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Citations sur Partir avant le jour (40)

Ce fut à Saint-Valéry-sur-Somme que je vis la mer pour la première fois. Elle me fit immédiatement horreur. Il me semblait que toutes ces vagues se ruaient vers moi et je grelottais dans mon costume de bain. [.................].
Un jeune homme qu'on voyait sur la plage, le maître-baigneur sans doute, fut chargé de m'enseigner les mouvements, et parce que je suffoquais en m'enfonçant dans l'eau glaciale, on me dit que j'étais une poule mouillée. Quoi qu'il en soit, le jeune homme qui se tenait debout dans l'eau, une cigarette à la bouche, me saisit par une ceinture qu'il m'avait passée autour de la taille et m'indiqua ce que j'avais à faire de mes bras et de mes jambes. Je me souviens qu'il portait un maillot rayé et qu'il avait les cuisses nues, ce qui me parut nettement impur, mais je n'eus pas le loisir de m'attarder à ces considérations.
"S'il me lâche, pensais-je, je me noie." Et comme s'il eût deviné ce que j'avais en tête, il me lâchait en effet pour rallumer sa cigarette qui s'éteignait sans cesse. Je coulais immédiatement à pic et, sa cigarette rallumée, le garçon me repêchait. A cette école, je n'appris qu'à ajouter une épouvante à toutes celles dont je semblais faire collection. En sortant de l'eau, je tremblais si fort qu'on me crut malade et les leçons furent interrompues.
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Il me semble que ce que nous faisons de plus sérieux sur cette terre, c'est d'aimer, le reste ne compte guère.
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La femme de chambre, qui s'appelait Gabrielle, était une fort belle fille, enjouée, vive, toute rose. J'insiste sur le fait qu'en la voyant on songeait à une rose. Chaque matin, en effet, et c'est pour cela que je me souviens si bien d'elle, cette fille buvait un bol de sang. Le bol qu'elle portait à ses lèvres avec un plaisir évident était épais et blanc, et le sang d'un noir sinistre, cerclé de rouge. On m'expliqua qu'elle avait les poumons fragiles et que cette médication lui était nécessaire. Horrifié, mais fasciné aussi, je la regardais boire. La main à plat sur la hanche, elle jetait la tête en arrière et se régalait.
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Ma mère me baignait elle-même, passant sur mes épaules et le long de mon dos un de ces lourds savons de Marseille dont elle ne se déshabitua jamais. L'opération terminée, elle se relevait et s'éloignant de la baignoire me considérait d'un air désapprobateur. C'est ici que les mots peuvent me trahir et qu'il faudrait en inventer d'autres pour décrire ce qui se passait dans les yeux de cette femme que j'aimais tant. Je la sentais à la fois mécontente et attentive. " Le cou, disait-elle, et maintenant les oreilles , et derrière les oreilles." J'obéissais. " Le corps à présent...Sous les bras et devant..." Le corps, THE BODY, elle disait ce mot de telle sorte que jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans j'hésitais à m'en servir, comme s'il eût désigné une chose honteuse.
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La guerre ! La revanche ! C'était le rêve de M. Mougeot. Ma haine de l'Allemagne ne connaissant plus de bornes, je me jetai sur ma grammaire allemande que je mis en pièces. A coup sûr, c'en était fini de ces infernales déclinaisons et de ces verbes qui se voyaient rejetés comme à coups de pieds jusqu'au bout de la phrase.
Le lendemain, j'achetai de petits drapeaux de papier que je piquai sur une carte pour marquer la marche en avant des troupes françaises dans le sud de l'Alsace, et ma mère me regardait. Un jour, nous vîmes défiler le long du boulevard Carnot un régiment de fantassins en pantalons rouges, et huit jours plus tard, en sens inverse, des réfugiés.
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N'importe quoi...
Ecrire n'importe quoi est peut être le meilleur moyen d'aborder les sujets qui comptent, d'aller au plus profond par le chemin le plus court.
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Dans une lettre de Keats, ceci : 'Je pousse toute chose à l'extrême, en sorte que si j'ai la moindre petite contrariété, elle devient, dans l'espace de cinq minutes, un sujet digne de Sophocle'. Souffert un peu de cela toute ma vie avec cette différence que mon imagination, sans grossir les faits, tend à les déformer et à les dénaturer. C'est peut-être le romancier qui travaille en moi ! Or le romancier en moi n'est autre que le fou que j'aurais été peut-être si je n'avais pas écrit de romans. Sans doute, j'exagère un peu, mais mon équilibre, je le dois à l'encre et au papier.
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Tous les hommes ont connu cet instant singulier où l'on se sent brusquement séparé du reste du monde par le fait qu'on est soi-même et non ce qui nous entoure. Je laisse aux spécialistes le soin d'expliquer ces choses où j'avoue ne pas voir très clair. Tout ce que je retiens est que, pour ma part, je sortis à ce moment-là d'un paradis. C'était l'heure mélancolique où la première personne du singulier fait son entrée dans la vie humaine pour tenir jalousement le devant de la scène jusqu'au dernier soupir. 
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Je ne savais pas du tout ce que c'était que la mort et le visage bouleversé de ma mère me troubla. Je ne trouvais plus ma place dans son regard tragique, elle ne me voyait pas, elle ne voyait personne, elle se taisait.
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De ces années obscures, je garde le souvenir d'une minute de ravissement telle que je n'en ai jamais connu depuis. Doit-on dire ces choses ou les garder pour soi ? Il y eut un moment, dans cette chambre où levant la tête vers la vitre, j'aperçus le ciel noir dans lequel brillaient quelques étoiles. Quels mots employer pour décrire ce qui échappe au langage ? Cette minute fut peut-être la plus importante de ma vie et je ne sais qu'en dire. J'étais seul dans cette pièce sans lumière, et le regard levé vers le ciel j'eus ce que je ne puis appeler qu'un élan d'amour. J'ai aimé ce monde, mais jamais comme en ce court moment, et je ne savais qui j'aimais. Pourtant, je savais qu'il était là et que me voyant il m'aimait aussi. Comment cette pensée se fit-elle jour dans mon cerveau ? Je n'en sais rien. J'étais sûr que quelqu'un était là et me parlait sans paroles. Ayant dit cela, j'ai tout dit. Pourquoi faut-il écrire que dans aucun discours humain je ne retrouvai ce qu'il me fut donné de ressentir, le temps de compter jusqu'à dix, alors que j'étais incapable de former trois mots intelligibles et que je ne me rendais même pas compte que j'existais ? Pourquoi faut-il écrire que j'oubliai cette minute pendant des années, que le torrent des jours et des nuits l'effaça presque de ma conscience ? Que ne l'ai-je pas gardée dans les jours difficiles ! Pourquoi m'est-elle rendue maintenant ? Qu'est-ce que tout cela veut dire ? 
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