Après l'échec de sa mission au Congo en 1966,
Ernesto Guevara séjournera plus de 4 mois à Prague. Sa présence est clandestine car il se méfie des services secrets tchèques. Atteint de paludisme, souffrant d'asthme chronique, ne pesant alors plus que 48 kgs, c'est un homme à l'agonie qui arrive à Prague. Personne ne sait pourquoi il s'est réfugié dans cette ville dont le climat n'est pas le plus approprié pour se refaire une santé avant de se lancer dans le projet fou en Bolivie.
A cette question nul aujourd'hui ne peut répondre, sauf
Jean-Michel Guenassia qui a imaginé, avec tout le talent qu'on lui connaît, une uchronie dans laquelle il propose sa version des faits....
Si plusieurs histoires s'imbriquent les unes dans les autres dans ce roman, le fil conducteur est Joseph Kaplan, un centenaire qui retrace tous les événements de sa vie. Né en 1910 à Prague, il connaîtra tour à tour la Première Guerre Mondiale, la Révolution Russe, la Guerre d'Espagne, la Seconde Guerre Mondiale, l'avènement du Communisme et sera témoin de la chute du Mur dont il dira, lui qui fut élu député au parti communiste tchécoslovaque, qu'elle a été l'écroulement de la pire dictature de tous les temps, du plus grand mensonge de l'histoire de l'humanité.
Chez les Kaplan on est médecin de père en fils, Joseph sera donc médecin mais il a une passion qui lui tient à coeur, il aime danser, danser pour séduire. Tout ce qu'il fait, il le fait avec sérieux et assiduité. Brillant étudiant de médecine, il l'est tout autant quand il évolue sur la piste de danse où il est passé maître ès-tango, sur les notes langoureuses des chansons de
Carlos Gardel, son dieu. Devenu médecin-biologiste, il quittera Prague pour Alger où il devra vivre caché dès les premières rafles de juifs. Il apprendra à s'adapter aux conditions difficiles, à soigner avec des moyens précaires, il apprendra à aimer son prochain. En 1945, il quittera Alger avec Christine, une jeune femme féministe avant l'heure, qui prône l'égalité et les idées pacifistes. de retour à Prague, il sera missionné par les hautes autorités politiques du Pays, de soigner secrètement le Che en 1966.
Le roman s'articule autour d'un trio, Joseph, Christine, l'amour de sa vie et Helena, sa fille pour qui Enersto G. aurait peut-être abandonné la lutte armée, par amour.
Merci à l'auteur pour ce grand plaisir de lecture renouvelé après
le Club des Incorrigibles Optimistes, paru en 2009.
Jean-Michel Guenassia est un conteur extraordinaire, qui sait nous faire ressentir de l'empathie pour ses personnages jetés dans le hasard des tourments de l'histoire. Il s'approprie l'histoire sans la trahir et nous livre une fresque captivante du XXème siècle, teintée d'un idéal communiste déchu.
Il écrit : « « Il y a deux façon d'écrire l'Histoire : dans l'action, au moment où elle s'accomplit, ou à tête reposée, longtemps plus tard, avec le recul du temps, quand les passions sont apaisées. le point de vue est alors si différent qu'on se demande comment ces faits ont pu avoir lieu, on a du mal à en comprendre les acteurs, leurs motivations, leur inconscience. Tous les Tchèques se sont posé cette question, se sont interrogés sur les raisons de leurs choix. La plupart n'ont trouvé qu'une seule réponse : à cette époque, nous étions sincèrement convaincus d'avoir raison et on ne savait pas ce qui allait se passer. Après coup, c'est plus facile d'être lucide, on a eu accès à des témoignages, des archives, et on connaît le résultat du match. »
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