Roman polyphonique troublant et captivant, «
Un cri sous la glace » est de ces thrillers psychologiques qui ne se font pas oublier une fois achevés.
Le rythme nonchalant qui sied si bien aux romans scandinaves et qui peut parfois paraître monotone, voire insipide devient ici une lente mélopée perturbante, rythmant d'un air chaloupé une intrigue des plus entêtante.
Les trois voix qui chantent en alternance reprennent la même chanson mais sur des tons radicalement différents. le chant personnel et égocentrique d'un flic se mêle à la voix douce et blessée d'une profileuse et à celle, désespérée, d'une jeune femme qui voit sa vie lui échapper.
Tout le roman chante l'abandon, la solitude et l'amour. Une musique qui peut raisonner à l'oreille de chacun si tant est qu'il en écoute et traduise les paroles. Une litanie qui ramène furtivement vers la solitude de chaque être, quand bien même il n'en réalise pas la présence. Une chanson qui raconte la complexité des rapports humains et l'exigence envers l'autre dont chacun se rend coupable.
Suffisamment rares sont les thrillers ayant une telle substance que l'écho des messages qu'il transporte me souffle encore mon propre isolement et murmure au creux de mon oreille la solitude, cette douce compagne.
Ce cri sous la glace se transforme en hurlement déchirant de trois êtres seuls, criant l'amour dont ils ont désespérément besoin mais qu'ils ne savent pas prodiguer ou même retenir, de trois âmes dont les notes respectives vont se croiser puis se heurter sur la même portée sans qu'une fois, le récit ne tourne à la cacophonie.
Camilla Grebe est une romancière/compositrice habile qui réussit, avec ce roman, un opéra au scénario extrêmement solide. Chacun de ses personnages est étudié délicatement puis mis à nu. Chacun d'entre eux peut sembler familier à quelqu'un : apportant un souvenir ou une émotion connus tel ce vide engendré par l'abandon ou encore ce besoin de liberté qui nous pousse parfois à blesser, à notre tour.
Nul doute que l'air de ce roman raisonnera dans certains esprits comme il raisonne encore dans le mien.
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