De la fenêtre de sa chambre, elle regardait le pré dont les herbages disparaissaient sous la neige et elle pensait à sa vie. Jadis elle voyait son avenir comme une route au bout de laquelle l'attendait Jonathan, mais à présent la grande plaine blanche était une page vide du haut en bas. Elizabeth ne se sentait plus la même. Le visage tendu vers elle dans le feuillage du magnolia était le rêve d'une autre personne. La neige effaçait tout.
(...) les lieux qu'on va quitter ont le mystérieux pouvoir de vous retenir à leur façon.
Charlie Jones explique à son fils qu’il ne faut pas donner aux femmes le gout du s*x*
- Il est préférable qu’il en soit ainsi avec les femmes, poursuivit Charlie Jones d’une voix grave. Autrement on risque de faire d’elles...hum...des obsédées, je m’excuse du terme.
- Des obsédées !
- C’est comme je te le dis, mon garçon. Dois je être plus précis ? Mais quoi, nous sommes entre hommes. Elles peuvent même devenir des hystériques.
- Oh !
- Parfaitement. Avec la dépravation des moeurs actuelles, l’Angleterre en est pleine.
- Mais, papa, c’est monstrueux. Que font ces malheureuses ?
- Elles écrivent des romans.
Enfin, Elizabeth, essaie de ne pas te conduire comme une idiote de roman. Nous sommes au dix-neuvième siècle.
Ici, d'une manière inexplicable il y avait la paix, on y était loin du monde et de ses contrariétés.
La lumière hésitant déjà dans le ciel, les oiseaux chantaient comme si l'ombre menaçait de les engloutir à jamais. Elizabeth ne put s'empêcher d'entendre là un avertissement.
Par une de ces ironies dont la vie est coutumière, on eût dit que la nature mettait tous ses soins à célébrer l'aube d'une existence nouvelle dans le destin de Dimwood. Dans l'air d'une fraîcheur grisante le coeur se dilatait et les fleurs semblaient s'être multipliées en masse dans la nuit, chargées de parfums à tourner la tête.
Sur ce fragile espoir elle glissa dans l'abîme jusqu'au vacarme éperdu des oiseaux qui lui criaient que le monde était magnifique.
Les jours passaient avec la lenteur de la vie à la campagne et l'ennui se déroulait dans la splendeur d'un été chatoyant de toutes les couleurs les plus gaies. On n'imaginait pas un plus fastueux décor pour souffrir d'amour comme Elizabeth ou de sourde inquiétude comme Suzanna.
Suzanna ne voulait parler à personne et dans la solitude promenait son désespoir le long de la rivière jusqu'à l'orée du bois des Indiens. Parfois elle s'aventurait assez loin sous le sombre feuillage de ce lieu réputé maléfique où retentissait de temps à autre le rire troublant d'un oiseau, et elle souhaitait que la mort subite vînt la délivrer d'elle-même.
Cette nuit-là, l'orage redoubla de violence et les éclairs ne cessèrent de griffonner dans le ciel l'avenir du pays en un langage indéchiffrable. c'était au moins ce que croyaient les âmes superstitieuses, (...).