Citations sur D. (33)
- (...) Des personnages importants vont se retrouver dans une situation grave. C'est ce que vous voulez ? Vous représentez-vous le mal que cela ferait à la réputation de l'armée ?
- Je ne doute pas qu'il y aurait des dégâts, mon général. Mais nous nous en sortirions avec les honneurs en faisant nous-mêmes le ménage. Alors que nous ne ferions, me semble-t-il, qu'aggraver les choses en ajoutant de nouveaux mensonges à ceux...
- Personne ne parle de mentir, colonel ! Je ne vous demande pas de mentir ! Je ne ferais jamais une chose pareille. Je sais que vous êtes un homme d'honneur. D'ailleurs, je ne vous demande pas de faire quoi que ce soit. Je vous demande seulement de ne pas faire quelque chose - de ne pas vous approcher de l'affaire Dreyfus. Est-ce tellement déraisonnable, Georges ?
J'avais seize ans quand les Allemands bombardèrent Strasbourg, me donnant ainsi le privilège d'assister personnellement à un événement que l'on présente à l'Ecole supérieure de guerre comme « la première utilisation à grande échelle de l'artillerie lourde moderne dans le but précis de réduire une population civile ». J'assistai à l'incendie du musée des Beaux-Arts et de la bibliothèque municipale, vis tout le voisinage se faire pulvériser, m'agenouillai auprès d'amis agonisants, aidai à dégager des gens que je ne connaissais pas des décombres. Au bout de neuf semaines, les troupes se rendirent. On nous donna le choix entre rester sur place et devenir allemands ou renoncer à tout et nous exiler en France. Nous arrivâmes à Paris sans ressources et débarrassés de toute illusion quant à la sécurité que pouvait apporter un mode de vie civilisé.
C’est ma première leçon sur le pouvoir cabalistique du « renseignement » et du « secret », deux mots susceptibles de pousser des personnes habituellement sensées à oublier leur raison pour se conduire comme des imbéciles.
On aurait dit que tout le mépris et les récriminations accumulés depuis la défaite de 1870 ont trouvé un exutoire en ce seul individu.
-Vous vous souvenez de ce que je vous ai dit dans mon automobile, colonel Piquart ? Je vous ai dit que je ne voulais pas d'une autre affaire Dreyfus.
-Il ne s'agit pas d'une nouvelle affaire Dreyfus, mon général. C'est toujours la même.
Dans un coin reculé de notre esprit, dès que nous prenons conscience de notre condition de mortel, n'attendons-nous pas secrètement la mort de nos parents ? Ou bien cet état d'angoisse permanente, est-il spécifique, à ceux que le malheur a déjà frappés une fois dans l'enfance ?
-Le colonel Sandherr n'a jamais eu à se plaindre de mes méthodes.
-Le colonel Sandherr n'est plus ici.
-Je vous retrouve ici après la messe.
-Tu n'entres pas ?
-Je n'entre jamais, maman. Nous avons cette discussion toutes les semaines.
Ses yeux gris et mouillés me dévisagent, sa voix tremble.
-Mais que vais-je dire à Dieu ?
-Dites-lui que je serais au Café du Commerce, sur la place, là-bas.
Faire tourner les tables, dire la bonne aventure et communiquer avec les morts sont la grande mode à Paris, en ce moment. On en vient à désespérer, de ses frères humains.
"Le secret n'existe pas - pas vraiment, plus dans le monde d'aujourd'hui, plus avec la photographie, le télégraphe, le chemin de fer et la presse. Le temps du cercle restreint de personnes réfléchissant pareillement et communiquant à la plume d'oie par voie de parchemin a disparu. Tôt ou tard, la plupart des choses finissent par être rendues publiques." (p. 222)