Un certain nombre d'amateurs de dessins, avisés et actifs, avaient alors formé à Paris des Cabinets de premier ordre. Plusieurs de ces collections furent dispersées aux enchères, celle de M. Crozat, par exemple. On en proposa au roi l'acquisition en bloc, mais le cardinal Fleury refusa, sous prétexte que le roi avait déjà assez de fatras. Malesherbes, plus tard, ne laissa pas non plus la surintendance acheter tous les dessins réunis par Mariette. Il est vrai qu'on en demandait un prix fort élevé. Au moins, vivement sollicité par Joly, garde des Estampes de la Bibliothèque, et par Cochin, ami de Mariette, Malesherbes ouvrit-il un crédit de 52,000 livres qui permit l'acquisition de mille trois cents dessins. C'était la première fois, croyons-nous, que le Cabinet royal était représenté à une vente publique.
Depuis l'arrivée de Reiset au Louvre, les propositions d'acquisition étaient devenues nombreuses; on en retrouve aux archives du Louvre les dossiers complets, et ils sont curieux à consulter. Sans doute, bien des possesseurs de mauvaises miniatures de membres de la famille impériale s'efforcent de vendre à l'empereur ces souvenirs de famille dont il n'a que faire; par contre, des œuvres intéressantes de David, Géricault, Watteau, Largilliére, Oudry, etc., furent offertes sans succès. L'administration faisait presque toujours la même réponse : l'état de la caisse interdit toute acquisition.
Les hommes de la Révolution portèrent aux dessins plus d'intérêt et plus d'attention qu'on ne l'imaginerait. Nous indiquons seulement, pour mémoire, la lettre par laquelle Le Sueur demande une ouverture de crédit au ministère de l'intérieur pour l'acquisition de pièces étrangères, et la réponse favorable qu'on lui fit. Les dessins français ne furent pas négligés. En l'an II, on achète au marchand Lebrun, deux œuvres de Ch. Le Brun : le Triomphe de Constantin et la Chute de Maxence, pour 3,600 livres, somme très importante à cette époque.
Les dessins de Charles Le Brun constituent la première collection importante de pièces françaises entrées dans les collections royales. Le Brun était Premier Peintre de Louis XIV. Il fut comblé d'honneurs et de pensions, mais à charge de laisser au roi, après son décès, toutes les œuvres qu'il possédait. A sa mort, la surintendance des bâtiments prit des mesures très sévères pour que rien ne fût distrait de sa succession. Elle retint même des dessins qui appartenaient sans aucun doute à la veuve de l'artiste.
Nous ignorons quand le Cabinet royal des dessins, origine de la collection actuelle du Louvre, fut créé. Les souverains qui précédèrent Louis XIV ne négligèrent sans doute pas les croquis de leurs peintres favoris et des artistes italiens. On ne trouve pas trace, cependant, d'une collection royale de dessins avant 1671, et dans les séries constituées après cette date, on ne rencontre pas de pièces auxquelles on puisse attribuer, comme origine, un Cabinet royal antérieur.