Ne les laisse pas prendre ça aussi.
- Prendre quoi ?
- Les Anglais ont laissé leur empreinte partout, ne les laisse pas nous diviser. Ne les laisse pas détruire les familles et les amitiés. Si nous nous battons entre nous, il ne nous restera rien. Ils auront vraiment détruit les Irlandais. Et on aura fait tout le sale boulot à leur place.
Tout le monde s'est mis à pleurer. Les hommes, les femmes. Les anciens amis et les nouveaux ennemis.
Et la guerre a fait son retour en Irlande.
- Où es-tu, Anne ? On dirait que tu as perdu toute ton énergie. Tu parais vidée.
Je ne pleurais pas seulement mon grand-père. Je pleurais le petit garçon qu'il avait été. La mère que j'avais été pour lui. Je pleurais mon mari. Ma vie.
Mon amour, reste loin de l'eau.
Je suis tombée amoureuse si vite, si fort, si entièrement. Pas parce que l'amour est aveugle, mais parce que ... il ne l'est pas. L'amour n'est pas aveugle, il est aveuglant.
Quand j'avais du mal à trouver mes mots, mon grand-père me tendait un papier et un stylo.
- Si tu n'arrives pas à les dire, écris-les. Ils dureront plus longtemps comme ça. Ecris tous tes mots, Annie. Ecris-les et donne-leur un endroit où aller.
𝙸 𝚠𝚊𝚜 𝚜𝚗𝚊𝚐𝚐𝚎𝚍 𝚋𝚎𝚝𝚠𝚎𝚎𝚗 𝚊 𝚏𝚞𝚝𝚞𝚛𝚎 𝚝𝚑𝚊𝚝 𝚠𝚊𝚜 𝚖𝚢 𝚙𝚊𝚜𝚝, 𝚊𝚗𝚍 𝚊 𝚙𝚊𝚜𝚝 𝚝𝚑𝚊𝚝 𝚖𝚒𝚐𝚑𝚝 𝚋𝚎 𝚖𝚢 𝚏𝚞𝚝𝚞𝚛𝚎.
Nous gardons dans nos cœurs les gens que nous aimons. Nous ne les perdons jamais, tant que nous nous souvenons de l'amour qu'ils avaient pour nous
Il y a des chemins qui vous brisent inévitablement le cœur, des actes qui vous dérobent votre âme ; vous errez alors à sa recherche, pour tâcher de retrouver ce que vous avez perdu. La politique a causé en Irlande la perte de trop d’âmes. Je veux m’accrocher à ce qu’il reste de la mienne
Je ne peux imaginer que tous les hommes aiment leur femme comme j'aime Anne. S'ils le faisaient, les rues seraient désertes et les champs seraient laissés en friche. Les usines cesseraient de tourner car les hommes seraient prosternés aux pieds de leur épouse, ils ne verraient et ne voudraient qu'elle. Si tous les hommes aimaient leur femme comme j'aime Anne, nous serions tous des bons à rien. Ou bien le monde connaîtrait enfin la paix. Les guerres prendraient peut-être fin, et la lutte cesserait car notre existence tournerait autour du seul besoin d'aimer et d'être aimé.