Joseph Kaplan est un danseur fabuleux. La valse et le tango l'emmènent sur toutes les pistes. Dans ses bras, les filles les plus empotées deviennent des sylphides.
Mais Joseph n'est guère physionomiste. Quand il les croise ensuite dans la rue, il les dépasse sans les reconnaître.
Devenu médecin, il part pour Alger à l'Institut Pasteur. C'est là qu'il intègre un petit groupe composé de Maurice, Christine, Nelly. La vie est belle. Pourtant, la guerre arrive qui va faire voler son bonheur en éclats.
A travers les aventures de son personnage,
Jean-Michel Guenassia nous fait traverser un siècle à toute allure. Fiction et Histoire avec un grand H se mêlent habilement. Né en 1910, Joseph nous emmène sur les pistes de danse des établissements de Paris. Il nous parle avec enthousiasme du tango et de
Carlos Gardel. Il sillonne ensuite les quartiers d'Alger et fait de nous des habitués du Café Padovani.
Mais même dans cette ville, les juifs sont raflés. Dans les djebels, les habitants souffrent de la faim, triment comme des esclaves, meurent du paludisme. Loin de ses éprouvettes, Joseph est confronté aux dures réalités du terrain.
Dans les années 40, l'avortement est interdit. Les femmes qui ont recours aux « faiseuses d'anges » y laissent souvent la vie.
La Tchécoslovaquie existe encore. S'y rendre n'est pas une mince affaire. Quand Joseph arrive enfin à Prague, il y cherche en vain son père. Là aussi, la déportation a fait des ravages. La politique du pays est dangereuse. Les amis d'hier peuvent devenir des ennemis. Ces aimables voisins ne sont-ils pas des espions? Et quand on est emmené dans les geôles de l'État, on sait quand on y entre, jamais quand on en sortira, ni même si on en sortira un jour.
Mais quand apparaîtra Ernesto? Et qui est-il? Cette découverte est un moment fort du livre. Il vaut donc mieux ne pas lire la quatrième de couverture avant d'entamer ce gros roman, et surtout, ne pas consulter les avis des lecteurs qui vendent la mèche dans leurs commentaires et privent ainsi celui qui va entrer dans l'histoire du plaisir de la surprise.
Pas un temps mort dans cette formidable aventure qui nous fait faire des découvertes dans tous les domaines.
J'ai éprouvé une autre grande satisfaction. C'est celle d'avoir déjà lu «
Le club des incorrigibles optimistes » et de pouvoir retrouver, dans ce deuxième roman, des personnages du premier. de me dire: « tout le monde se demande où a disparu untel et ce qu'il est devenu, et moi, je le sais! ».
J'ai éprouvé beaucoup d'admiration pour Joseph, capable de faire ce qui me paraît impossible: mettre les mauvais moments derrière lui et pardonner. Même âgé de cent ans, Joseph sait tirer un trait sur le passé et regarder vers l'avant.
Ce livre compte cinq cent trente-cinq pages, pourtant, j'en ralentissais la lecture parce que je n'avais pas envie de quitter Joseph et son univers.
Je peux donc dire que j'ai adoré et je le recommande chaudement.