Citations sur Nord-Michigan (39)
"Mon Dieu ! que l'esprit humain est étrange. Trop de whisky et pas assez de sommeil, ça n'arrange rien. Peut-être les fantômes existent-ils après tout. Mais ils ont sûrement une forme humaine.
«Le peu de courage qui lui restait pour enseigner s’était envolé avant la fin du mois de septembre. Il se levait chaque matin avec une sorte de crainte confuse, mêlée de lassitude. Il passait beaucoup moins de temps à la taverne, à jouer aux cartes, et beaucoup plus de temps à lire des ouvrages sur des pays lointains. Toutes les contraintes, les habitudes, les règles de son travail comme de ses loisirs semblaient avoir cédé, même les plus ancrées.»
Tu disais que tu avais déjà été dans cet endroit pour chasser le lapin avec ton père. Là où tu guettais le coyote. Et que tu avais l'impression d'avoir attendu pendant les vingt ans qui se sont écoulés depuis. Mais j'ai marché autour de ce même marécage bien avant toi, et je ressens exactement la même chose. Ce qui s'est passé dans ma vie, je me le demande encore. Et je ne suis pas le seul. Tout le monde se pose ce genre de question, même si personne n'en parle. C'est drôle, mais mon seul repère dans le passé, ce sont mes chiens de chasse.
La famille tout entière avait été étonnée de les voir se maintenir aux premiers places au collège. Le père de Joseph était très fier de constater que, si elles étaient pauvres, elles étaient loin d'être stupides. Ce qu'il y a de cruel dans la pauvreté, c'est qu'elle donne à ses victimes le sentiment d'être indignes, et qu'il suffit d'une crise économique pour que les gens se laissent intimider et repousser par la vie.
Tu deviens un peu cinglé. Tu devrais te marier.
Joseph avait toujours été impressionné par le caractère net et pimpant d’une ferme en exploitation. Souvent, le gazon n’était pas tondu et la maison et les bâtiments n’avaient pas été repeints depuis longtemps, mais il y avait un charme particulier dans les vieux outils, les énormes tas de fumier et les grands champs cultivés. Il n’aimait pas les fermes proches de la ville qui avaient été rachetées comme résidences par les cadres de l’usine de laminage du comté. Après la guerre, l’usine s’était développée en fabriquant des pièces détachées pour les fenêtres et les caravanes de tourisme. Ceux qui avaient les meilleurs postes achetèrent des fermes à proximité du chef-lieu du comté et les laissèrent en friche ou les reconvertirent en pâturage pour les chevaux de leurs enfants. Une partie des terres fut revendue pour construire des lotissements pour les ouvriers de l’usine, et les maisons furent modernisées. On y ajouta des faux volets. Parfois même, on les entoura de barrières en bois blanc et on peignit en rouge les bâtiments annexes. Peut-être avaient-ils tenté de les faire ressembler aux fermes du Kentucky ou de Nouvelle-Angleterre.
Assis sur son talus, il se sentait jeune et stupide. Et puis triste aussi de n'avais pas su, jusqu'à cet après-midi-là, que la vie pouvait, en de très rares occasions, offrir des choses aussi absolues et aussi merveilleuses que celles qui naissent parfois de notre imagination.
Joseph avait préféré "L'ours", mais il avait été profondément troublé par le livre de Dostoïevski. Comment un homme pouvait-il penser de telles choses sans se faire sauter la cervelle ? Le professeur avait grondé Joseph en lui disant que ce n'était pas Dostoïevski mais son personnage qui s'exprimait en fait. Celui qu'il avait le moins aimé était Sherwood Anderson parce qu'il n'écrivait que sur des choses que tout le monde connaissait. Mais le professeur avait souligné que c'était précisément ce qui faisait la qualité de son oeuvre, point de vue qui passa au-dessus de la tête de Joseph comme un vol d'oiseau en migration. le professeur interrogeait souvent Joseph mais Joseph avait l'impression qu'il se servait en fait de lui pour illustrer les erreurs d'interprétation à ne pas commettre. Il devint de plus en plus fermé et silencieux.
Joseph était convaincu qu'on pouvait vraiment tout supporter dans la vie, tant qu'on était en vie. Comme sa mère, qui continuait à lire et à bavarder avec ses amies, qui avait commandé des graines pour ses plantations et qui s'était même fait une robe pour l'été en sachant pourtant qu'elle ne le verrait pas et qu'elle serait déjà dans la tombe.
Joseph aimait les longues journées fraîches d'automne, lorsque même les ombres sur le sol étaient nettes et identifiables.