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Jim Harrison a 64 ans au moment où il rédige ce condensé de souvenirs. On y découvre un jeune homme réfugié dans les livres.
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En classe de première et de terminale au lycée, durant les années 1954-56, au plus bas de la sénilité d'Eisenhower, j'ai aussi commencé de lire énormément de romans français et de poésie française, ce qui a encore accentué mon impatience. Maintenant, en plus de New York, il y avait Paris comme ville rêvée. J'avais presque entièrement renoncé à la peinture, car en une seule journée les tubes de peinture me coûtaient davantage que ce que je gagnais, une leçon d'économie élémentaire, le genre de leçon que je n'ai pas apprise aisément, mais néanmoins rendue plus abordable par ma conviction de ne jamais pouvoir devenir un nouveau Modigliani, alors que la seule caractéristique que je partageais avec Van Gogh était une disposition troublante à la dépression. (p.48)
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A l'âge de 7 ans, Jim se retrouve borgne et sur cet accident d'enfance, il pose une marque blanche comme un rendez-vous inexplicable avec lequel il se doit de se relever.
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Pendant cette guerre ma soeur Judith est née et je me rappelle avoir eu des sentiments mitigés à son égard, car elle monopolisait l'attention de ma mère. Ce sentiment d'abandon fut encore accentué par un accident malheureux où je perdis la vision de mon oeil gauche lors d'une querelle avec une petite voisine sur un terrain boisé, près d'un tas de cendres, derrière l'hôpital municipal. Elle a brandi un tesson de bouteille contre mon visage et ma vue s'est enfuie dans un flot de sang. (p.32)
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On découvre Jim jeune homme voyageur et vagabond, se donnant des envies que ses moyens financiers ne lui permettent pas, ce qui le fait galérer pour trouver de petits boulots.
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Qu'avais-je donc en tête pour, dès ma prime jeunesse, me mettre ainsi en marge ? Tu fais l'impossible pour créer un mode de vie qui conviennent à ta vocation de poète, ou plutôt un mode de survie qui n'est pas sans ressembler au rituel d'une société primitive par lequel un jeune peut commencer de pratiquer la chasse et la cueillette. (p.99)
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Galère à laquelle il doit mettre un terme pour faire face à ses responsabilité familiales : Jim épouse Linda, sa jeune amie,
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Dans le mariage, j'ai trouvé un ancrage sur Terre. J'étais trop nu pour survivre autrement et j'ai découvert de quoi me vêtir dans ce rituel quotidien de l'amour. (p.105)
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et bientôt une fille, puis une deuxième arrivent. Il faudra beaucoup de ténacité à Harrison qui se bat contre lui-même, ses pensées envahissantes et son envie de liberté, son désir d'être libre d'écrire et d'en vivre.
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J'ai essayé le journalisme, qui m'a permis de voyager en Russie, en Afrique, en Amérique du Sud et en France, mais en réalité ces contrats temporaires me permettaient seulement de survivre le temps de rédiger mon article, sans me laisser assez de liberté pour écrire ce que je désirais vraiment écrire, et j'ai enfin compris la leçon économique qui me crevait pourtant les yeux depuis longtemps : les boulots de survie dévorent toute la vie. (p.216)
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Devenu scénariste pour Hollywood, Jim rencontre enfin Jack Nicholson qui lui sera d'un grand secours alors qu'il touche le fond. Cet appel du pied le propulse d'années en années vers l'auteur que nous connaissons, vers le poète qu'il voulait tant être, vers l'auteur qui rejoint ses mentors.
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Tu regardes ta voiture garée dans l'allée et couverte de neige ou de poussière, et puis tu penses un peu tard que le moment est venu de te mettre au volant pour aller récolter quelques souvenirs flambants neufs. Car tu es le prédateur de tes propres souvenirs et tu as déjà dévoré tous ceux que tu as réussi à convoquer dans ta conscience avide. (p.226)
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Jim Harrison raisonne et déraisonne. Il sombre et se relève, se réfugie dans un chalet perdu et sans électricité ou il puise ses histoires. Ce genre d'histoires qu'il avait rêver pouvoir écrire un jour lointain.
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Quand nous passions en voiture devant la maison de campagne d'une femme qui écrivait dans le Saturday Evening Post et dans Colliers, mes parents ne tarissaient pas d'éloges sur elle, et l'idée de gagner ma vie en écrivant des histoires a commencé à me séduire. (p.236)
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Craignant de ne rien laisser à ses filles, Harrison travaille comme un dingue, et sa volonté va être satisfaite :
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La glace littéraire est vraiment mince et presque tout le monde disparaît dans l'oubli au même titre qu'un mineur, un paysan, un agent immobilier désenchanté. Il y a longtemps, j'ai fait un pari stupide avec le destin : je lui demandais seulement que mes livres restent disponibles en librairie. J'ai soixante-quatre ans et ils le sont tous. Que demandez de plus ? (p.323)
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L'auteur nous confie les débuts de ses succès littéraires, ses premiers romans, et aussi quelques secrets d'auteurs, ses refuges, ses addictions, ses faiblesses et ses grandes joies, ses désespoirs de scénariste et parfois tout de même sa satisfaction pour certains films bien réalisés. Je ne peux que recommander ce livre, à ceux qui connaissent déjà Harrison ou à ceux qui veulent le découvrir.
Lien : http://lecturesencontrepoint..
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Ce cher Jim ne se fait aucun cadeau, il raconte au couteau sa vie ses égoïsmes, ses excès, ses amis, ses sources et sa passion pour la nature telle que nous la revons parfois grande, majestueuse et belle un peu comme l'homme devrait être ...
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« Je reconnaissais à contrecoeur l'existence d'un monde extérieur à mon cerveau. » (189)

J'ai trouvé un ami littéraire. Bourrin, Hâbleur, doté d'un caractère problématique, mais un ami tout de même.

« Là, je me dépouille de mes systèmes de survie. » (9)

Dès la préface, mes vibrisses ont frétillé. Cet homme profondément vivant ne me ressemble guère dans ses aspects extérieurs, mais son sens de l'autodérision, sa pratique de la pleine conscience, sa recherche de mise en abîme et ses déboires avec son cerveau me le rendent proche.

« Je suis depuis longtemps un disciple absurdement inepte du zen. » (287)

Ses histoires ont un côté décousu. La concordance des temps est bousculée. Il ne fait pas beaucoup d'efforts de transitions. Il faut écarter les broussailles pour découvrir le fourré où se terre l'animal. Je ne le suis pas toujours, mais j'aime bien ne pas tout comprendre. Cela donne des projets d'avenir.

« Ce que nous ne comprenons pas est toujours plus intéressant que le reste. » (86)

Ses considérations littéraires sont parfois délicieuses :

« Pour me taquiner, il a ajouté le nom d'Hemingway, en sachant très bien que je n'aimais pas beaucoup cet auteur qui moi évoquait un gros poêle à bois incapable de diffuser beaucoup de chaleur. » (61)

« Il n'existe pas d'auteurs dans l'histoire de la littérature occidentale qui abrase les terminaisons nerveuses aussi efficacement, qui explose les neurones aussi violemment, que Dostoïevski. » (181)

La structure du livre est originale : biographie – 7 obsessions – biographie. Ce qui fait avancer le moteur est au coeur de la vie… Cet homme des bois et des rivières en est arrivé à la même conclusion que moi : le temps – celui que nous choisissons d'utiliser comme bon nous semble – est notre bien le plus précieux, le garant de notre équilibre mental et de notre intégrité.

« En fait, ce chaos est bel et bien votre vie, dans lequel vous essayez de créer une ligne narratrice perceptible. Depuis l'enfance, j'aime observer les oiseaux et, lorsque je suis enfoui dans mon chaos personnel, je m'imagine en oiseau doté d'une grande intelligence humaine, doté de la capacité de voir la vie de manière topographique et de voir le temps de manière holographique. » (318)
Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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"Lorsque j'ai annoncé à mes filles que j'écrivais mes mémoires, elles ont bondi en l'air en poussant des hauts cris, et j'ai contre-attaqué en leur annonçant pour blaguer que je pourrais peut-être les envoyer en Europe au cours des deux mois qui suivraient la publication de mon livre, une promesse de cadeau qu'elles ont aussitôt tournée en ridicule. Un mois plus tard, j'ai eu droit à une permission équivoque : "Vas-y. Mais il faut que tu sois honnête."
Issue de la dernière partie du livre, cette citation aura été suivie comme une sentence par Jim Harrison. Sur 500 pages, il se sera fait fort de contenter absolument les désirs de vérité(s) de son lecteur. Aussi apprend-on tout de sa vie, de sa blessure à l'oeil alors qu'il n'est qu'un enfant aux difficultés de vivre d'une passion littéraire, de l'enfance sauvage à la marginalité de l'avant-succès, du succès et de la frayeur qu'il apporte.
Pour être parfaitement honnête avec vous, j'ouvre et rouvre ce livre à chaque fois que je trouve au monde des faux-airs de cimetière. J'ouvre ce livre quand meurt un utopiste ou un rêveur et que son idée ou sa foi sont remplacées par n'importe quelle machine auto-suffisante, précise et désinfectante. J'ouvre ce livre parce que Jim Harrison est une victoire du genre humain auquel le nombre de défauts est au moins égal au nombre de des qualités.Mais qu'importe ! Harrison est précis dans ce qu'il expose, il ne ment pas ou alors par omission. Il raconte les galères et la folie du monde, les rencontres extraordinaires ( Jack Nicholson - qui l'aidera à se sortir d'une galère financière inextricable-, Stanley Kubrick, Colum McCann, Brautigan et j'en passe), Il donne à ontempler les trajectoires de sa vie, sinueuses, ses avancées et ses reculs, la chance comme élément déclencheur et le travail comme moteur.
Harrison a toujours été dépressif. Il livre dans cette auto-biographie la réalité de cette maladie qui l'oblige souvent à fuir le monde et rejoindre la péninsule Nord-Michigan ou sa casita de la frontière mexicaine.
On savait déjà beaucoup de choses sur l'homme, tant, comme il l'affirme d'ailleurs, "c''est à cet instant inaugural de l'écriture que je redoute le plus cet état de "fugue" que j'ai plusieurs fois connu, un état où tout le matériau que j'ai inventé ainsi que la totalité de ma propre histoire personnelle se fondent l'un dans l'autre en étant imprégnés d'une énergie mentale incontrôlable, si bien qu'il me suffit de fermer les yeux pour voir défiler devant moi le tourbillon de centaines d'images."
Chez Jim Harrison comme chez beaucoup d'écrivain, l'homme et l'oeuvre sont intimement mêlées et dures à séparer. Personnellement, l'idée que j'aie d'Harrison est au moins aussi précise et forte que celle que j'aie de Dalva ou de Ted, et ça me va comme ça.
"J'ai peut-être été préseomptueux, mais dans ces mémoires je n'ai à aucun moment raconté les histoires de mes livres. Pourquoi quelqu'un s'intéresserait-il à mon autobiographie s'il n'a pas d'abord été ému par mes romans et mes poèmes ? (...) Un roman parle de ce qu'il est. Point final."
Et plus loin, de conclure : "un écrivain est peut-être toujours un passager clandestin. Caché, et très en marge".
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Contrairement à ce que l'auteur présume, j'ai lu ses mémoires sans avoir lu le moindre de ses romans ou poésies. L'histoire et les aventures d'un enfant puis d'un homme et de sa famille, et de ses errements et difficultés avant de gagner une notoriété évidente. Un récit apparemment honnête et lucide d'un homme qui semble avoir un recul sur sa vie. Intéressant.
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