'un repère autour duquel ils passent ou se retrouvent : la falaise d'Etretat.
A travers les mots de Charles Guillemet, on entre dans le tourbillon de l'art qui s'entremêle avec celui de l'Histoire.
On traverse ainsi cette charnière entre le XIXème et le début du XXème en voyant défiler les grands événements qui ont jalonné cette période.
La Commune de Paris qui emporta Gustave Courbet, l'affaire Dreyfus qui divisa la France et ses artistes, la sanglante guerre qui en perdit beaucoup d'autres, jusqu'aux années vingt qui renferment déjà le germe du second conflit mondial.
Une belle saga où on approche les plus grands artistes au travail : Monet, Courbet, Degas. On entre dans les galeries, chez les marchands d'art et on traverse ainsi sur des mots d'une grande finesse une période qui fut aussi féconde en rebondissements qu'en création artistique.
Un beau roman.
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Roman ambitieux et foisonnant où la peinture, la création .. et la Normandie sont à l'honneur. Si Patrick Grainville m'a épatėe par ses connaissances, celles-ci et ses grandes et fréquentes envolées lyriques m'ont un peu perdue. Reste que cette ambition littéraire mérite d'être lue.
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Hésitant entre roman, fresque historique et essai sur l'impressionnisme, Falaise des fous est une saga qui se déroule à Étretat au tournant du xxe
siècle. L'auteur, Patrick Grainville, prix Goncourt 1976, y décrit la vie d'un jeune Normand dont la maison domine la mer. Une vie qui a basculé en 1868 lors de sa rencontre avec Mathilde, son grand amour, et du premier séjour de Monet dans cette bourgade aux falaises spectaculaires. Cette ode au génie créateur nous fait croiser Courbet, Boudin, Degas, mais aussi Flaubert, Hugo et Maupassant.
Connaissance des Arts N°722 Juillet-Août 2018
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Grainville Patrick (1947-) – "Falaise des fous" – Seuil, 2018 (ISBN 978-2-02-137537-4) – format 15x22cm, 643 p.

de Patrick Grainville, j'ai lu précédemment les romans "L'orgie, la neige " (1990, cf recension du 3 août 2016), "L'atelier du peintre" (1988, cf recension du 2 septembre 2016), "Bison" (2014, cf recension du 29 décembre 2016).

C'est un auteur dont j'apprécie le style, l'écriture, le talent narratif, et, sans doute par-dessus tout, l'aptitude à traduire en texte(s) ce que l'art de la peinture expose en images, couleurs, dessins. Sur ce point, il s'avère excellent, et il faut remonter à Marcel Proust – avec son peintre Elstir – pour trouver un littérateur aussi talentueux. Pour moi qui n'apprécie pas spécialement les impressionnistes, Grainville (lui-même d'origine normande) fournit des liens et accès à ces oeuvres du XIXème siècle, qu'il prend pour thème dans ce roman dont le titre "Falaise des fous" évoque les falaises d'Etretat.

Par ailleurs, avant de rédiger cette recension, j'ai tenu à visiter l'exposition en cours actuellement au musée Marmottan "Collections privées : un voyage des impressionnistes aux fauves" (cf recension).

Toutes ces précautions préliminaires étant prises, force m'est de reconnaître que je suis déçu par ce roman, le (provisoirement) dernier publié par l'auteur.

La tranche chronologique parcourue ici est précisée d'emblée : le narrateur parlant à la forme "je" s'attable en 1927 (cf p. 47, 53) pour consigner les étapes importantes de sa vie depuis sa naissance en 1847 (cf p. 12), une vie relativement sédentaire ayant pour cadre la région d'Etretat, plus largement de Rouen au Havre, avec quelques rares incursions parisiennes (et une escapade, ratée, à New-York pp 264-294). Il résume rapidement sa jeunesse, et la trame s'étoffe à partir de la guerre de 1870 (abordée dès la p. 35) puis de la Commune de Paris.

Dans un premier temps, le récit est largement dominé par deux peintres, Gustave Courbet (1819-1877 – une présentation truculente dès les pages 25-37) et Claude Monet (1840-1926), lors de leurs séjours respectifs en Normandie (Courbet "la vague" de 1869, Monet "la terrasse à Sainte Adresse" de 1867, dont une reproduction constitue la couverture du roman).
Il y aura ensuite des pages remarquables sur le travail de Monet en train de peindre les "falaises à Etretat" entre 1883 et 1886 puis les "cathédrales de Rouen" entre 1892 et 1895.
Bien sûr, Grainville évoque également l'écrivain Maupassant, non seulement par quelques allusions à la présence de cet écrivain en Normandie, mais aussi (et surtout) en insérant une intrigue amoureuse de type "Bel ami" dans son propre récit : le narrateur "compagnonera" sucessivement avec trois femmes, la première étant mariée mais adepte de l'adultère à la Maupassant, la deuxième étant la fille adoptive de la première désireuse de détrôner sa belle-mère, la troisième enfin ayant assumé la fonction de modèle dans les ateliers d'apprentis artistes peintres, les trois se connaissant et se fréquentant (cf p. 346).

Vers la moitié du texte, le roman bascule. L'affaire Dreyfus est d'abord évoquée en passant (p. 313), puis revient (p. 357) pour finir par occuper la plus grande part de l'espace narratif. Là, malheureusement, l'intérêt faiblit nettement : que pourrait bien ajouter un écrivain d'aujourd'hui à la narration de cette affaire connue et si souvent évoquée, entre autres par d'autres écrivains, contemporains eux de l'affaire elle-même, de l'ampleur d'un Zola ou d'un Proust ?
L'auteur délaisse le terrain de la peinture – même s'il évoque largement les postures politiques des peintres impressionnistes anti- ou pro- dreyfusards – pour évoquer ses homologues littérateurs, mais il est en ce domaine nettement moins fécond qu'en causant de peinture.

Vers la fin enfin, il passe à l'évocation de la Première Guerre Mondiale 1914-1918, et s'expose au même reproche : que pourrait-il bien ajouter après "Le grand troupeau" de Jean Giono (cf recension), "La main coupée" de Blaise Cendrars (cf recension), «Les Croix de bois» de Roland Dorgelès (cf recension), "Im Westen nichts Neues" d' Erich Maria Remarque (cf recension), "Le Don paisible" publié sous le nom de Cholokhov (cf recension), voire un écrit postérieur comme celui de Claude Duneton "Le monument" (cf recension) ?

Pire encore, non seulement il n'évoque aucun de ces ouvrages (publiés certes pour certains après la date de référence de 1927), mais il axe tout son récit sur la publication du "Feu" de Barbusse (cf recension du 11 février 2015), un roman de propagande qui n'est qu'un pamphlet politique très en vogue chez les enseignants franchouillards, écrit par un "planqué de l'arrière", dont les qualités littéraires s'avèrent toutes relatives.

Et Patrick Grainville dérape lorsqu'il laisse échapper une comparaison entre Proust et Barbusse (cf p. 601) qui sombre carrément dans le ridicule : a-t-il vraiment lu "la recherche du temps perdu" jusqu'au bout ?
Au vu des thèmes abordés, des milieux sociaux évoqués, aurait-il voulu se fourvoyer et produire un "complément" voire un "résumé" si ce n'est une "variante" du grand oeuvre proustien ?
A travers le personnage de Gosselin, Grainville copie également Proust en organisant un contrepoint serré entre l'art pictural de l'époque et les "progrès" techniques, qu'il s'agisse de l'apparition de la voiture ou de celle de l'aviation.

Heureusement, il retourne à ce qu'il connaît dans les toutes dernières pages (pp.630-643), évoquant, mêlant, mélangeant Monet et Lindbergh...

Un livre à lire, pour sa première partie...
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Patrick Grainville fait renaître sous sa plume la Belle Époque. Il raconte avec lyrisme et emphase le mouvement impressionniste, la guerre de 1870, l'affaire Dreyfus, les débuts de l'aviation, la Grande Guerre. Malheureusement, le récit est parfois indigeste et ennuyeux. Le fil directeur est un peu léger et la banalité de la vie du narrateur contraste avec l'effervescence artistique, littéraire et politique de cette fin de siècle. Les magnifiques descriptions des falaises normandes et de leurs représentations picturales ne suffisent pas pour faire vibrer le lecteur jusqu'au bout du récit.
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Pour une fois je n'ai pas voulu croire les critiques des lecteurs et voilà je le regrette !
Pourtant tous les ingrédients sont là, des faits historiques, l'histoire de l'art... Tout est très documenté, gros travail d'érudition mais il manque sur ce gros pavé une histoire qui nous donnerait envie de tourner les pages.
Je ne suis pas allé au bout, c'est rare…
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