Peut-être, mais il y a deux mille âmes sur cette île et si ne serait-ce que cinq pour cent d'entre eux te prennent en grippe, tu es seul contre cent. Tu n'es pas Achille, et ce n'est pas la guerre de Troie.
J’ai la mafia au cul, les flics aux basques et un crime sur le dos. Moi, je suis dans la merde.
Quelque chose de flou qui subitement s'était éclairci et qui s'imposait à lui comme une évidence : il ne parviendrait pas à se sortir de ce guêpier tout seul.
p. 262 (Poche) "C'était en plein jour, au milieu de la foule en avalant un sandwich ou en sirotant un petit noir, que le commissaire réfléchissait le mieux. Il fixait un objet, une horloge, un radiateur, un dossier de chaise, et se concentrait de telle façon que tout le reste finissait par s'estomper. Petit à petit, les bruits du dehors et les conversations du dedans se mélangeaient, les klaxons se mêlaient aux rires, le tumulte des moteurs aux tintements des verres, les talons sur l'asphalte aux chuintements du percolateur. Tout se fondait en une vibration unique, informe et enveloppante. Le corps se relâchait complètement et l'esprit était enfin libre."
p. 18 (Poche) "Avant, il n'y avait rien. Aujourd'hui, il y avait plein de choses qu'on ne pouvait pas se payer."
Le gouvernement n'avait pas levé le petit doigt. La pêche c'était le cadet de ses soucis. Ce qui intéressait les technocrates, c'était de vendre des Airbus et des TGV. Pour ça ils étaient prêts à tout.
Caradec conduisit Marko dans la salle à manger qui donnait sur un petit réduit avec un lit, une chaise et un évier en faïence. Une minuscule fenêtre ouvrait sur un champ de luzerne qui ondulait sous le vent.
– Attends-moi là deux secondes.
Marko resta debout, examinant autour de lui le canapé, deux fauteuils en velours râpé et une table sous l’escalier qui montait à l’étage. Il s’approcha de la petite bibliothèque où s’amoncelait un capharnaüm de revues, manuels et bouquins divers. Des exemplaires du Chasse-Marée, d’Armen, du Crapouillot, des romans écornés de Simenon et de Quéffelec… Quand Caradec redescendit, Marko feuilletait L’Île au trésor de Stevenson.
– Je peux prendre ?
– Bien sûr. Fais comme chez toi. Et essaie de dormir. Demain, réveil à quatre heures. Et tiens, prends ça en te levant. Deux, dans un verre d’eau.
Caradec tendait une petite boîte de Nautamine.
– C’est pour quoi faire ?
– Le mal de mer.
Le marin remontait déjà l’escalier quand Marko l’interpella.
– Monsieur Caradec ?
– Hmm ?
– Je m’appelle Marko Voronine.
– Ah.
Caradec réfléchit.
– Voronis… Marko Voronis. Ça fait plus grec. Ça te va ?
– Oui.
– Bon. Alors, au pieu.
Caradec remonta dans sa chambre. Marko suspendit ses affaires trempées sur la chaise et sur le coin de la porte, puis se glissa tout nu dans le lit qui sentait le renfermé. Il lut trois pages de L’Île au trésor et s’endormit profondément.
Moi je dis que c'est un plaisancier qu'est venu faire le mariole. Un Parigot, mouillant à la Trinité. Ils se lavent pas les cheveux et ils se prennent pour Kersauzon ! Il s'est pris un grain, ça a mal tourné, et hop...
[…] Il y avait là tout ce qu’ils aimaient, du sang, de la barbarie, de la tragédie humaine.
[…] Il y avait à Belz de nombreuses maisons touchées par le malheur. Un malheur qui prenait toujours, quelle qu’en soit la forme, la couleur de l’eau. L’eau trouble, l’eau noir, l’eau déchaînée et hurlante contre ces hommes qui avaient le vœu de la braver chaque jour que Dieu fait pour nourrir leurs familles et gagner leur vie. Et ce corps à corps incessant des hommes contre la mer dans lequel elle remportait un nombre incalculable de victoires faisait partie de la vie d’une île comme Belz. Chaque maison pleurait un père, un fils, un cousin … Et quand elle ne le pleurait pas, c’était qu’elle ne le pleurait pas encore.