L'émotion est un explosif d'une force incalculable.
Ce fut alors qu'intervint cette puissance qu'on appelle le hasard, le destin ou la volonté d'en haut parce qu'on ne sait quel nom lui donner.
Sa Bible était à portée de sa main, comme un fétiche. Elle ne la lisait plus comme autrefois. Le livre la rejetait dans l'inquiétude et le doute. L'ouvrait-elle au hasard, c'était pour tomber sur des phrases dirigées contre elles, parfois d'une façon si personnelle et si directe que son sommeil en était troublé. cependant, elle voulait que le volume fût dans sa reliure noire, vigilant malgré tout.
Toute frissonnante, mais soulagée, elle regarda le ciel et il lui sembla que jamais elle n'avait vu tant d'étoiles. Le sentiment d'assister à un prodige s'empara d'elle et comme au temps de son enfance elle se figura qu'un amour irrésistible l'attirait doucement vers ces myriades de points lumineux.
Une malédiction ancienne pesait sur cette maison d'une beauté si rare, rendant le bonheur impossible entre ses murs.
A présent je quitte ce monde qui ne m'a donné que souffrance et déceptions, à part quelques heures de joie trop brèves dont le souvenir ne fait que raviver ma plaie. En moi résonne sans cesse un appel à la vie religieuse où je me persuade que m'attends la paix.
Les yeux d'un bleu profond, qui recelaient sans doute des abîmes d'érudition, ne manquaient pas de douceur, non pas seulement de cette amabilité en accord avec son état, mais d'une certaine tendresse humaine qui pouvait aller loin. Il y avait du paradis dans ces yeux là, la foi, de grandes vertus, (...).
-Ouvre la Bible qui est sur la table, dit-elle tout à coup. La sainte Bible nous dira. (...)
Sur la table, la lampe s'était éteint et la Bible, ouverte au huitième chapitre d'Isaie, attendait. Les pages luisaient faiblement dans la lumière de la lune. Elle les toucha de la main, indécise. (...)
En cette heure d'anxiété, le vieil instinct protestant remontait en elle: interroger l'Ecriture en l'ouvrant au hasard et en plaçant le doigt sur le premier passage venu. (...) En réalité, elle-même avait peur, peur du livre, peur de le forcer à répondre et de ce qu'il allait dire. (...) Avec une curiosité avide, Elizabeth se pencha sur le livre et lut : "Ne vous trompez pas. On ne se moque pas de Dieu."
"Dis-toi bien que tu viens d'une famille plus ancienne que la leur : celle de ta mère, alors ne t'en laisse pas imposer, mais nous sommes leurs parents pauvres." (...)
"Parents pauvres"...Ces mots inoubliables accompagnaient cette fille qu'un rien terrorisait dans sa vie nouvelle et à chaque marche elle avait envie de s'excuser d'y poser le pied sur le tapis rouge.
Tout entière à ses rêveries, elle regardait le ciel qui se rayait lentement de bandes rouges, derrière les arbres sur l'autre bord du vallon. Elle voyait de la magnificence dans cet imperceptible déclin du jour. Pour elle, c'était l'heure magique où se levait le songe.