Le premier jour du reste de ma vie

L’espoir d’une fin de vie plus heureuse, ça vaut tous les pays du monde.

Elle n'aime pas l'avouer, mais cette pause a été bénéfique. Elle a réalisé que le bonheur se cachait dans les petits moments du quotidien.

Partir a été sa décision la plus difficile. Abandonner tout ce qui a été sa vie durant vingt ans, quitter tous ses repères, transformer son quotidien en souvenirs, mettre un terme à sa famille, ça ne se fait pas sans mal. Mais une fois que ses filles ont planté cette idée dans sa tête, elle n'a plus pensé qu'à ça.

Assises autour d'une table ronde et d'un plateau de fruits de mer, les trois amies regardent le ventriloque qui entre sur scène. Camille pouffe.

- Sans déconner, les filles, vous allez pas me dire que vous aimez ça ?

- Moi, j'aime bien, répond Anne en attrapant une huître. Ils sont très doués.

- T'as raison. Depuis quand faut être doué pour mettre le bras dans le cul d'un singe en peluche ?

Elle avait envie de l'insulter, de le mordre, de lui cracher au visage, de lui faire payer son abus de supériorité physique. Mais rien n'est sorti. Elle est restée impassible. Les habitudes sont longues à perdre.

L’amour peut frapper à tout âge, partout. Même quand on ne l’attend pas. Il serait dommage de lui tourner le dos. Nous allons tous au même endroit ; autant rendre le chemin plus heureux

Le paysage commence à bouger : le paquebot manoeuvre pour quitter le port. Elle prend une profonde inspiration, insère les écouteurs dans ses oreilles, lance Jean-Jacques Goldman, dépose la pelote sur ses genoux et sourit en activant ses aiguilles.

Il y a deux ans, Camille était grosse. Pas ronde, pas enrobée, pas potelée, pas généreuse,pas dodue, pas forte. Grosse.

Parce que la vie c'est comme un tour de magie. Quand on est enfant, on ne voit que le devant de la scène. C'est fabuleux, on s'émerveille, on se pose des questions, on a envie d'en savoir plus. Puis on grandit. Peu à peu les coulisses se dévoilent, on réalise que c'est compliqué. C'est moins joli, c'est meme parfois moche on est déçu. Mais on continue quand même à s'émerveiller.

Nous allons tous au même endroit, autant rendre le chemin plus heureux