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EAN : 9780266490340
638 pages
Forgotten Books (30/07/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
Résumé issu d'un article du journal "La Caricature" du 25 décembre 1842 :
"Voici un physiologiste habile qui nous guérit en nous faisant rire ; grâces lui soient rendues, maintenant il suffira de parcourir la table du charmant livre qu'il vient d'écrire sur les insupportables et Petites Misères de la vie Humaine pour savoir au juste à qui ou à quoi s'en prendre de toute vapeur malfaisante de notre imagination ; il. annoté chacune de ces mille piqûres plus dan... >Voir plus
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Quant à Sosie, c’est une autre animal. J’ignore à quel propos il s’est entiché de moi, de mes façons, de mes habitudes, de mon dire, de ma mise ; mais depuis cet instant fatal j’ai, par le monde, un insupportable alter ego qui me rend très honteux de ce que je suis ; un portrait justement assez ressemblant pour me dégoûter de l’original.

Or, cet original, s’il vous plaît, c’est moi-même, qui jusqu’à présent m’étais assez bien accommodé de mon individualité.
A défaut d’autre mérite, elle avait celui d’être unique.
Maintenant que je marche sur quatre jambes, divisé en deux moitiés, d’apparence fort ressemblantes, et dont l’une au moins est parfaitement ridicule, - je me donnerais à 50% de perte.
J’y gagnerais encore, sur ma parole, on ne saurait croire en effet tout ce que j’ai perdu depuis que Sosie s’est mis à marcher dans mon chemin. Récapitulons un peu, s’il vous plaît.

Au physique, d’abord, le changement est notable, l’avarie énorme.
Ma mise a changé, cela va sans dire.
Traqué de tailleur en tailleur par ce bizarre maniaque, je le vois s’emparer impitoyablement de mes idées de toilette ; en se les appropriant, m’interdire mes étoffes favorites ; me donner chasse jusque dans la coupe de mes cheveux, dans les touffes ordonnées de ma barbe, dans le noeud de ma cravate : accessoires essentiels dont il me force par conséquent à modifier chaque jour la perfection, malgré que j’en aie, et contrairement à mes instincts.

Il ma ôté le son de ma voix qu’il paradait, et mon accent dont il exagérait la façon grotesque le caressant et gracieux lambdacisme.
Je suis privé de certains airs penchés - qui m’allaient (je dois le dire), à merveille, par l’habitude qu’il a prise de se frotter constamment l’oreille contre l’épaule droite.

Mes moyens de succès s’en vont ainsi l’un après l’autre. Un pauvre petit juron m’était resté, fort plaisant et très goûté dans le monde cérémonieux où je l’avais naturalisé à grand peine : - ce Sosie ne l’a-t-il pas profané l’autre jour ? Voilà mon mot démonétisé.

Au moral, je suis dénué désormais de cet aplomb, de cette confiance, de cette sécurité, naturels à un galant homme qui s’est jamais entendu déraisonner.

Grâce à mon Sosie, j’ai eu vingt fois ce cruel chagrin : je l’ai vu se posant de trois quarts, le coude sur la cheminée (une attitude charmante dont avant lui j’avais le monopole) ; je l’ai vu disais-je, déblatérer contre les partisans de l’égalité parce que jeu suis noble de race, et s’extasier sur le mérite d’un ministre impopulaire parce qu’il me suppose « tory » (membre du parti conservateur)
C’était une vraie pitié que de retrouver sur ses lèvres les formules nonchalantes que j’ai appliquées avec tant de succès à l’énoncé des plus étourdissants paradoxes. Aussi me disais-je à chaque instant avec le sentiment d’une mortelle inquiétude :

Serait-il possible que j’eusse été quelquefois aussi niais, aussi gourmé aussi lourd et d’aussi mauvais goût que ce monsieur l’est maintenant ?

Hélas ! On n’est sûr de rien ici-bas, et ce n’est pas à soi-même qu’il faut adresser de pareilles questions.

Je dois m’attendre à ce que le doute qu’elles exprimaient ne sera jamais complètement dissipé.
Ce doute me rend timide et gauche ; il m’humilie ; il me transforme en dépit de moi-même.
Je ne suis plus ce que j’étais ; je ne suis pas encore ce que je pourrais devenir.
Cet état transitoire est insupportable, et me donne l’air d’un de ces pauvres garçons édentés, à voix équivoque, déjà maigres et pas encore élancés, qui flottent indécis entre l’enfance dont ils n’ont plus la grâce et l’adolescence dont ils attendent la beauté. Je redeviens lycéen.

Et par surcroît, savez-vous ce qui m’arrive ?
C’est que le monde, observateur très fin, mais très superficiel cependant, et qui ne possède pas toujours l’art de vérifier les dates, fait maintenant entre Sosie et moi une confusion, qui passez-moi le mot, tourne à la mienne.
Il ne sait plus de nous deux quel est le type et quel est l’imitateur de l’autre, quel est le modèle et le portrait - le corps et l’ombre.

Les esprits d’élite font bien la différence et se moquent de Sosie, qui n’atteindra jamais, disent-ils, l’exquise désinvolture après laquelle il court ; mais les sots, autant vaut dire le grand nombre, supposent que c’est moi le copiste servile.

Ils remarquent fort bien « Faustus achète ses chevaux chez le maquignon de Sosie »
- ou « Vous voyez cet habit que porte Sosie… gageons qu’avant 8 jours Faustus en a un pareil »
ou encore « comment fera Faustus si jamais Sosie devient plus riche que lui ? À coup sûr le pauvre diable se ruinera pour soutenir la gageure. »

N’est-ce pas à se casser la tête contre les murs ?
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Madame de °°° cache, sous son air imposant, la plus timide personne que j’aie connue ; et, admis à l’honneur de la voir depuis tantôt cinq ans, je ne cause avec elle (j’entends à coeur ouvert) que depuis huit jours au plus.

Auparavant, nous étions perpétuellement en observation l’un de l’autre, nous craignant réciproquement, gauches et empruntés dans toutes nos façons. C’était entre nous un malentendu incessant. Une loi de ma destinée semblait me condamner à ne la rencontrer que mal à propos, à n’arriver chez elle que quand elle allait sortir, ou bien à la surprendre, sans le vouloir, occupée de soins qu’elle eût certainement voulu me cacher. Jamais nous ne pouvions atteindre le niveau de cette politesse aisée, tranquille, doucement familière, qui fait à Paris le charme des relations du monde.

D’elle à moi, et réciproquement, il y avait toujours quelque inadvertance, quelque méprise qui nous condamnaient à des explications, à des excuses, à des réparations interminables.

Un exemple, entre mille, fera comprendre ces sortes d’accidents.
(…)
L’autre soir, fort heureusement, errant dans les salons d’un des premiers fonctionnaires de l’édilité parisienne, et tandis que j’admirais l’étrange cohue dont il les avait peuplés sous prétexte de bal, j’aperçus Madame de °°° debout, très-rouge et les yeux baissés (…) les paroles que de temps à autre elle semblait adresser à sa voisine, et les dédaigneux regards par lesquels celle-ci se bornait à lui répondre.
Je trouvais moyen, non sans peine, d’arriver assez près de cette altercation presque muette pour savoir de quoi il s’agissait :

- Vous connaissez Madame Cliquot ? Demandais-je tout bas à Madame de °°°, que cette question fit tressaillir et dont les joues se couvrirent d’un incarnat encore plus vif.

- Je n’ai pas cet honneur, balbutia-t-elle à voix baisse et sans oser relever les yeux… j’ai quitté un instant ma place, que Madame a prise, et, n’en pouvant trouver une autre…

- C’est ça ! Interrompit brusquement Madame Cliquot en se posant de trois quarts avec la majesté d’un tambours-major offensé ; parce que Madame n’a pas de place ailleurs, il faudrait que je me dérangeasse ? Ce serait gentil ! Non, Madame, continua-t-elle en traînant sa voix, qui rappelait en ce moment les doux sons d’une flûte entourée… J’en suis bien fâchée, Madame, ce n’est pas ici comme au spectacle, Madame… Les places n’y sont pas marquées… On s’asseoit comme ça se trouve, Madame… Et les duchesses comme les autres, Madame !

Je suis certain qu’à ce moment Madame de °°° aurait donné les six plus belles soirées de son hiver pour se trouver transportée dans un salon tant soit peu fashionable et bien policé. Elle reculait instinctivement devant les grosses paroles de la criarde usurpatrice, et se serrait contre moi, tout à fait effarouchée.
Je crus qu’on pourrait intervenir ; mais, aux premiers paroles que je hasardais, Madame Cliquot s’ébouriffa sous ses roses :

- Vous dites, Monsieur ? Répétez-moi encore ça, je vous prie. Vous êtes chargé de placer les personnes ici ? Madame est votre épouse ?


La retraite me parut prudente. Une conférence diplomatique ainsi commencée ne m’offrait ni un très grand charme, ni les moindres chances de succès. Néanmoins, puisque je m’étais mêlé de cette affaire, il fallait en venir à mon honneur, et je dis à Madame de °°°, en la quittant aussitôt, un signe par lequel je lui promettais justice.
L’embarras était de tenir ma promesse. A quelle autorité m’adresser ? Il eût été assez ridicule d’appeler le maître ou la maîtresse de la maison dans un si sot débat. D’ailleurs, l’imposante bourgeoise me semblait assez déterminée pour tenir tête aux plus respectables influences. Nulle part un siège vacant dont il me fût possible de m’emparer pour offrir à Madame de °°°, sinon une répartition, du moins un équivalent. (…)
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Les peines d’un tigre :

N’est pas lion qui veut. La meilleure preuve que je puis invoquer à l’appui de cette vérité, c’est que vous êtes tout au plus un tigre, c’est à dire un lion aspirant, un dévorant en expectative…
— Et à qui s’adresse ce discours !
— à vous, à lui, à moi peut-être, à qui vous voudrez, qu’importe ?
Vous n’êtes qu’un tigre. Vous n’entrez dans certains salons que grâce à la protection et en quelque sorte sous le pavillon d’un "exquisité" mieux prouvé que vous ne le serez jamais.
Il répond de vous, il vous cautionne, vous êtes de sa suite, et les portes, qui s’ouvrent à deux battants pour lui, ne se renferment pas tellement vite qu’en vous tenant aux basques de son habit, vous ne puissiez vous glisser à votre tour dans les assemblées fashionables.
Cet homme est devenu votre Providence ; et cela, s’il vous plaît, à charge de revanche : car vous remplacez pour lui le caissier (…) En outre, il vous emploie volontiers comme supplément à son groom (domestique), dont vous payez les gages ; c’est vous qu’il charge de promener ses chevaux quand le mauvais temps, ou des soins plus doux, transforment pour lui ce plaisir en une véritable corvée.
Vous êtes de moitié dans la location de sa stalle au Théâtre-Italien, et comme il est de rigueur qu’il y paraisse les jours d’élégantes solennités, il s’en suit assez naturellement que ces jours-là, vous en êtes exclu.
Cette manière toute léonine d’entendre l’association s’applique à tout, si ce n’est au solde des divers comptes à régler entre vous, et dont il ne réclame jamais la plus petite part.

Que de charmants privilèges ne lui devez-vous pas ?
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