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EAN : 9782818058763
P.O.L. (07/09/2023)
3.73/5   32 notes
Résumé :
Récit de la vie ordinaire de deux femmes en Russie en 2022 et début 2023 à partir de leurs publications sur les réseaux sociaux et de leurs échanges à la suite de l'invasion de l'Ukraine.
Svetlana est assistante maternelle, Elena est contrôleuse dans un tramway. Elles ne se connaissent pas et ne sont pas directement touchées par le conflit, mais leurs réactions sont radicalement opposées
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Des clics et quelques claques.
Svetlana et Helena sont deux âmes russes en peine, en panne d'âme soeur et en panne des sens. Elles tartinent les réseaux sociaux de miel et de fiel. Elles y exhibent deux vies quotidiennes dont le nuancier tend moins vers le rose que le morose. Elles y dissertent sur la guerre en Ukraine comme elles en parleraient au bistrot. Pas de censure hors les murs.
Elles y cherchent aussi de façon pathétique un bonhomme de seconde ou troisième main pour rendre plus supportable leur solitude et payer le loyer. Ce qu'elles ignorent, c'est qu'un écrivain français d'origine russe incontrôlée, le taquin voyeuriste Iegor Gran, s'est mis à les suivre sur Twitter pour écouter et rapporter la parole des Missis Toulemonde de la Russie de province.
Ces femmes, jolies blondes quadras, vivent toutes les deux dans de petits appartements, à des années lumières et d'ombre de Moscou.
Héléna est contrôleuse de ticket de tramway à Perm, une ville peu touristique de l'Oural. Elle est plutôt avenante, soucieuse des autres et laisse monter les plus fragiles sans payer : l'inverse d'un contrôleur SNCF. Elle aime son métier malgré son salaire plus trouble que rouble, et surtout, elle ne cache pas son opposition à la guerre. Elle est atterrée du soutien massif de ses compatriotes à Poutine.
Svetlana occupe un emploi qu'elle n'aime pas d'assistante dans une école maternelle à Nijni Novgorod, dans la partie centrale de la Russie, le long de la Volga. C'est une nationaliste pur jus, infusée de propagande et nostalgique d'une grande Russie qu'elle n'a connu que dans ses rêves et vu dans des films officiels dopés de patriotisme. Elle a l'aigreur va-t'en-guerre, l'occident oxydant et l'ukrainien endocrinien. Plus influencée qu'influenceuse, elle relaye sans vergogne le discours officiel sur X, feu Twitter à ses 1500 followers, suiveurs, voyeurs…
Après Z comme Zombie, dans lequel Iegor Gran décrivait déjà le soutien aveugle d'une population hypnotisée à l'invasion de l'Ukraine, l'écrivain s'éloigne de Moscou pour tendre son micro à des pipelettes locales du web.
Les romans d'Iegor Gran sont plus réussis que ses témoignages sur le Covid ou la Russie. Ses révoltes y musèlent trop son humour. Néanmoins, ce « Voyage clandestin avec deux femmes bavardes » apporte un regard différent et intéressant qui m'a rappelé l'ancienne émission « Strip-tease » qui abordait des sujets de société par le biais de la vie de tous les jours d'inconnus sans filtre.
Héroïnes d'une vie qu'elles mettent en scène, le lecteur oscille entre espoir avec Héléna et désespoir avec Svetlana, entre le touchant et le risible, entre le révoltant et le pitoyable. Les deux femmes ne se connaissent pas et ne se croiseront certainement jamais. Elles n'auraient rien à se dire. Les chapitres restent étanches.
L'auteur développe beaucoup d'empathie pour Héléna, soucieuse des autres, lucide sur l'état de son pays et attachée à sa liberté de penser.
A l'inverse, Iegor Gran parvient à ne pas ridiculiser ou enfoncer Svetlana même si la tentation est parfois grande tant cette femme affiche fièrement sa vulgarité et ses outrances. La clique du cloaque.
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Septembre 2023/ 21 février 2024

Omis de rédiger qq lignes de ce livre, pourtant lu avec curiosité et grand intérêt.Lecture vivante et des plus instructives...,achevée il y a plusieurs mois, déjà ( mi-septembre 2023). En rangeant mes dernières piles de livres, j'en profite pour rattraper mes oublis et
retards ! Surtout au vu de l'accélération inquiétante, tragique des actualités présentes...!

Inutile de préciser les motivations de ce choix: comme sûrement moult gens, je sentais le besoin de tenter de comprendre comment le peuple russe vit dans ce pays pris dans la terreur et une propagande constante...Réalisent- ils ? La peur, les empêchent-ils de vivŕe et de penser par eux-mêmes ? La propagande intensive parvient-elle à endormir tout sens critique ?

Deux jeunes femmes russes s'expriment
sur les réseaux sociaux; l'une est assistante dans une école maternelle (*** malheureusement la plus radicale et pro-régime), l'autre, vendeuse de tickets dans un tramway...révoltée et refusant cette guerre faite à l'Ukraine....

L'une soutient la guerre en Ukraine, l'autre s'y oppose...Deux quotidiens féminins dans une Russie province, qui ont des espoirs, des rêves d'un amoureux, d'un avenir...comme chaque jeune de tout pays !

En introduction, je transcris un passage résumant l'histoire :

"Deux femmes qui se ressemblent physiquement, économiquement et socialement, pour deux ressentis du monde diamétralement opposés. Deux femmes qui ont l'indignation à fleur de peau, et qui ne se privent pas de s'enflammer.
Cet exercice de la parole n'a pas la même valeur toutefois, ni les mêmes implications
Tandis que Svletana fait ses gammes en toute sécurité sur une rhétorique proche de celle du Kremlin (...), Elena risque à tout moment de se faire dénoncer et verbaliser pour " discrédit des forces armées " "

L'écrivain, Igor Gran, décide fin 2021, 3 mois avant l'attaque de l'Ukraine, de suivre deux jeunes Russew4 sur les réseaux sociaux, deux jeunes femmes
" ordinaires" très actives sur les réseaux , jusqu'à dix publications chaque jour....Deux visions opposés et antinomiques de " leur" Russie tant aimée !

Très éclairant, avec la sensation, pour Svletana, favorable au régime et à la guerre en Ukraine, de frissons dans le dos; on se sent comme si fréquemment, " glacé " devant l'extrême banalité du mal...




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Qui ne sait pas poser la question : que pensent les russes de la guerre en Ukraine? Guerre très chère alors qu'ils ont beaucoup de difficultés à vivre.
Iegor Gran suit deux femmes sur twitter. Elles vivent en province, loin de Moscou.
L'une travaille dans une école maternelle, l'autre distribue les tickets dans un tramway. Toutes deux ont des fins de mois difficiles. Difficile de payer des médicaments ou de remplacer un appareil ménager qui tombe en panne.
Si elles vont sur twitter c'est avant tout pour trouver un homme et rompre leur solitude. (La description des hommes russes est assez cocasse)
Elles twittent plusieurs fois par jour. Elle parlent de leur quotidien, mais aussi de politique.
Si Svetlana soutient la guerre, Héléna ne comprend pas ce massacre.
Héléna est toujours à l'écoute des gens, laisse souvent passer des passagers sans payer, mais elle remarque avec désolation que la plupart des gens soutiennent Poutine.
Svetlana est une grande nostalgique de la grande Russie et peste contre l'occident. Rien ne l'arrête dans son admiration pour Poutine, même la vue des corps des soldats russes tombés au combat." C'est normal il en va toujours ainsi en temps de guerre".
Héléna espère que les Russes changeront d'avis.
On se demande quand même à la fin de cette lecture comment les russes peuvent être aussi endoctrinés malgré les fenêtres qu'ils ont sur l'occident. Internet , ils l'ont, même si c'est souvent clandestinement.
Un jour Héléna fait remarquer à une de ses amies que l'Occident juge la Russie fasciste, celle-ci lui répond :"tant mieux, ça veut dire qu'ils ont peur de nous."
Voilà un monde que nous avons beaucoup de mal à comprendre !
La Russie nous apparaît comme un monde où le pouvoir d'achat comme les moyens d'élaborer une pensée personnelle sont très limités.
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Salutaire petit essai original et sans prétention. Sans prétention car il est conscient des limites de l'exercice. Original car je ne crois pas avoir déjà vu une telle exploitation des réseaux sociaux. Iegor Gran a repéré deux femmes russes aux profils sociologiques assez similaires pour ce qu'il en voit, très actives et bavardes sur Twitter. L'une est contre la guerre en Ukraine et ne s'en cache pas ; l'autre est une va-t'en- guerre acharnée qui exsude l'aigreur et la haine. L'auteur suit avec tendresse les tentatives de survie au milieu des Zombies de l'une, et s'efforce de rester neutre avec l'autre, tâche difficile tant elle est outrancière, hermétiquement ancrée dans ses certitudes, fermée à toute discussion. Iegor Gran s'en tire avec humour et une plume incisive et caustique. La présence d'Elena est une très faible étincelle d'espoir, il y en a bien besoin ! Terriblement édifiant !
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Après « Z comme zombie », un de ces récits-essais dont Iegor Gran s'est fait la spécialité et dans lequel il dénonçait, avec autant de lucidité que de férocité, le triste état mental de la population russe, soumise plus que jamais après l'invasion de l'Ukraine au déni de réalité et à la plus aliénante des propagandes, l'auteur nous offre, armé de cette ironie mordante qu'on lui envie, le portrait croisé de deux femmes russes, espionnées pendant plusieurs mois sur Twitter. Deux femmes franchement bavardes, comme le souligne le titre, multipliant les publications, s'indignant sur ce réseau social (elles sont d'ailleurs des privilégiées, ayant réussi à conserver la possibilité d'y avoir accès, tant cela est difficile, comme l'indique l'auteur, dans ce pays où toutes les communications sur la toile sont contrôlées de près) de tout ce qui les choque, et parfois y poursuivant leurs quêtes amoureuses… Svetlana est assistante dans une école maternelle de la banlieue de Nijni-Novgorod, quand Elena travaille, elle, comme contrôleuse de ticket de tramway à Perm. Deux femmes provinciales, donc, aux revenus modestes (elles sont parfois obligées de faire la quête auprès de leurs « amis » du réseau pour soigner une dent ou payer une contravention), la quarantaine et célibataires, mais les ressemblances s'arrêtent là! Car Svetlana se fait la chantre du pire nationalisme, défendant Poutine et sa guerre, refusant mordicus tout témoignage qui pourrait contredire cet amour insensé de la Russie belliqueuse, mais Elena, au contraire, bravant tous les dangers liés à ces prises de position contestataires (elle subira, d'ailleurs, le châtiment de ce courage) s'insurge contre la guerre et tout ce qui, conséquence de la politique du dictateur russe, rend son quotidien plus compliqué et moins humain… Un texte « où tout est vrai », un texte poignant dans lequel Iegor Gran ne peut s'empêcher d'avouer sa préférence pour Elena, toute la tendresse qu'il éprouve pour celle qui a réussi à préserver « le regard humaniste qui a déserté la Russie ». Au-delà du plaisir que l'on ressent à retrouver la causticité allègre d'un auteur que l'on suit avec affection depuis ses premiers romans, on ne peut que partager cet engagement pour la paix et la sortie du « malheur russe », avec l'espoir d'une reconquête de la dignité pour tous les citoyens de ce pays. Et, puisqu'il a de qui tenir, signalons la réédition de « André-la-poisse » et « C'est bien écrit ! » (aux Editions du Typhon), deux livres plein d'esprit et de satire d'Andreï Siniavski, écrivain et dissident russe sous Kroutchev et Brejnev (et, accessoirement père de Iegor Gran), auquel son fils rend un vibrant hommage dans leurs préfaces. Dans la famille Siniavski, demandez à la fois le père et le fils, vous ne le regretterez pas !
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
16 novembre 2023
Dans "Voyage clandestin avec deux femmes bavardes", Iegor Gran propose un zoom dans la Russie profonde, face à la guerre.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
26 octobre 2023
Dans un livre passionnant, l’écrivain né à Moscou compose une chronique de la Russie ordinaire à partir des tweets de deux femmes aux avis très opposés sur la guerre en Urkaine.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Quant à Zochtchenko...le virtuose de la phrase courte.(...)
Zochtchenko, qui fait dire à un singe échappé du zoo et confronté aux difficultés de la vie soviétique :" on respire mieux dans une cage.Il faut retourner au zoo dès que l'occasion se présente". Ou prenez ce début de récit pour les enfants: " Quand Lénine était petit, il n'avait peur de presque rien.C 'est hardiment qu'il entrait dans une pièce toute sombre.Il ne pleurait pas quand on lui racontait une histoire effrayante.D'ailleurs, il ne pleurait presque jamais"
Enlevez Zochtchenko, et, soudain, le sinistre voile du quotidien soviétique perd cette luciole qui rendait la vie supportable. Zochtchenko, avec ce sourire en coin qui veut dire : il y a en moi un espace de liberté. Zochtchenko, l'antidote.

( p.64)
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Vanitsa

Car il y a une arrogance à se présenter en vanitsa,féminin de " vatnik", littéralement veste en coton matelassée. Le terme est péjoratif ; on en affuble les amoureux du régime en place, les conformistes batailleurs, les types qui ânonnent les narrations du Kremlin sans se poser de questions. (...)
L'esprit du vatnik est engourdi ; il s'est construit une carapace d'ouate (" vata" , en russe) qui amortit et étouffe les arguments de la raison.On le suppose limité intellectuellement, sous- cultivé ( surtout en histoire), enduit d'idéologie antioccidentale, empli de "fake news" qui se sont fossilisées en certitudes.L'étiquette vatnik coupe les ponts, dresse les murs, réduit la sociabilité.

( p.36)
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Ces confidences des profondeurs, dans leur jus, de femmes simples affrontant leur quotidien tout en étant spectatrices d'une abomination dans laquelle leur pays trempe jusqu'au cou, étaient aussi dérangeantes que fascinantes.Dans le télescopage du trivial et du tragique s'ouvraient des pistes pour interroger l'avenir de la Russie, si tant est qu'il y en ait un, après tant de destructions et de crimes de guerre commis en Ukraine.À travers Svletana, j'accédais à la Russie des marécages nauséabonds, des monstres à nul autres pareils, saisis par un délire d'empire.
(...)
Par le prisme d'Elena, au contraire, je voyais poindre, comme une tache de lumière au fonds d'un puits, le timide espoir d'une nation russe qui, un jour, ne serait plus anthropophage.


( p.15)
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Deux femmes qui se ressemblent physiquement, économiquement et socialement, pour deux ressentis du monde diamétralement opposés. Deux femmes qui ont l'indignation à fleur de peau, et qui ne se privent pas de s'enflammer.
Cet exercice de la parole n'a pas la même valeur toutefois, ni les mêmes implications
Tandis que Svletana fait ses gammes en toute sécurité sur une rhétorique proche de celle du Kremlin (...), Elena risque à tout moment de se faire dénoncer et verbaliser pour " discrédit des forces armées "


( p.27)
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- Je sens que je déprime. Croisé cette bonne femme qui me dit d'emblée, en entrant dans le wagon : " On a arrosé les oukropes*, bien fait pour eux, les missiles dans leurs centrales électriques"
p 26

* terme péjoratif que les Russes utilisent pour désigner les Ukrainiens
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Videos de Iegor Gran (34) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Iegor Gran
Iegor Gran vous présente son ouvrage "L'entretien d'embauche au KGB" aux éditions Bayard récits. Rentrée Sciences-Humaines 2024.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2993521/iegor-gran-l-entretien-d-embauche-au-kgb
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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