Livre reçu grâce à l'opération Masse Critique.
Être isolée sur une île : sous le pléonasme se cache une réalité : celle vécue par Cléo, une poétesse cubaine, déclarée dissidente par son gouvernement après que l'un de ses recueils ait été primé en Espagne. Cleo vit donc quatre isolements : un isolement géographique, (celui de l'île), un isolement politique (celui incarné par le régime castriste), un isolement social (personne ne veut être vu en compagnie d'une dissidente et même lors d'un voyage au Mexique, où elle retrouve des exilés cubains, ces derniers la suspectent d'être une espionne à la solde du gouvernement) et un isolement volontaire, personnel et salutaire : car cette capacité qu'a Cleo de se renfermer sur elle-même est une manière de se protéger.
Il faut préciser que Cleo a perdu ses parents quelques temps plus tôt, dans un accident de voiture qui ressemble fort à une manoeuvre du gouvernement pour faire taire à jamais deux scientifiques qui avaient travaillé pour l'Etat. Dans ces conditions, la mélancolie de Cleo s'explique aisément. La poétesse subit aussi la censure puisqu'aucun de ses écrits n'est publié à Cuba. La situation est a priori incompréhensible, puisque les poèmes de Cleo ne revendiquent rien politiquement mais la poésie, par son caractère trouble et mystérieux, presque chamanique, recèle probablement, en sa nature même, un danger pour le régime.
Le Cuba que décrit Cleo - et donc
Wendy Guerra - est pourtant le Cuba contemporain : un Cuba que les Etats-Unis d'
Obama font revenir dans la communauté internationale, un Cuba dont les artistes s'exportent, un Cuba qui fascine donc par son histoire et son caractère désuet. Mais derrière la carte postale d'une La Havane éternelle surgissent les dérives d'un régime toujours autoritaire : les perquisitions qui ne laissent rien derrière elles, les caméras cachées qui espionnent la vie privée, la figure très cubaine du seguroso, cet ami de la famille qui sert d'intermédiaire entre le citoyen et le gouvernement, sorte d'espion autorisé par les familles, rapporteur dont on supporte la présence pour éviter celle des agents gouvernementaux.
Au milieu du livre apparaît Geronimo, un acteur hollywoodien d'origine cubaine, qui annonce une nouvelle bouleversante pour Cleo : elle serait la fille d'un certain Mauricio Rodriguez, sote d'homme insaisissable, travaillant pour le gouvernement cubain et, peut-être, pour le gouvernement américain. Geronimo souhaite faire un film sur cet homme. Entre Geronimo et Cleo s'établit une relation amoureuse et sexuelle. Partagée entre cette relation, la quête d'un nouveau père, l'écriture de ses poèmes, la conservation de ses poèmes et ses voyages à New York et Paris, Cleo se perd et, il faut bien le dire,
Wendy Guerra nous perd un peu. Peut-être le roman reste-t-il trop en surface des choses et des multiples sujets qu'il aborde.
Quoique l'on dise du style (sans crier au génie, le roman est écrit dans un style simple, se perdant certes parfois en conjectures qui paraissent très personnelles, mais tout est parfaitement intelligible),
Un dimanche de révolution a le mérite de dessiner le portrait d'une Cubaine tiraillée entre les soubresauts d'un régime encore assez puissant pour contrôler ses citoyens et ses désirs d'artiste et de citoyenne du monde. le livre jette un regard critique, voire pessimiste, sur Cuba : au moins l'avertissement est salutaire, d'autant plus que l'ouverture récente de Cuba pourrait faire penser que l'île a définitivement tourné le dos à la dictature. Une erreur qu'
Un dimanche de révolution nous permet d'éviter.