AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,74

sur 33 notes
5
3 avis
4
8 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Des clics et quelques claques.
Svetlana et Helena sont deux âmes russes en peine, en panne d'âme soeur et en panne des sens. Elles tartinent les réseaux sociaux de miel et de fiel. Elles y exhibent deux vies quotidiennes dont le nuancier tend moins vers le rose que le morose. Elles y dissertent sur la guerre en Ukraine comme elles en parleraient au bistrot. Pas de censure hors les murs.
Elles y cherchent aussi de façon pathétique un bonhomme de seconde ou troisième main pour rendre plus supportable leur solitude et payer le loyer. Ce qu'elles ignorent, c'est qu'un écrivain français d'origine russe incontrôlée, le taquin voyeuriste Iegor Gran, s'est mis à les suivre sur Twitter pour écouter et rapporter la parole des Missis Toulemonde de la Russie de province.
Ces femmes, jolies blondes quadras, vivent toutes les deux dans de petits appartements, à des années lumières et d'ombre de Moscou.
Héléna est contrôleuse de ticket de tramway à Perm, une ville peu touristique de l'Oural. Elle est plutôt avenante, soucieuse des autres et laisse monter les plus fragiles sans payer : l'inverse d'un contrôleur SNCF. Elle aime son métier malgré son salaire plus trouble que rouble, et surtout, elle ne cache pas son opposition à la guerre. Elle est atterrée du soutien massif de ses compatriotes à Poutine.
Svetlana occupe un emploi qu'elle n'aime pas d'assistante dans une école maternelle à Nijni Novgorod, dans la partie centrale de la Russie, le long de la Volga. C'est une nationaliste pur jus, infusée de propagande et nostalgique d'une grande Russie qu'elle n'a connu que dans ses rêves et vu dans des films officiels dopés de patriotisme. Elle a l'aigreur va-t'en-guerre, l'occident oxydant et l'ukrainien endocrinien. Plus influencée qu'influenceuse, elle relaye sans vergogne le discours officiel sur X, feu Twitter à ses 1500 followers, suiveurs, voyeurs…
Après Z comme Zombie, dans lequel Iegor Gran décrivait déjà le soutien aveugle d'une population hypnotisée à l'invasion de l'Ukraine, l'écrivain s'éloigne de Moscou pour tendre son micro à des pipelettes locales du web.
Les romans d'Iegor Gran sont plus réussis que ses témoignages sur le Covid ou la Russie. Ses révoltes y musèlent trop son humour. Néanmoins, ce « Voyage clandestin avec deux femmes bavardes » apporte un regard différent et intéressant qui m'a rappelé l'ancienne émission « Strip-tease » qui abordait des sujets de société par le biais de la vie de tous les jours d'inconnus sans filtre.
Héroïnes d'une vie qu'elles mettent en scène, le lecteur oscille entre espoir avec Héléna et désespoir avec Svetlana, entre le touchant et le risible, entre le révoltant et le pitoyable. Les deux femmes ne se connaissent pas et ne se croiseront certainement jamais. Elles n'auraient rien à se dire. Les chapitres restent étanches.
L'auteur développe beaucoup d'empathie pour Héléna, soucieuse des autres, lucide sur l'état de son pays et attachée à sa liberté de penser.
A l'inverse, Iegor Gran parvient à ne pas ridiculiser ou enfoncer Svetlana même si la tentation est parfois grande tant cette femme affiche fièrement sa vulgarité et ses outrances. La clique du cloaque.
Commenter  J’apprécie          886
Septembre 2023/ 21 février 2024

Omis de rédiger qq lignes de ce livre, pourtant lu avec curiosité et grand intérêt.Lecture vivante et des plus instructives...,achevée il y a plusieurs mois, déjà ( mi-septembre 2023). En rangeant mes dernières piles de livres, j'en profite pour rattraper mes oublis et
retards ! Surtout au vu de l'accélération inquiétante, tragique des actualités présentes...!

Inutile de préciser les motivations de ce choix: comme sûrement moult gens, je sentais le besoin de tenter de comprendre comment le peuple russe vit dans ce pays pris dans la terreur et une propagande constante...Réalisent- ils ? La peur, les empêchent-ils de vivŕe et de penser par eux-mêmes ? La propagande intensive parvient-elle à endormir tout sens critique ?

Deux jeunes femmes russes s'expriment
sur les réseaux sociaux; l'une est assistante dans une école maternelle (*** malheureusement la plus radicale et pro-régime), l'autre, vendeuse de tickets dans un tramway...révoltée et refusant cette guerre faite à l'Ukraine....

L'une soutient la guerre en Ukraine, l'autre s'y oppose...Deux quotidiens féminins dans une Russie province, qui ont des espoirs, des rêves d'un amoureux, d'un avenir...comme chaque jeune de tout pays !

En introduction, je transcris un passage résumant l'histoire :

"Deux femmes qui se ressemblent physiquement, économiquement et socialement, pour deux ressentis du monde diamétralement opposés. Deux femmes qui ont l'indignation à fleur de peau, et qui ne se privent pas de s'enflammer.
Cet exercice de la parole n'a pas la même valeur toutefois, ni les mêmes implications
Tandis que Svletana fait ses gammes en toute sécurité sur une rhétorique proche de celle du Kremlin (...), Elena risque à tout moment de se faire dénoncer et verbaliser pour " discrédit des forces armées " "

L'écrivain, Igor Gran, décide fin 2021, 3 mois avant l'attaque de l'Ukraine, de suivre deux jeunes Russew4 sur les réseaux sociaux, deux jeunes femmes
" ordinaires" très actives sur les réseaux , jusqu'à dix publications chaque jour....Deux visions opposés et antinomiques de " leur" Russie tant aimée !

Très éclairant, avec la sensation, pour Svletana, favorable au régime et à la guerre en Ukraine, de frissons dans le dos; on se sent comme si fréquemment, " glacé " devant l'extrême banalité du mal...




Commenter  J’apprécie          361
Qui ne sait pas poser la question : que pensent les russes de la guerre en Ukraine? Guerre très chère alors qu'ils ont beaucoup de difficultés à vivre.
Iegor Gran suit deux femmes sur twitter. Elles vivent en province, loin de Moscou.
L'une travaille dans une école maternelle, l'autre distribue les tickets dans un tramway. Toutes deux ont des fins de mois difficiles. Difficile de payer des médicaments ou de remplacer un appareil ménager qui tombe en panne.
Si elles vont sur twitter c'est avant tout pour trouver un homme et rompre leur solitude. (La description des hommes russes est assez cocasse)
Elles twittent plusieurs fois par jour. Elle parlent de leur quotidien, mais aussi de politique.
Si Svetlana soutient la guerre, Héléna ne comprend pas ce massacre.
Héléna est toujours à l'écoute des gens, laisse souvent passer des passagers sans payer, mais elle remarque avec désolation que la plupart des gens soutiennent Poutine.
Svetlana est une grande nostalgique de la grande Russie et peste contre l'occident. Rien ne l'arrête dans son admiration pour Poutine, même la vue des corps des soldats russes tombés au combat." C'est normal il en va toujours ainsi en temps de guerre".
Héléna espère que les Russes changeront d'avis.
On se demande quand même à la fin de cette lecture comment les russes peuvent être aussi endoctrinés malgré les fenêtres qu'ils ont sur l'occident. Internet , ils l'ont, même si c'est souvent clandestinement.
Un jour Héléna fait remarquer à une de ses amies que l'Occident juge la Russie fasciste, celle-ci lui répond :"tant mieux, ça veut dire qu'ils ont peur de nous."
Voilà un monde que nous avons beaucoup de mal à comprendre !
La Russie nous apparaît comme un monde où le pouvoir d'achat comme les moyens d'élaborer une pensée personnelle sont très limités.
Commenter  J’apprécie          2814
Salutaire petit essai original et sans prétention. Sans prétention car il est conscient des limites de l'exercice. Original car je ne crois pas avoir déjà vu une telle exploitation des réseaux sociaux. Iegor Gran a repéré deux femmes russes aux profils sociologiques assez similaires pour ce qu'il en voit, très actives et bavardes sur Twitter. L'une est contre la guerre en Ukraine et ne s'en cache pas ; l'autre est une va-t'en- guerre acharnée qui exsude l'aigreur et la haine. L'auteur suit avec tendresse les tentatives de survie au milieu des Zombies de l'une, et s'efforce de rester neutre avec l'autre, tâche difficile tant elle est outrancière, hermétiquement ancrée dans ses certitudes, fermée à toute discussion. Iegor Gran s'en tire avec humour et une plume incisive et caustique. La présence d'Elena est une très faible étincelle d'espoir, il y en a bien besoin ! Terriblement édifiant !
Commenter  J’apprécie          230
Coup de coeur pour ce livre choisi d'abord pour son titre prometteur…
Le texte est original: l'auteur suit les publications sur Twitter de deux femmes provinciales russes ;Svetlana qui travaille dans une école maternelle, Elena vend des tickets dans un tramway.Il analyse leur profil et celui de leurs groupies .Les échanges analysés nous renvoient une image actuelle des opinions et de la vie quotidienne dans les provinces de Russie.
La guerre contre l' Ukraine exacerbe leur engagement. Svetlana, la quarantaine, est une adepte de Staline.Elle est nostalgique d'un Empire fantasmé qu'elle n'a pas connu. Soutien de Poutine, elle est pour la guerre en Ukraine et est dans le déni face aux événements.
Elena est une humaniste, lucide face aux dirigeants russes et aux événements en Ukraine .
Elle dit l'hypocrisie des vatniks : ils sont pour la guerre tout en refusant d'y participer .
Les publications des deux femmes si opposées sur le plan politique se rejoignent sur différents points et témoignent de ce qu'est la vie en Russie.
Toutes deux perçoivent des salaires bas alors que le coût de la vie est élevé.Toutes deux font appel à plusieurs reprises à la générosité de leurs « followers « et cela marche.
Toutes deux sont des femmes esseulées. Les rencontres sont difficiles,Svetlana rêve d'un prince charmant russe en occultant l'alcoolisme et la violence conjugale.
Twitter est un lieu de vie, certes virtuel, un lieu où l'on partage, s'amuse, flirte , mieux que dans la vie réelle,
Commenter  J’apprécie          80
Après « Z comme zombie », un de ces récits-essais dont Iegor Gran s'est fait la spécialité et dans lequel il dénonçait, avec autant de lucidité que de férocité, le triste état mental de la population russe, soumise plus que jamais après l'invasion de l'Ukraine au déni de réalité et à la plus aliénante des propagandes, l'auteur nous offre, armé de cette ironie mordante qu'on lui envie, le portrait croisé de deux femmes russes, espionnées pendant plusieurs mois sur Twitter. Deux femmes franchement bavardes, comme le souligne le titre, multipliant les publications, s'indignant sur ce réseau social (elles sont d'ailleurs des privilégiées, ayant réussi à conserver la possibilité d'y avoir accès, tant cela est difficile, comme l'indique l'auteur, dans ce pays où toutes les communications sur la toile sont contrôlées de près) de tout ce qui les choque, et parfois y poursuivant leurs quêtes amoureuses… Svetlana est assistante dans une école maternelle de la banlieue de Nijni-Novgorod, quand Elena travaille, elle, comme contrôleuse de ticket de tramway à Perm. Deux femmes provinciales, donc, aux revenus modestes (elles sont parfois obligées de faire la quête auprès de leurs « amis » du réseau pour soigner une dent ou payer une contravention), la quarantaine et célibataires, mais les ressemblances s'arrêtent là! Car Svetlana se fait la chantre du pire nationalisme, défendant Poutine et sa guerre, refusant mordicus tout témoignage qui pourrait contredire cet amour insensé de la Russie belliqueuse, mais Elena, au contraire, bravant tous les dangers liés à ces prises de position contestataires (elle subira, d'ailleurs, le châtiment de ce courage) s'insurge contre la guerre et tout ce qui, conséquence de la politique du dictateur russe, rend son quotidien plus compliqué et moins humain… Un texte « où tout est vrai », un texte poignant dans lequel Iegor Gran ne peut s'empêcher d'avouer sa préférence pour Elena, toute la tendresse qu'il éprouve pour celle qui a réussi à préserver « le regard humaniste qui a déserté la Russie ». Au-delà du plaisir que l'on ressent à retrouver la causticité allègre d'un auteur que l'on suit avec affection depuis ses premiers romans, on ne peut que partager cet engagement pour la paix et la sortie du « malheur russe », avec l'espoir d'une reconquête de la dignité pour tous les citoyens de ce pays. Et, puisqu'il a de qui tenir, signalons la réédition de « André-la-poisse » et « C'est bien écrit ! » (aux Editions du Typhon), deux livres plein d'esprit et de satire d'Andreï Siniavski, écrivain et dissident russe sous Kroutchev et Brejnev (et, accessoirement père de Iegor Gran), auquel son fils rend un vibrant hommage dans leurs préfaces. Dans la famille Siniavski, demandez à la fois le père et le fils, vous ne le regretterez pas !
Commenter  J’apprécie          80
Un petit livre de seulement 184 pages mais quelle claque!
L'auteur suit deux femmes russes à travers leurs écrits sur Twitter et les réseaux sociaux.
Deux jeunes femmes, la quarantaine, célibataires, qui racontent leur vies quotidienne, leur travail, l'une travaille dans une école, l'autre vendeuse de tickets dans le tramway, leurs difficultés pour finir le mois, leur solitude, leur envie de trouver un mari.
Mais aussi de la guerre en Ukraine et là on s'aperçoit rapidement que Svetlana est pro-Poutine, plus que patriote et soutient la guerre.
Elena est contre la guerre mais ne peut s'exprimer librement sous peine d'être dénoncée et convoquer par les autorités qui surveillent tous les moyens de communication.
Quel choc de voir comment ce peuple peut-être endoctriné encore aujourd'hui
Dans les phrases de Svetlana on sent la violence, le refus de tout changement, l'idéalisme de l'URSS
Ce petit livre nous permet de nous approcher de la réalité, de leur réalité qui nous échappe complètement, à mille lieux de notre monde européen.
Super documentaire



Commenter  J’apprécie          40
Les pensées, les opinions, la vie quotidienne et les combats personnels de deux femmes russes qui se répandent sur les réseaux sociaux sur fond de guerre en Ukraine. Elena, révoltée contre le déferlement de violence de son pays sur des « bébés qui ne sont pas des nazis », et Svetlana, dénuée d'empathie et chantre d'une Russie éternelle et glorieuse. Caustique et glaçant.
Écrit par un Russe qui fait honneur à la langue française.
Commenter  J’apprécie          30
Iegor Gran a suivi durant deux ans les comptes Twitter de deux Russes, Svetlana et Elena, deux femmes, la quarantaine, menant une vie solitaire et difficile. La première est assistante dans une école maternelle, la seconde vendeuse de tickets dans les tramways. Leurs opinions sont opposées : Svetlana se définit comme une "vanitsa" – soutenant inconditionnellement le régime, contrairement à Elena, qui, sans être une militante, ne se reconnaît pas dans la politique de son pays.
L'auteur des Services compétents, grand connaisseur de la Russie, soviétique ou post-soviétique (rappelons que son père a été au goulag et que la famille a ensuite émigré en France), brosse ainsi un portrait de deux Russes ordinaires avec précision et émotion. Une réussite de ce point de vue, car il provient "de l'intérieur". Au passage, il nous initie à quelques formules et termes russes, tel ce "blin", traduit par "crêpe", déformation du terme "pute", mot interdit.
On en apprend beaucoup sur ce que peut être la vie quotidienne en Russie, Iegor Gran exploitant avec intelligence, prudence et néanmoins véhémence tous ces tweets publiés via des VPN pour des raisons de sécurité. Une sécurité qui n'est pas totale comme on s'en rend compte dans le dernier chapitre.
Un bel exercice littéraire fondé sur des messages de réseaux sociaux, démarche moderne s'il en est, et somme toute réussie, ce qui n'était pas gagné ! Iegor Gran fait de nouveau la démonstration de son talent multiforme.
———
Note personnelle sur le titre : Je suis persuadé que "Svetlana et Elena" aurait tout aussi bien convenu, "Voyage clandestin avec deux femmes bavardes" devenant alors le sous-titre…
Commenter  J’apprécie          20
Le dispositif est intéressant, voir même fascinant, parfois dérangeant : Iegor Gran suit deux femmes russes sur Twitter, mais aussi Facebook et Telegram, reproduit les commentaires, passe de l'une à l'autre, dressant le portrait de deux visions de la Russie que tout oppose ou presque. La première, Svetlana, est assistante à très faible revenu dans une école maternelle, c'est une patriote – une Vatniki (terme péjoratif qui désigne un adepte inébranlable de la propagande du gouvernement russe, terme dont ces mêmes adeptes se réclament maintenant avec fierté) –, et fantasme le grand amour et le retour d'une grande Russie de type soviétique (qu'elle n'a pas connue). La deuxième, Elena, vend des tickets dans le tramway à Perm et a une aversion pour le monde russe, condamnant de diverses manières la guerre en Ukraine. Elles ne se connaissent pas. Derrière leurs opinions divergentes, c'est aussi le portrait de deux solitudes que décrit Iegor Gran avec une certaine tendresse et parfois un brin d'humour : « deux cheminements escarpés , entre ravins économiques et déceptions romantiques ». Comme il le dit, « dans ce télescopage du trivial et du tragique », s'ouvre des pistes pour interroger l'avenir de la Russie « si tant est qu'il y en ait un, après tant de destructions et de crimes de guerre commis en Ukraine ». Deux visages de la Russie donc, celui de Svetlana, saisi par un délire d'empire, et celui d'Elena, une étincelle dans le font du puit. Un livre peu commun et essentiel pour mieux comprendre.
Commenter  J’apprécie          20





Lecteurs (75) Voir plus



Quiz Voir plus

La famille

Dans « Orgueil et préjugés » de Jane Austen, les époux Bennett n’ont eu que des filles. Mais combien sont-elles ?

Quatre
Cinq
Six

10 questions
88 lecteurs ont répondu
Thèmes : familleCréer un quiz sur ce livre

{* *}