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Critique de umezzu


La biographie de Robert Harris montre un goût marqué pour les jeux de pouvoirs, la politique et L Histoire : la trilogie sur Cicéron (Imperium, Conspirata, Dictator), L'homme de l'ombre, sur la politique britannique, ou Fatherland, l'uchronie où l'Allemagne nazie sortait gagnante de la seconde guerre mondiale et qui l'a fait connaître du grand public.
Munich regroupe une fois de plus ces trois thèmes. Ce roman est tout à la fois une présentation détaillée de ce que fut la conférence de Munich en septembre 1938, qui vit deux nations « alliées » à la Tchécoslovaquie offrir à Hitler les territoires des Sudètes, et un éclairage sur le fonctionnement de l'appareil d'État britannique sous la direction du Premier Ministre britannique Neville Chamberlain, qui tenta tout pour maintenir la paix.

Hugh Legat est un des secrétaires privés du PM (le premier ministre britannique). Il est aux premières loges pour voir croître les tensions internationales autour des revendications d'Hitler, qui, après l'Anschluss, veut maintenant récupérer des territoires tchécoslovaques peuplés majoritairement d'Allemands. Une des conséquences du traité de Versailles a été de créer ce nouvel État tchécoslovaque en y intégrant trois millions d'habitants de langue et de culture allemande. Les Sudètes constituent un ensemble de régions périphériques à la Bohème et à la Moravie, stratégiquement et économiquement fondamentales pour l'indépendance du pays. Hitler a beau jeu de rappeler aux alliés qu'ils ont pensé en 1918 la nouvelle carte de l'Europe sur la base du droit des peuples à disposer d'eux-même. C'est ce qu'il réclame à son tour pour cette zone géographique, où un parti nationaliste allemand (et en fait pro-nazi) soutient activement le rattachement des Sudètes au Troisième Reich.
Paul Hartmann, ancien condisciple de Hugh Legat au début des années 30 à Oxford, est désormais l'un des secrétaires des affaires étrangères du Reich, chargé des affaires anglaises. Lui et un petit groupe de dirigeants issus des ministères, mais aussi de l'armée, rêvent de mettre fin au régime nazi qui cadenasse l'Allemagne. Mais leurs projets restent nébuleux. La Gestapo veille. Ils savent tous pertinemment que les menaces d'Hitler conduiront tôt ou tard à un affrontement armé. Hitler ne s'est pas caché de sa volonté « d'espace vital » pour l'Allemagne.
La conférence quadripartite de Munich est l'occasion pour les deux ex-amis de se recroiser et de tenter de contrecarrer les projets du dictateur allemand.

Harris construit son récit à base de chapitres alternant le point de vue et les actes de Legat et ceux d'Hartmann. Une progression qui permet de bien comprendre les enjeux et ce qui, après coup, peut apparaître comme les atermoiements de Chamberlain. le personnage a été beaucoup décrié après guerre, comme ayant cédé trop facilement, avec le président du Conseil Daladier, aux caprices du Führer. La réalité est autrement plus complexe. L'opinion reste profondément marquée par l'hécatombe de la première guerre mondiale et ne comprend pas comment par le jeu des alliances France et Royaume-Uni pourraient devoir se battre pour un morceau de territoire, qui plus est peuplé d'Allemands. Hitler prétend que le regroupement des terres allemandes (Allemagne, Autriche et Sudètes) est le dernier acte expansionniste de sa part. Il est prêt à signer tous les traités possibles à ce propos ; sachant qu'il ne les respectera pas et qu'il continue activement le réarmement.

Dans ses remerciements, Harris explique avoir porté depuis plus de trente ans le projet de faire un livre sur la crise politique et diplomatique qui conduisit aux accords de Munich. La leçon d'Histoire qui en découle est parfaite. le lecteur qui s'attendrait à un roman à intrigue et à rebondissements en sera sans doute lui pour ses frais. La partie « romanesque » du récit, très documenté, est réduite à la portion congrue. En ce sens, ce Robert Harris est sans doute plus ardu que ses autres ouvrages. Les amateurs d'Histoire eux apprécieront.
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