Les plus grandes joies viennent des oeuvres dont on n'attendait rien car si le tome 1 était fort sympathique, le tome 2 est lui carrément une franche réussite à l'histoire poignante et aux graphismes aboutis : mieux, un merveilleux conte historique pour petits et grands !
Ce qui m'a frappé de prime abord c'est la bonne volonté et la bonne humeur qui transpire dans la manière donc la fiction rejoint la réalité : les personnages de cette BD incarnent tout en les mélangeant de manière savoureuse les protagonistes de "
Notre-Dame de Paris" et des "Misérables", et durant le siège de la capitale
parisienne en 1870-1871 c'est un grand plaisir de voir évoluer les alter ego de Jean Valjean, Fantine, Causette, Marius, Gavroche, mais aussi d'Esméralda et de Quasimodo. Ainsi en retrouvant l'Écureuil,
Victor Hugo devient Jean Valjean, mais en retrouvant Esméralda, l'Écureuil devient Jean Valjean à son tour : magnifique passage de témoin entre les générations, donc enfin un jeu d'écriture postmoderniste qui ne se regardent pas le nombril !
Mais l'Écureuil
, alias Irène Dayton fille de l'ambassadeur américain naguère enlevée puis abandonnée à son sort, n'est pas qu'une sauvageonne candide qui hante les toits de Panane, c'est aussi un avatar du Héros aux Mille et un visages (mythe immémorial de l'humanité qualifié d'idéologie fasciste par par les intellos freudistes qui prennent leur cas personnels pour une vérité universelle) ! Pour devenir adulte l'Écureuil doit se confronter à son croquemitaine, mais si Max le voleur est un méchant dixneuvièmiste archétypal il incarne également Javert, Claude Frollo, et cette grosse pourriture ploutocratique et suprématiste d'
Adolphe Thiers, le pire ennemi que la France n'aie jamais eu (et qui absent par sa personne est omniprésent dans le récit par ses décisions et ses actions).
A travers les aventures et les mésaventures de l'Écureuil nous suions celle de la Commune, et le détournement de Fifi Brindcier finiy par devenir plus que jamais l'Esprit de Paname, que tout le monde y compris elle-même juge immortelle jusqu'au jour ou elle mettra pied à terre. Mais les dieux ont un étrange sens de l'humour : c'est bien ce qui arrive lors de sa confrontation avec son croquemitaine, et elle se retrouve sous le feu croisé des chiens de gardes du Grand Capital et des révolutionnaires idéalistes car Adolphe Hitler, euh pardon
Adolphe Thiers a décidé d'en finir une fois pour toute avec la vermine communarde qui après avoir vaillamment combattu l'envahisseur prussien en lieu et place de la bourgeoisie qui a lâchement lui fui devant l'ennemi ose prêcher la liberté, l'égalité et la fraternité...
La fin douce-amère est d'une immense tristesse :
tout le monde se demande si l'Écureuil a survécu à la tourmente de feu et de fer, alors que l'Écureuil lui contemple les Tuilleries en flammes, bûcher des rêves de la population parisienne dans lequel ont sans doute péri bon nombre de ses amis et de ses amies… le mot fin n'apparaît finalement même pas : la fin est-elle est un commencement ? Au fond de la Boîte de Pandore reste-il l'Espoir ? Durant la IIIe République L'Écureuil va-t-il grandir en même temps que la démocratie ???
Les graphismes ne sont pas ma tasse de thé, mais j'ai été bluffé par leur maîtrise tant dans la fantasmagorie de l'Écureuil blessée qui confond rêve et réalité, que dans la mise en scène de l'écrasement dans le sang de la Commune qui mêle épique et tragique, espoir et désespoir... J'espère de tout coeur que l'histoire n'est pas vraiment finie, et qu'une bonne fée animatrice se penchera sur le berceau de son éventuelle adaptation au grand ou au petit écran...