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sur 1152 notes
Pulvérisée. Je suis sortie pulvérisée de ce texte, l'âme en vrac, écrasée par le poids de la petite et précieuse marchandise.
J'ai pourtant beaucoup lu autour de la Shoah, malmenée à chaque fois, horrifiée, découragée, meurtrie, mais sauvegardant une capacité à mentaliser puisque toute rationalisation est impossible.
Cette fois, que nenni. Jean Claude Grumberg m'avait touchée en plein coeur.
Et puis j'ai compris que cela avait trait à la forme. Un conte. Un conte qui, dans l'usage, s'adresse à des enfants. Qui fait peur, certes, mais qui permet d'exorciser l'effroi. Bettelheim l'avait expérimenté tout comme Freud avant lui, le conte plonge directement "dans les parties les plus primitives de la psyché", prenant ainsi une valeur thérapeutique et constructive. Bettelheim suggère que "le conte aide l'enfant à découvrir le sens profond de la vie tout en le divertissant. Les contes stimulent l'imaginaire de l'enfant et l'aident à voir clair dans ses émotions mais aussi à prendre conscience de ses difficultés tout en lui proposant des solutions possibles aux problèmes qui le troublent. " (1)
En inversant les codes, Jean Claude Grumberg nous propose un sophisme infernal dont il joue même dans son épilogue.
Mon âme d'enfant a adhéré à cette petite musique avant de se fracasser contre la réalité.
C'est là toute la puissance de ce texte qui fourvoie le lecteur dans les méandres archaïques de l'enfance, avant de le laisser, nu et pauvre comme Job, face à une réalité implacable.
Oui, des hommes, femmes, enfants, vieillards ont enfumé les ciels de l'est. Oui, des presque vivants sont revenus et ont cherché en vain leur enfant. Oui des méchants traquaient ceux qu'ils croyaient sans coeur. Et, sûrement, dans quelque bois lointain, une pauvre bûcheronne a vu inlassablement passer des trains où agonisait l'humanité.
Un texte magistral, mais d'une rare violence.
(1) Cairn
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À l'heure où, paraît-il, un jeune Français sur cinq n'a jamais entendu parler de la Shoah (comment est-ce possible alors que ce sujet est au programme d'Histoire en CM2, en 3e et en 1ère ??? L'école est bien obligatoire jusqu'à 16 ans, non ?), à une époque où il serait bon de rappeler que six millions d'enfants, de femmes et d'hommes juifs ont été assassinés, il me semble que rien n'est plus nécessaire ni plus efficace qu'un conte.
Parce qu'un conte happe son lecteur, s'empare de lui, le retient et ce, pour plusieurs raisons : son langage, son intrigue et sa structure narrative sont simples, on le comprend facilement, il est donc accessible à tous. Par ailleurs, le conte, par quelques détails symboliques, donne à voir, à imaginer, et donc facilite l'accès au sens de l'oeuvre. Enfin, il entraîne son lecteur dans une histoire dont le suspense évite l'ennui : il est divertissant et, comme vous le savez, l'on aime ce qui nous détourne de...
À tout cela s'ajoute la présence d'un narrateur-conteur qui interpelle le lecteur, le rassure, le prend par la main pour le conduire sur des chemins peu praticables. 
On lit donc volontiers un conte et on n'en abandonne jamais la lecture. Voltaire savait cela et en profitait pour dire ce qu'il avait à dire.
Et surtout, on n'oublie pas un conte. Non, on s'en souvient forcément, il marque les esprits et il est assez aisé de le raconter à son tour, sans même avoir sous les yeux le texte. Un conte se raconte, il est l'objet d'une transmission orale qui traverse les générations.
Donc, notre époque avait besoin d'un conte. Il était temps. Cela devenait urgent.
Mais un conte relate une histoire qui n'existe pas, une fiction. Utiliser cette forme pour parler d'un des événements les plus tragiques de notre Histoire peut paraître paradoxal. Dans le fond non. Les rescapés des camps de concentration le craignaient : personne ne va nous croire, personne ne peut nous croire. Effectivement, comment peut-on imaginer que les hommes soient capables des pires horreurs ?… Il faut beaucoup d'imagination et de folie pour oser penser une chose pareille. Pour dire l'incroyable, l'impensable, l'inimaginable, le conte n'est-il pas, finalement, la forme littéraire la mieux adaptée, lui qui ne puise que dans ce que l'on ne peut admettre comme vrai ?
« Pardon ? Encore une question ? Vous voulez savoir si c'est une histoire vraie ? Une histoire vraie ? Bien sûr que non, pas du tout. Il n'y eut pas de trains de marchandises traversant les continents en guerre afin de livrer d'urgence leurs marchandises ô combien périssables. Ni de camps de regroupement, d'internement, de concentration, ou même d'extermination. Ni de familles dispersées en fumée au terme de leur dernier voyage... »
Ben oui, voyons, encore une fois, qui peut imaginer une chose semblable ?
Sans jamais utiliser le terme Shoah, l'auteur nous fait comprendre le pire, l'impensable, l'inimaginable avec des mots simples et de doux euphémismes. Et notre gorge se serre parce que l'on sait que cette folie, cette inhumanité absolue, les hommes en ont été capables.
Trois petites pages, à la fin du livre, portant le titre « Appendice pour amateurs d'histoires vraies » donnent des noms, des chiffres, des dates.
Et l'on comprend que c'était bien un conte qu'on lisait, une histoire où une enfant filant vers les camps de la mort avait pu s'en sortir…
« Voilà la seule chose qui mérite d'exister dans les histoires comme dans la vie vraie. L'amour, l'amour offert aux enfants, aux siens comme à ceux des autres. »
Mais le réel, bien plus cruel, tellement plus cruel, n'a permis à aucune petite fille de rencontrer une pauvre bûcheronne prête à l'aimer comme une mère...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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C'est un conte... dont l'auteur prend le lecteur par la main, comme il le ferait avec un enfant, et le guide tout doucettement
- vers les atrocités commises pendant la seconde guerre mondiale.

C'est un conte... dont l'écriture est sobre, dont le déroulement est linéaire, dont le vocabulaire est usuel, dont les répétions, onomatopées et interjections évoquent le langage parlé
- mais cette fausse naïveté cache à peine un sens de la formule qui transperce le coeur.

C'est un conte... dont l'univers est semblable à celui de milliers d'autres contes, un univers pourvu d'une forêt sombre qui cache un être mystérieux, dans lequel vivent de pauvres bûcherons, et dans lequel un bébé abandonné dans la neige est recueilli
- pourtant, cet univers est traversé par un train de «marchandises» dont le lecteur devine d'emblée le contenu et la sinistre destination.

C'est un conte... dont les protagonistes ne sont pas désignés par leur nom mais par une image ou un euphémisme : pauvre bûcheronne, précieuse marchandise, vert-de-gris tête-de-mort
- qui implique une distanciation et masque l'infamie

C'est un conte... qui finit bien et dont la morale est optimiste : l'amour triomphe et met le mal en échec
- mais combien de sacrifiés pour une seule enfant passée au travers des filets ?

C'est un conte... une gentille petite histoire imaginaire, imaginée par Jean-Claude Grumberg
- pour nous appeler à ne pas oublier la hideuse réalité de l'Histoire
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Il était une fois une pauvre bucheronne en mal d'enfant. Elle prie les Dieux de lui en accorder un, tout en regardant passer les trains qui traversent sa forêt lointaine. Un jour, son souhait est exaucé…
Voici une façon peu commune de raconter l'holocauste, peu commune de raconter l'horreur.
Quel joli récit ! Oui, je sais. Comment qualifier de "joli "un récit sur la shoah ?
C'est pourtant bien l'exploit qu'a réalisé Grumberg avec ce conte.
La temporalité floue du conte, les personnages simples, l'absence de références explicites aux faits historiques donnent une dimension universelle au destin de « la petite marchandise ».
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Un livre qui commence par « Il était une fois », ça ne peut être que gentil non ? Pourtant, les pages suivantes parlent de guerre mondiale, de gens déplacés dans des trains, et on comprend qu'on ne va pas avoir droit à une histoire pour bien dormir.

Le choix du conte pour traiter d'un sujet comme les camps de concentration est assez déstabilisant au premier abord. Pourtant, le côté minimaliste donne tout son sens au récit : on ne cherche pas à expliquer, ni à décortiquer des causes complexes, mais on rappelle que des gens ont mis plein d'autres gens dans des wagons de bétail pour les éliminer à l'arrivée. Une réalité crue à laquelle on est forcé de faire face, sans pouvoir trouver des excuses à l'un ou à pointer du doigt l'autre.

Un petit livre court mais poignant, qui montre qu'on peut dire beaucoup en peu de mots.
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L𠆚uteur Jean-Claude Grumberg dit avoir choisi le conte «parce que raconter la vérité est impossible », justifiant ainsi le choix du conte pour décrire l’indicible.
Nous voilà donc plongés dans l’horreur de la deuxième guerre mondiale, sous la forme (inattendue) d’un joli conte allégorique, intemporel et universel.
Un conte pour lutter encore et toujours contre l’oubli.
Un livre indispensable qui nous donne, malgré tout, de l𠆞spoir.
Un texte à lire et offrir.
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Dans une forêt à l'Est de l'Europe, vivent un couple de pauvres bûcherons. La bûcheronne est triste car ils n'ont jamais eu pu avoir d'enfant. C'est la guerre et au milieu de cette forêt, circulent des trains, pleins dans un sens, vides dans l'autre. Un jour, la bûcheronne reçoit un bébé lancé du train. C'est la petite fille d'un jeune père de famille juif qui a essayé de sauver un de ses jumeaux. Contre l'avis de son mari, la bûcheronne recueille la petite fille et malgré la famine, lui trouve à manger . Peu à peu, le coeur du bûcheron s'attendrit devant le bébé qui grandit. Mais un jour, ses collègues de travail viennent enlever la fillette car ils ont compris ses origines, le bûcheron lui sauve la vie en sacrifiant la sienne. La bûcheronne fuit avec la fillette. le camp de concentration où a survécu le père de la fillette est libéré et désormais, le jeune père cherche sa fille. Pourra-t-il retrouver sa trace ?

J'avais lu à plusieurs reprises des avis positifs de lecteurs sur ce court roman de 90 pages et passionnée par la littérature abordant le thème de la Seconde Guerre Mondiale, cela faisait longtemps que je souhaitais lire ce roman.
Je l'ai trouvé très touchant et atypique par sa forme, il se présente comme un conte n'ayant rien de réel, pourtant de telles histoires ont eu lieu comme on le sait à présent et l'existence des camps de concentration n'est pas contestable.
Son fond, c'est-à-dire l'écriture même du livre, est aussi atypique, il y a des répétitions volontaires et des gradations pour bien préciser la pensée de l'auteur. de plus, la langue même employée paraît un peu datée, renforçant sans doute les ressemblances avec le genre du conte voulu par l'auteur. D'ailleurs, cette volonté de créer un conte peut paraître étrange, surtout à notre époque, mais j'interprète ce souhait de l'auteur comme la volonté de créer une oeuvre atemporelle ayant pour but de faire réfléchir les lecteurs.
La fin du livre est inattendue et très émouvante, elle donne matière à réflexion.
Ce roman permet aussi de s'interroger sur le racisme et l'antisémitisme, sur la différence suscitant le rejet des autres comme à travers la fillette juive ou l'ancien soldat qui à cause de son physique mutilé, doit vivre caché dans la forêt la plus profonde, et de réfléchir à la générosité, le don de soi, l'Amour.
Je pense que ce roman peut être lu par des adultes bien sûr mais aussi par un lectorat adolescent dès la fin du collège et plus tard car il est simple à comprendre mais riche de sens et de profondeur. C'est une grande oeuvre qui mérite d'être connue.
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J'ai lu ce livre très rapidement, mais je m'en souviendrai longtemps.
Il s'avère que la forme du conte est particulièrement adaptée pour parler de la Shoah.
J'avais entendu Jean-Claude Grumberg en parler sur France Inter et cela m'avait déjà beaucoup touchée, mais je referme ce petit livre encore plus bouleversée.
C'est une lecture marquante et indispensable.
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Je suis aller écouter un ami qui a fait une lecture publique de ce texte à l'institut des jeunes aveugles.
Il nous a tout de suite embarqué dans cette belle histoire, prenante, particulièrement émouvante, d'une écriture faussement naïve.
Le livre se prête a l'exercice de la lecture publique et c'est aussi une belle façon de nous rappeler l'horreur de l'histoire, un devoir de mémoire par un conte à peine elliptique !
L'affrontement entre l'humanité la plus humble et la déshumanisation du fascisme. Je ne sais combien des plus jeunes auront lu un jour ce livre, mais dans la salle il y en avait très peu... malheureusement.
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Petit conte à la fois tendre et terrible. Les éléments attendus du conte pour enfant sont là : un couple de bûcherons vivant au coeur de la forêt et qui ne peut pas avoir d'enfant. Pourtant, il ne s'agit pas d'un conte : c'est une histoire vraie. En décrivant l'horreur de la Shoah à travers le regardant innocent d'une ignorante, le conte permet une distanciation et une ironie dramatique poignante. le train des déportés devient ainsi le train des dieux. Mais en même temps, cela permet de replacer l'humain à égalité, sans considération de son origine ou de ses croyances. La femme du pauvre bûcheron, sans préjugé, prend chaque être pour ce qu'il est. Aussi, un enfant (juif) trouvé dans la neige polonaise sera un trésor inestimable pour la femme qui devient mère par hasard, sans s'inquiéter des risques pris. ...
(Plus sur Instagram!)
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